30 janvier 2023 | Actualité France, Autres
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 5 février 2023
5éme dimanche du temps ordinaire année A
1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile
PREMIERE LECTURE – prophète Isaïe 58,7-10
Ainsi parle le SEIGNEUR :
7 Partage ton pain avec celui qui a faim,
accueille chez toi les pauvres sans abri,
couvre celui que tu verras sans vêtement,
ne te dérobe pas à ton semblable.
8 Alors ta lumière jaillira comme l’aurore,
et tes forces reviendront vite.
Devant toi marchera ta justice,
et la gloire du SEIGNEUR fermera la marche.
9 Alors, si tu appelles, le SEIGNEUR répondra ;
si tu cries, il dira : « Me voici. »
Si tu fais disparaître de chez toi
le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante,
10 si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires,
et si tu combles les désirs du malheureux,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres
et ton obscurité sera lumière de midi.
A première vue, on pourrait prendre ce texte pour une belle leçon de morale et ce ne serait déjà pas si mal ! Mais, en fait, il s’agit de bien autre chose : je vous rappelle le contexte ; nous sommes à la fin du sixième siècle avant J.C. ; le retour d’Exil est chose faite, mais il reste encore bien des séquelles de cette période terrible ; puisque, un peu plus bas, le même prophète parle des « dévastations du passé » et des ruines à relever.
La pratique religieuse s’est remise en place à Jérusalem et, de bonne foi, on s’efforce de plaire à Dieu. Mais notre prophète est ici chargé de délivrer un message un peu délicat : oui, vous voulez plaire à Dieu, c’est une affaire entendue, seulement voilà : le culte qui plaît à Dieu n’est pas ce que vous croyez ; et le prophète leur adresse de lourds reproches : vous cherchez à vous faire bien voir de Dieu par des jeûnes spectaculaires parce que vous voulez vous attirer ses bonnes grâces, mais pendant ce temps vous n’êtes que disputes, querelles, brutalités, appât du gain.
Voici ce que dit Isaïe, quelques lignes avant notre texte d’aujourd’hui : « Le jour de votre jeûne, vous savez (quand même) tomber sur une bonne affaire, et tous vos gens de peine, vous les brutalisez ! Vous jeûnez tout en cherchant querelle et dispute, et en frappant du poing méchamment ! Vous ne jeûnez pas comme il convient en un jour où vous voulez faire entendre là-haut votre voix. Doit-il être comme cela le jeûne que je préfère, le jour où l’homme s’humilie ? S’agit-il de courber la tête comme un jonc, d’étaler en litière sac et cendre ? Est-ce pour cela que tu proclames un jeûne ? » (58,4-5).
Cela nous vaut l’un des textes les plus percutants de l’Ancien Testament ! Dommage que nous ne le lisions pas plus souvent ! Car il bouscule nos idées sur Dieu et sur la religion : nous avons là la réponse à l’une de nos grandes questions : « Qu’est-ce que Dieu attend de nous ? » Et, en fait de réponse, on ne peut pas être plus clair !
En quelques lignes, tout est dit ; mais comme toujours, quand un texte est très dense, on peut se dire qu’il a été longuement travaillé : c’est bien le cas ici, pour ce passage d’Isaïe. Car ces quelques lignes sont l’aboutissement de toute l’oeuvre des prophètes. Depuis des siècles, en Israël, et pas seulement depuis l’Exil, depuis Abraham, c’est-à-dire à peu près 1850 ans av. J.C., on cherche à faire ce qui plaît à Dieu. On a tout essayé : les sacrifices humains, d’abord, mais Dieu a tout de suite fait savoir qu’avec lui, le Dieu des vivants, il ne pouvait pas en être question ; alors on a continué à offrir des sacrifices, mais d’animaux seulement ; et puis il y a eu, comme dans toutes les religions, des jeûnes, des offrandes de toute sorte, des prières.
Tout au long de ce lent développement de la foi d’Israël, les prophètes appelaient le peuple à ne pas se contenter du culte mais à vivre l’Alliance au quotidien. Et c’est bien le sens de ce passage. Le prophète commence par dire (juste avant notre texte de ce dimanche) : « Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs ! » Si je comprends bien, aux yeux de Dieu, tout geste qui vise à libérer nos frères vaut mieux que le jeûne le plus courageux.
Puis vient le passage que nous avons entendu tout à l’heure qui nous propose des gestes de partage : nourrir l’affamé, et désaltérer l’assoiffé, recueillir le malheureux sans abri, vêtir celui qui a froid, combler le désir des malheureux… en un mot secourir toutes les souffrances que nous rencontrons.
Je vous propose trois remarques : premièrement, les gestes de libération, les gestes de partage qu’Isaïe nous recommande sont tout simplement l’imitation de l’oeuvre de Dieu lui-même ; Israël a expérimenté bien souvent l’action du Dieu libérateur et la compassion du Dieu miséricordieux ; et ce qui lui est demandé, c’est de faire les mêmes gestes à son tour. Décidément, l’homme est vraiment fait pour être l’image de Dieu ! Et si l’on en croit les prophètes, notre attitude envers les autres est le meilleur thermomètre de notre attitude envers Dieu.
Deuxièmement, alors on ne s’étonne pas qu’Isaïe puisse promettre : « Si tu combles les désirs du malheureux, la gloire du SEIGNEUR t’accompagnera » (« la gloire du SEIGNEUR », c’est-à-dire le rayonnement de sa présence) ; ce n’est pas une récompense ! C’est beaucoup mieux que cela : c’est une réalité… car, réellement, quand nous agissons à la manière de Dieu par des actes qui libèrent, qui rassurent, qui encouragent, qui adoucissent les épreuves de toute sorte, alors il nous est donné de refléter un peu pour eux la lumière de Dieu. Et vous avez remarqué l’insistance d’Isaïe sur la lumière : « Alors ta lumière jaillira comme l’aurore… ta lumière se lèvera dans les ténèbres, ton obscurité sera comme la lumière de midi ». Bien sûr, puisqu’il s’agit de la lumière même de Dieu. Pour le dire autrement, Isaïe nous dit « Quand tu donnes, tu reflètes la présence de Dieu. » Une fois de plus on peut rappeler cette superbe phrase de la tradition chrétienne « Là où il y a de l’amour, là est Dieu ».
Troisièmement, tout acte de justice, de libération, de partage est un pas vers le Royaume de Dieu : puisque, justement, ce Royaume que tout l’Ancien Testament attend est le lieu de la justice et de l’amour ; c’est bien le sens de l’évangile des Béatitudes, dans lequel Jésus nous dit que le Royaume est construit au jour le jour par les doux, les purs, les pacifiques, les assoiffés de justice et de miséricorde.
PSAUME – 111 (112)
4 Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres,
homme de justice, de tendresse et de pitié.
5 L’homme de bien a pitié, il partage ;
il mène ses affaires avec droiture.
6 Cet homme jamais ne tombera ;
toujours on fera mémoire du juste.
7 Il ne craint pas l’annonce d’un malheur :
le cœur ferme, il s’appuie sur le SEIGNEUR.
8 Son cœur est confiant, il ne craint pas.
9 À pleines mains, il donne au pauvre ;
à jamais se maintiendra sa justice,
sa puissance grandira, et sa gloire !
Chaque année, au cours de la fête des Tentes, cette fête qui dure, encore aujourd’hui, une semaine à l’automne, le peuple entier faisait ce qu’on pourrait appeler sa « profession de foi » : il renouvelait l’Alliance avec Dieu et s’engageait de nouveau à respecter la Loi. Le psaume 111/112 était certainement chanté à cette occasion.
L’ensemble de ce psaume est à lui seul un petit traité de la vie dans l’Alliance : pour mieux le comprendre, il faut le lire depuis le début. Je vous lis le premier verset : « Alleluia ! Heureux qui craint le SEIGNEUR, qui aime entièrement sa volonté ! »
Tout d’abord, donc, il commence par le mot Alleluia, littéralement « Louez Dieu » qui est le maître-mot des croyants : quand l’homme de la Bible nous invite à louer Dieu, c’est pour le don de l’Alliance précisément. Ensuite, ce psaume se présente comme un psaume alphabétique : c’est-à-dire qu’il comporte vingt-deux lignes, autant qu’il y a de lettres dans l’alphabet hébreu ; le premier mot de chaque ligne commence par une lettre de l’alphabet dans l’ordre alphabétique ; manière d’affirmer que l’Alliance avec Dieu concerne toute la vie de l’homme et que la Loi de Dieu est le seul chemin du bonheur pour la totalité de la vie, de A à Z. Enfin, le premier verset commence par le mot « heureux » adressé à l’homme qui sait se maintenir sur le chemin de l’Alliance.
Cela fait immédiatement penser à l’évangile des Béatitudes qui résonne de ce même mot « heureux » : Jésus employait là un mot très habituel dans la Bible mais que malheureusement notre traduction française ne peut pas rendre complètement ; dans son commentaire des psaumes, André Chouraqui faisait remarquer que la racine hébraïque de ce mot « a pour sens fondamental la marche, le pas de l’homme sur la route sans obstacle qui conduit vers le Seigneur. » Il s’agit donc « moins du bonheur que de la démarche qui y conduit. » C’est pour cela que le même Chouraqui traduisait le mot « Heureux » par « En Marche », sous-entendu, vous êtes sur la bonne voie, continuez ».
Généralement, dans la Bible, le mot « heureux » ne va pas tout seul, il est opposé à son contraire « malheureux » : l’idée générale étant qu’il y a dans la vie des fausses pistes à éviter ; certains chemins (traduisez choix, comportements) vont dans le bon sens et d’autres, opposés, ne sèmeront que du malheur. Et si on lit ce psaume en entier dans la Bible, on s’aperçoit qu’il est construit de cette manière ; le psaume 1 qui est plus connu est, lui aussi, construit exactement de la même façon : il commence par détailler longuement quels sont les bons choix, ce qui est chemin de bonheur pour tous et, beaucoup plus brièvement, parce que cela ne vaut pas la peine d’en parler, les mauvais choix.
Ici, le bon choix est précisé dès le premier verset : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR ! » Nous retrouvons cette expression si fréquente dans l’Ancien Testament : « la crainte de Dieu » ; malheureusement, la lecture liturgique est coupée ici et ne nous fait pas entendre la seconde ligne de ce premier verset ; je vous le lis en entier : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR, qui aime entièrement sa volonté. » Voilà donc une définition de la « crainte de Dieu » : c’est l’amour de sa volonté. Parce qu’on est en confiance, tout simplement. La crainte du Seigneur, on le sait bien, n’est pas de l’ordre de la peur : d’ailleurs, un peu plus bas, un autre verset le précise bien : « L’homme de bien… s’appuie sur le SEIGNEUR ; son coeur est confiant… »
La « crainte de Dieu » au sens biblique, c’est à la fois la conscience de la Sainteté de Dieu, la reconnaissance de tout ce qu’il fait pour l’homme, et, puisqu’il est notre Créateur, le souci de lui obéir ; car, s’il est notre Créateur, lui seul sait ce qui est bon pour nous. C’est une attitude filiale de respect et d’obéissance confiante. La double découverte d’Israël c’est à la fois que Dieu est le Tout-Autre ET qu’il se fait le Tout-Proche. Il est infiniment puissant, oui, mais cette toute-puissance est celle de l’amour. Nous n’avons donc rien à craindre puisqu’il peut et veut notre bonheur ! Vous connaissez ce verset du psaume 102/103 : « Comme la tendresse du père pour ses fils, ainsi est la tendresse du SEIGNEUR pour qui le craint ». Craindre le Seigneur, c’est bien avoir à son égard une attitude de fils à la fois respectueux et confiant. C’est aussi « s’appuyer sur lui » : « L’homme de bien… s’appuie sur le SEIGNEUR ; son coeur est confiant ».
Voici donc la juste attitude envers Dieu, celle qui met l’homme sur la bonne voie : « Heureux l’homme qui craint le SEIGNEUR ! » Voici maintenant la juste attitude envers les autres : « L’homme de bien a pitié, il partage ; homme de justice, de tendresse et de pitié… A pleines mains, il donne au pauvre. » La formule « homme de justice, de tendresse et de pitié » fait irrésistiblement penser à la définition que Dieu a donnée de lui-même à Moïse : « Le SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté … » (Ex 34, 6). Et d’ailleurs, le psaume précédent (110/111) qui ressemble beaucoup à celui-ci emploie exactement les mêmes mots « justice, tendresse et pitié » pour Dieu et pour l’homme. Manière de dire que l’observation quotidienne de la Loi, dans toute notre vie, de A à Z, comme le symbolise l’alphabétisme de ce psaume, finit par nous modeler à l’image et à la ressemblance de Dieu.
J’ai bien dit ressemblance : le psalmiste n’oublie pas que le Seigneur est le Tout-Autre : les formules ne sont donc pas exactement les mêmes : pour Dieu on dit qu’Il « EST » justice, tendresse et pitié… alors que pour l’homme, le psalmiste dit « il est homme DE justice, DE tendresse, DE pitié », ce qui veut dire que ce sont des vertus qu’il pratique, ce n’est pas son être même. Ces vertus, il les tient de Dieu, il les reflète en quelque sorte.
Et alors parce que son action est à l’image de celle de Dieu, l’homme de bien est une lumière pour les autres : « Lumière des coeurs droits, il s’est levé dans les ténèbres ». Nous entendons là un écho de la lecture d’Isaïe « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement… alors ta lumière jaillira comme l’aurore ». C’est quand nous donnons et partageons, que nous sommes le plus à l’image de Dieu, lui qui n’est que don. Alors, à notre petite mesure, nous reflétons sa lumière.
DEUXIEME LECTURE – première lettre de Saint Paul aux Corinthiens 2,1-5
1 Frères,
quand je suis venu chez vous,
je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu
avec le prestige du langage ou de la sagesse.
2 Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ
ce Messie crucifié.
3 Et c’est dans la faiblesse,
craintif et tout tremblant,
que je me suis présenté à vous.
4 Mon langage, ma proclamation de l’Evangile,
n’avaient rien d’un langage
de sagesse qui veut convaincre ;
mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient,
5 pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes,
mais sur la puissance de Dieu.
Saint Paul, comme souvent, procède par contrastes : première opposition, le mystère de Dieu est tout différent de la sagesse des hommes ; deuxième opposition, le langage de l’apôtre qui annonce le mystère est tout différent du beau langage humain, de l’éloquence. Je reprends ces deux oppositions : mystère de Dieu / sagesse humaine ; langage du prédicateur / éloquence, (ou art oratoire, si vous préférez).
Et, tout d’abord l’opposition mystère de Dieu ou sagesse humaine : Paul dit qu’il est venu « annoncer le mystère de Dieu » ; il faut entendre par là le « dessein bienveillant » de Dieu que la lettre aux Ephésiens développera plus tard : ce dessein bienveillant, c’est de faire de l’humanité une communion parfaite d’amour autour de Jésus-Christ : il est donc fondé sur les valeurs de l’amour, du service mutuel, du don, du pardon ; et on voit bien que Jésus le met en oeuvre déjà tout au long de sa vie terrestre. On est donc très loin d’un Dieu de puissance au sens militaire du terme que certains imaginent.
Ce mystère de Dieu s’accomplit par un « Messie crucifié » : c’est tout à fait contraire à notre logique humaine ; c’est même presque un paradoxe ; Paul l’affirme, Jésus de Nazareth est bien le Messie ; mais pas comme on l’attendait. On ne l’attendait pas crucifié ; et même, selon notre logique humaine, le fait qu’il soit crucifié tendait à prouver qu’il n’était pas le Messie : tout le monde avait en tête une célèbre phrase du Deutéronome : d’après laquelle un homme qui avait été condamné à mort au nom de la Loi, et exécuté, était maudit de Dieu. (Dt 21,22-23).
Et pourtant, ce dessein du Dieu tout-puissant, ce n’est « rien d’autre que Jésus-Christ » comme dit Paul… Quand il témoigne de sa foi, il n’a rien d’autre à dire que Jésus-Christ ; pour lui, Jésus-Christ est vraiment le centre de l’histoire humaine, le centre du projet de Dieu, le centre de sa foi. Il ne veut rien connaître d’autre : « Je n’ai rien voulu connaître d’autre » ; derrière cette phrase, on perçoit les difficultés de ne pas céder aux pressions de toute sorte, aux injures, à la persécution déjà.
Ce Messie crucifié nous fait connaître ce qu’est la véritable sagesse, la sagesse de Dieu : c’est-à-dire don et pardon, refus de la violence… C’est tout le message de l’évangile des Béatitudes.
Face à cette sagesse divine, la sagesse humaine est raison raisonnante, persuasion, force, puissance ; cette sagesse-là ne peut même pas entendre le message de l’évangile ; et, d’ailleurs, Paul a essuyé un échec à Athènes, le haut lieu de la philosophie.
Deuxième opposition dans ce texte : langage de prédicateur, ou art oratoire. Paul n’a aucune prétention du côté de l’éloquence : voilà déjà de quoi nous rassurer, si nous n’avons pas la parole trop facile ! Mais Paul va plus loin : pour lui, l’éloquence, l’art oratoire, la faculté de persuasion seraient une gêne parce que totalement incompatibles avec le message de l’évangile. Annoncer l’Evangile ce n’est pas faire étalage d’un savoir ni asséner des arguments. Il est intéressant, d’ailleurs, de remarquer que dans le mot « convaincre », il y a « vaincre ». Il n’est peut-être pas à sa place quand on prétend annoncer la religion de l’Amour. La foi, comme l’amour, n’est pas affaire de persuasion… Allez donc persuader quelqu’un de vous aimer… On sait bien que l’amour ne se raisonne pas, ne se démontre pas… Le mystère de Dieu non plus ; on peut seulement y pénétrer peu à peu.
Le mystère d’un Messie pauvre, d’un Messie-Serviteur, d’un Messie crucifié, ne peut pas s’annoncer par des moyens de puissance : ce serait le contraire du mystère annoncé ! C’est dans la pauvreté que l’évangile s’annonce : voilà qui devrait nous redonner du courage ! Le Messie pauvre ne peut être annoncé que par des moyens pauvres, le Messie serviteur ne peut être annoncé que par des serviteurs.
Il ne faut donc pas nous inquiéter de n’être pas de très bons orateurs, car notre pauvreté de langage est seule compatible avec le message de l’évangile ; mais Paul va même jusqu’à dire que notre pauvreté de prédicateurs est une condition incontournable de la prédication ! Elle seule peut laisser le champ libre à l’action de Dieu. Ce n’est pas lui, Paul, qui a convaincu les Corinthiens, c’est l’Esprit de Dieu qui a donné à la prédication de Paul la force de la vérité en leur faisant découvrir le Christ.
J’en déduis que ce n’est pas non plus la force de notre raisonnement qui convaincra nos contemporains : leur foi ne reposera pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de l’Esprit de Dieu. Nous ne pouvons que lui prêter notre voix. Evidemment cela exige de nous un terrible acte de foi : « C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant que je suis arrivé chez vous. Mon langage, ma proclamation de l’évangile n’avaient rien à voir avec le langage d’une sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu ».
Au moment où nous avons l’impression que le cercle des croyants rétrécit comme une peau de chagrin, au moment où nous rêverions de moyens de puissance médiatique, télématique, électronique de toute sorte, et alors que nos moyens financiers sont révisés à la baisse, il nous est bon de nous entendre dire que l’annonce de l’évangile s’accommode mieux des moyens de pauvreté… Mais pour accepter cette vérité-là, il faut admettre que l’Esprit-Saint est meilleur prédicateur que nous ! Et que, peut-être, le témoignage de notre pauvreté serait la meilleure des prédications ?
EVANGILE – selon Saint Matthieu 5, 13 -16
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
13 « Vous êtes le sel de la terre.
Mais si le sel devient fade,
avec quoi sera-t-il salé ?
Il ne vaut plus rien :
on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
14 Vous êtes la lumière du monde.
Une ville située sur une montagne
ne peut être cachée.
15 Et l’on n’allume pas une lampe
pour la mettre sous le boisseau ;
on la met sur le lampadaire,
et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
16 De même, que votre lumière brille devant les hommes :
alors, voyant ce que vous faites de bien,
ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Tant mieux si une lampe est jolie, mais franchement, ce n’est pas le plus important ! Ce qu’on lui demande d’abord, c’est d’éclairer ; et d’ailleurs, si elle n’éclaire pas bien, si on n’y voit rien, comme on dit, on ne verra pas non plus qu’elle est jolie ! Quant au sel, sa vocation est de disparaître en remplissant son office : mais s’il manque, le plat sera moins bon.
Je veux dire par là que sel et lumière n’existent pas pour eux-mêmes ; d’ailleurs, je remarque au passage, que Jésus leur dit « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde » : ce qui compte, c’est la terre, c’est le monde ; le sel et la lumière ne comptent que par rapport à la terre et au monde ! En disant à ses disciples qu’ils sont le sel et la lumière, Jésus les met en situation missionnaire. Il leur dit : « Vous qui recevez mes paroles, vous devenez, par le fait même, sel et lumière pour ce monde : votre présence lui est indispensable ». Ce qui revient à dire que l’Eglise n’existe que POUR le monde. Voilà qui nous remet à notre place, comme on dit ! Déjà la Bible avait répété au peuple d’Israël qu’il était le peuple élu, certes, mais au service du monde ; cette leçon-là reste valable pour nous.
Je reviens au sel et à la lumière : on peut se demander quel point commun il y a entre ces deux éléments, auxquels Jésus compare ses disciples. Réponse : ce sont des révélateurs ; le sel met en valeur la saveur des aliments, la lumière fait connaître la beauté des êtres et du monde. Les aliments existent avant de recevoir le sel ; les êtres, le monde existent avant d’être éclairés. Cela nous en dit long sur la mission que Jésus confie à ses disciples, à nous. Personne n’a besoin de nous pour exister, mais apparemment, nous avons un rôle spécifique à jouer.
Sel de la terre, nous sommes là pour révéler aux hommes la saveur de leur vie. Les hommes ne nous attendent pas pour vivre des gestes d’amour et de partage parfois magnifiques. Evangéliser, c’est dire « le Royaume est au milieu de vous, dans tout geste, toute parole d’amour » ; c’est là qu’ils nous attendent si j’ose dire : pour leur révéler le Nom de Celui qui agit à travers eux : puisque « là où il y a de l’amour, là est Dieu ».
Lumière du monde, nous sommes là pour mettre en valeur la beauté de ce monde : c’est le regard d’amour qui révèle le vrai visage des personnes et des choses. L’Esprit Saint nous a été donné précisément pour que nous puissions entrer en résonance avec tout geste ou parole qui vient de lui.
Mais cela ne peut se faire que dans la discrétion et l’humilité. Trop de sel dénature le goût des aliments au lieu de le mettre en valeur. Une lumière trop forte écrase ce qu’elle veut éclairer. Pour être sel et lumière, il faut beaucoup aimer.
Il suffit d’aimer, mais il faut vraiment aimer. C’est ce que les textes de ce jour nous répètent selon des modes d’expression différents mais de façon très cohérente. L’évangélisation n’est pas une conquête. La Nouvelle Evangélisation n’est pas une reconquête. L’annonce de la Bonne Nouvelle ne se fait que dans une présence d’amour. Rappelons-nous la mise en garde de Paul aux Corinthiens : il leur rappelle que seuls les pauvres et les humbles peuvent prêcher le Royaume.
Cette présence d’amour peut être très exigeante si j’en crois la première lecture : le rapprochement entre le texte d’Isaïe et l’évangile est très suggestif. Etre la lumière du monde selon l’expression de l’évangile, c’est se mettre au service de nos frères ; et Isaïe est très concret : c’est partager le pain ou les vêtements, c’est faire tomber tous les obstacles qui empêchent les hommes d’être libres.
Et le psaume de ce dimanche ne dit pas autre chose : « l’homme de bien », c’est-à-dire « celui qui partage ses richesses de toute sorte à pleines mains » est une lumière pour les autres. Parce qu’à travers ses paroles et ses gestes d’amour, les autres découvriront la source de tout amour : comme dit Jésus, « En voyant ce que les disciples font de bien, les hommes rendront gloire au Père qui est aux cieux. » c’est-à-dire qu’ils découvriront que le projet de Dieu sur les hommes est un projet de paix et de justice.
A l’inverse, on peut se demander comment les hommes pourront croire au projet d’amour de Dieu tant que nous, qui sommes répertoriés comme ses ambassadeurs, nous ne multiplions pas les gestes de solidarité et de justice que notre société exige ; on peut penser d’ailleurs que le sel est sans cesse en danger de s’affadir : car il est tentant de laisser tomber dans l’oubli les paroles fortes du prophète Isaïe, celles que nous avons entendues dans la première lecture ; ce n’est peut-être pas un hasard, d’ailleurs, si l’Eglise nous les donne à entendre peu de temps avant l’ouverture du Carême, ce moment où nous nous demanderons de très bonne foi quel est le jeûne que Dieu préfère.
Dernière remarque : cet évangile d’aujourd’hui (sur le sel et la lumière) suit immédiatement dans l’évangile de Matthieu la proclamation des Béatitudes : il y a donc certainement un lien entre les deux. Et nous pouvons probablement éclairer ces deux passages l’un par l’autre. Peut-être le meilleur moyen d’être sel et lumière pour le monde est-il tout simplement de développer chacun la Béatitude à laquelle nous sommes appelés ? Etre sel de la terre, être lumière du monde, c’est vivre selon l’esprit des Béatitudes, c’est-à-dire exactement à l’opposé de l’esprit du monde ; c’est accepter de vivre selon des valeurs d’humilité, de douceur, de pureté, de justice. C’est être artisans de paix en toute circonstance, et, plus important que tout peut-être, accepter d’être pauvres et démunis, en n’ayant en tête qu’un seul objectif : « qu’en voyant ce que les disciples font de bien, les hommes rendent gloire à notre Père qui est aux cieux. »
——————–
Compléments
– D’après l’un des textes du Concile sur l’Eglise (« Lumen Gentium »), la vraie lumière du monde, ce n’est pas nous, c’est Jésus-Christ.
– En disant à ses disciples qu’ils sont lumière, Jésus leur révèle ni plus ni moins que c’est Dieu lui même qui brille à travers eux, car, dans les écrits bibliques, comme dans le Concile, il est toujours bien précisé que toute lumière vient de Dieu.
30 janvier 2023 | Ils nous ont quittés
Sœur Marthe BOUDAUD (Sœur Marthe de la Visitation), de la congrégation des sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, a rejoint la Maison du Père le 8 janvier 2023 dans sa 92ème année, après 65 ans de profession religieuse. Née à Ardelay, après ses vœux, elle exerce comme soignante en maison de retraite à Cugand et la Barre de Monts, puis comme infirmière à domicile à Beaurepaire, aux Herbiers, puis à Martinet et Chauché. Elle arrive aux Brouzils en 2005.
Sœur Renée BOUSSEAU (Sœur Marie-Thérèse de la Croix), de la congrégation des Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, est entrée dans la paix du Seigneur le 14 janvier 2023, dans sa 98ème année, après 73 ans de profession religieuse.
Née à la Verrie, après ses vœux, elle enseigne d’abord à l’école des Épesses, puis est nommée directrice à l’école du Poiré sur Veluire. Elle effectue aussi des remplacements au séminaire de la Flocellière, à Saint André Goule d’Oie, à Marillet. De 1966 à 1977, elle est enseignante-directrice à l’Aiguillon sur Vie puis adjointe aux Essarts. Elle vient ensuite au séminaire Jean XXIII aux Herbiers. Elle reçoit ensuite une mission à Rocheservière, au service d’une communauté de religieux âgés, prêtres du Sacré-Cœur d’Issoudun. En 2011, elle arrive à la Maison mère, puis en mai 2022, à la communauté des Brouzils.
Sœur Saint Ferdinand Champain, de la Congrégation des Ursulines de Jésus, a été rappelée à Dieu, le 15 janvier 2023, à presque 102 ans et 81 ans de vie religieuse.
Née à Saint Fulgent, elle exerce principalement la mission confiée à Loudun pendant 46 ans, puis à Chavagnes, à la communauté Nazareth pendant 11 ans et Notre Dame pendant 2 ans. Elle arrive au Sacré-Coeur en 2009.
Soeur Denise Douillard (Angèle-Thérèse), de la Congrégation des Ursulines de Jésus, est entrée dans la Maison du Père, le 18 janvier 2023, à presque 100 ans et 77 ans de vie religieuse
Née à Saint Denis la Chevasse, après ses vœux, elle est envoyée en mission à Luçon pendant 21 ans, puis dans plusieurs communautés du bocage vendéen : Les Herbiers, le centre spirituel de Chavagnes en Paillers, et la Rabatelière. En 2006, elle arrive au Sacré-Cœur.
Sœur Marie Brochard (sœur Françoise de la Présentation), de la congrégation des Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, est entrée dans la paix du Seigneur le 19 janvier 2023, à l’âge de 90 ans, dans la 71ème année de sa vie religieuse. Née au Poiré sur Vie, après ses vœux, elle est envoyée en mission à l’Ile d’Yeu, à St Hilaire de Mortagne, au Girouard. Après une formation d’enseignement religieux à Paris, elle est catéchiste dans la paroisse du Sacré Cœur à la Roche sur Yon. A partir de 1973, elle reprend sa profession d’enseignante qu’elle exerce successivement à Paris, Bournezeau, Thorigny. A la retraite, après une année à Madagascar, elle rejoint Ste Geneviève des Bois pendant 3 ans et revient ensuite en Vendée, à St Mars la Réorthe, puis aux Herbiers. Elle rejoint la communauté de la Maison mère en 2019.
Sœur Monique Blanchard (Sœur Martine des Anges), de la congrégation des Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, est entrée dans la paix du Seigneur le 24 janvier 2023, dans sa 88ème année et la 64ème de sa vie religieuse. Née à Ardelay, aux Herbiers, après ses vœux, elle suit une formation à la Roche sur Yon, à l’Institut rural de saint Florent des Bois, puis dans la Vienne pour travailler dans les métiers d’aide à la personne. En 1972, elle rejoint la communauté de Saintes (Charente-Maritime) puis revient dans la communauté aux Herbiers. En 1980, elle reçoit un envoi en mission pour une communauté qui ouvre à Louzac Saint André, en Charente. Elle y demeure jusqu’en 1994 puis elle part dans le Cantal. Elle rejoint la Vendée en 2011et arrive à la communauté des Brouzils,
Sœur Solange Grimaud (Sœur Joseph de l’Enfant-Jésus), de la congrégation des sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, a rejoint la Maison du Père le 24 janvier 2023, dans sa 98ème année et la 77ème année de sa vie religieuse. Née à côté de Fontenay le Comte, après son engagement, elle est à Ste Radégonde des Noyers et au Tablier, puis professeur de couture à l’Institution Notre Dame à Fontenay le Comte, de 1951 à 1967. Elle quitte alors l’enseignement pour devenir infirmière. Elle exerce à la clinique Union Chrétienne à Fontenay le Comte de 1967 à 1992, puis est bénévole à l’aumônerie de la clinique jusqu’en 2004. Pendant ces années, elle est en communauté successivement dans plusieurs maisons à Fontenay. En 2013, elle entre à la Maison de Retraite Union Chrétienne.
[et_social_follow icon_style= »slide » icon_shape= »rounded » icons_location= »top » col_number= »auto » counts= »true » counts_num= »0″ total= »true » outer_color= »dark » network_names= »true »]
30 janvier 2023 | Actualité France, Autres
Dimanche 5 février 2023
5éme dimanche du Temps ordinaire année A
Références bibliques :
Lecture du prophète Isaïe : 58. 7 à 10 : « Si tu combles les désirs des malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres. »
Psaume 111 : « Lumière des coeurs droits, il s’est levé dans les ténèbres ».
Lettre de saint Paul aux Corinthiens : 1 Cor. 2. 1 à 5 : « C’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient. »
Evangile selon saint Matthieu.: 5, 13 à 16 : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. »
***
Jésus a gravi la montagne où il a rassemblé ses disciples. Il leur a donné le sens des béatitudes et leur a enseigné le chemin difficile du Royaume, un chemin rempli de contradictions qui transforment en espérance et en joie la faiblesse et la peine. Il leur a donné cette « chance » de rejoindre le Royaume, la Paix, l’amour des frères. « Chanceux » dit une nouvelle traduction en accordant à ce terme toute la force qu’il a conservée dans la langue française du Québec et dont nous avons parlé dimanche dernier : « Ne laissez pas passer cette chance ! « .
LA SUITE DES BEATITUDES.
L’Evangile d’aujourd’hui est la suite immédiate des béatitudes. Jésus y affirme qu’ils sont « le sel de la terre et la lumière du monde. » quand ils vivent cet idéal : « Heureux les pauvres, les doux, les purs, les artisans de paix, les miséricordieux. »
Il nous faut entendre cela dans le contexte de l’époque si l’on veut avoir une plus grande compréhension du message et de la manière dont il sera reçu par les auditeurs du Christ. A son époque, il n’y avait ni congélateur, ni réfrigérateur. Dans la majorité des cas, c’était le sel qui permettait la conservation des aliments. Pour fertiliser les terres cultivables, il n’y avait pas d’engrais, et bien souvent on employait le sel. La lumière n’était pas celle des tubes fluo ou des lampes à forte luminosité. C’étaient des torches, des flambeaux, des lampes à huile.
Le sel peut s’affadir, il n’est plus bon à rien. Ne soyez ni fades, ni ternes. C’est comme s’il ajoutait: « . Lorsque vous serez découragés et que votre patience perdra de sa vigueur, rappelez-vous bien que vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde. Bâtir le Royaume sera long et exigeant. Si minime soit la quantité de sel, elle ne doit pas être totalement absente. Si faible soit notre luminosité, elle doit être placée sur le lampadaire.
Ni le sel ni la lumière ne sont là comme une simple image ni comme un simple objectif à atteindre, c’est la nature même de notre comportement de disciples. C’est notre identité de disciples de Jésus qui est en jeu. Car nos doutes, nos hésitations, notre repliement sur nous-mêmes peuvent détériorer la mission qui est la nôtre et dont le Christ nous charge.
VOUS ETES LE SEL DE LA TERRE.
L’image du sel nous invite à donner du sens aux réalités de l’existence. De même qu’un aliment non salé paraît bien fade, les événements de la vie ne portent leur poids de signification que s’ils sont reliés à la foi. Et c’est aux croyants de relier la vie et la foi.. Autrement dit, c’est la vie des croyants eux-mêmes qui atteste le sens de la vie.
Nous venons de le constater au travers des événements et du désastre de l’Asie du Sud.
Ce n’est pas en fonction du regard que les autres portent sur nous que nous devons seulement régler notre vie. Nous avons d’abord à être fidèles à ce que Dieu attend de nous puisque c’est son Royaume que nous construisons. L’authenticité du message chrétien, que nous vivons, fera de nous des témoins. Il attire d’abord parce que cette bonne nouvelle fait vivre aujourd’hui des hommes et des femmes et que leur vie en est transformée. C’est ainsi que nous serons des témoins.
Le vécu et plus fort, plus entraînant, plus vivifiant que la multiplicité de nos discours et de nos conseils. Nous le vivons dans un monde où, malgré la montée du bien-être matériel et de la consommation, augmente le nombre des blasés, des déprimés, des paumés qui disent : « Je n’ai plus de goût à vivre… » Les plaisirs décevants et les drogues compensatrices ne rassasient pas notre besoin de bonheur profond.
A nous, disciples du Christ, d’être non des sermonneurs mais des témoins vivant de cette espérance qui donne une saveur nouvelle à la vie : »Vous êtes le sel de la terre. » Par sa présence discrète, il équilibre et met en valeur les goûts spécifiques et différents de ce qu’il accompagne.
VOUS ETES LA LUMIERE DU MONDE.
Alors que le sel se mêle invisible aux aliments, la lumière ne se cache pas. Elle est faite pour éclairer. Elle n’a pas à être contemplée pour elle-même, elle doit servir. Elle permet de se repérer et de savoir où l’on va. « Gardez-vous d’être admirés devant les hommes », (Matthieu 6. 1 à 18)
Le Seigneur voit grand, pour chacun et chacune d’entre nous. Il est la lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme (Jean 1.9 et Jean 9.5). Et il nous dit : « Vous êtes la lumière du monde. » Nous sommes, nous devons être la lumière du monde….
Le terme employé dans le texte grec est « cosmos », le monde entier. Vous avez, nous avons, à révéler la splendeur de cet univers créé par notre Père du ciel, et donc pas seulement éclairer les hommes nos frères. Dans le même temps nous avons à donner un sens à ce monde créé, car nous sommes des créatures et nous en partageons les aléas et les limites
Mais, dans le même temps, il insiste : »Que votre lumière brille devant les hommes. Alors en voyant ce que vous faîtes de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 5. 16), comme la présence du Christ dans le monde illumine tout homme. Le rôle du chrétien n’est pas d’attirer le regard vers lui, mais vers celui qui est la source de toute vie, Dieu lui-même. Nous avons à transfigurer la vie de ceux qui nous entourent.
Et cela nous pose une redoutable question. Est-ce que notre témoignage doit se rechercher pour lui-même ? Faut-il inspirer notre conduite par cette volonté de « témoigner » ou même d’imposer nos vues et notre idéal aux autres ? Où serait alors la transparence et la vérité auxquelles nous invite si fortement le Christ ? Où serait la liberté de décision de ceux que le Christ appelle par notre intermédiaire ?
La réponse ? elle est dans la manière dont le Christ lui-même a vécu, au quotidien, la proximité des malades, des anxieux, des prétentieux, des envieux, des pauvres de toute sorte.
SEL OU LUMIERE
Les images du sel qui se perd dans la masse et de la lampe que l’on place sur un lampadaire, peuvent sembler contradictoires. La première réponse qui vient à l’esprit est que tout disciple du Christ doit se faire tour à tour, selon les circonstances, sel ou lumière.
En fait, ce sont les mêmes « oeuvres bonnes » qui doivent être en même temps sel et lumière. En d’autres termes, elles sont « sel » en ce que nous ne les faisons pas pour nous mettre en évidence, comme le sel n’est pas pour lui-même mais pour le « faire valoir » de ce qu’il assaisonne. Elles sont « lumière » parce que la lumière n’est pas faite pour attirer le regard, mais pour le tourner vers l’objet ou la personne qui, sans elle, serait dans l’ombre où les ténèbres.
Nous mettons en évidence le chemin qui conduit au Père, c’est-à-dire le Christ lui-même, qui se dit « Lumière du monde ». Nous ne pouvons pas être autre que lui qui est « le chemin, la vérité, la vie ».
Isaïe nous suggère les moyens qui reflètent le mieux ce que doit être notre témoignage : »Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable… alors ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. »(Isaïe 58. 10) Dans ce Royaume où Dieu a pris le pouvoir, tous les aspects de la société sont réglés sur la fraternité qui jaillit de l’amour. Il est riche d’enseignement de faire le lien avec l’évangile de saint Matthieu 25. Quand est-ce que nous avons découvert la lumière de la présence du Christ ? quand nous avons vu les pauvres, les affamés, tous ceux qui sont dans la nuit de la misère.
Il n’y a pas de produit de remplacement. L’amour que Jésus a manifesté, l’amour du Père pour tout homme, est la dernière chance des hommes. Car c’est le coeur qui nous donne l’intelligence que nous avons des êtres et qui les rapproche ainsi les uns des autres jusqu’à les unir
Il ne s’agit pas d’une justice distributive, mais de cette charité qui est en Dieu et dont il importe, en priorité, que toute personne en ait sa part pour avoir aussi sa part de bonheur. « En ce monde où nous espérons le bonheur que tu nous promets, répète l’Eglise à chaque messe après avoir redit le « Notre Père ». « Délivre-nous de tout mal, de la haine et de la guerre, du péché et des épreuves, en attendant l’avènement de Jésus Christ notre Sauveur. »
AU PLURIEL
Il est un détail qui est essentiel à remarquer dans ces paroles de Jésus. Les petites paraboles du sel et de la lumière sont au pluriel : »Vous êtes … » Il s’adresse aux disciples en tant que communauté. Ce n’est pas seulement chacun qui doit briller dans les ténèbres ou s’enfouir comme le sel pour donner saveur. C’est aussi l’Eglise que nous sommes parce que elle est le Corps Mystique du Christ que l’Esprit donne au monde.
Alors qu’au chapitre 6 de saint Matthieu, nous lisons : »Quand tu fais l’aumône… » (verset 2) « Pour toi, quand tu veux prier … »(verset 6) « Pour toi, si tu jeûnes… » (verset 17), ici nous entendons que la communauté des disciples doit briller aux yeux des homme, doit se diluer dans le monde comme le sel. Nous n’avons pas à vivre un individualisme spirituel. Nous sommes membres du Corps du Christ : « Accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ… que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire. » selon la prière eucharistique. De l’effort concerté et de la communion de chaque disciple dépendent la totalité du projet de Dieu.
Nous sommes chargés, malgré nos faibles moyens, de réaliser, dans et par le quotidien qui nous entoure, le Royaume. « Nous te rendons grâce car tu nous a choisis pour servir en ta présence. » » (Prière eucharistique II)
***
Il fera de nous le sel de la terre et la lumière du monde si nous voulons seulement nous laisser transformer en Celui qui est la lumière du monde. C’est tout simple à dire, c’est exigeant à vivre au quotidien. « Accorde-nous de vivre tellement unis dans le Christ que nous portions du fruit pour le salut du monde. » (Prière de la communion de ce dimanche)
26 janvier 2023 | Actualité France, Autres
Afin de mieux servir sa mission de porter la parole de l’Église dans la société et de faire connaitre les différentes réalités de l’Église catholique aujourd’hui en France, la Conférence des évêque de France nomme cinq porte-paroles, parmi lesquels deux évêques et deux femmes laïques membres du Secrétariat général.
Ce nouveau porte-parolat est effectif à compter du 1er février 2023.
je télécharge ce communiqué
23 janvier 2023 | Actualité France, Autres
Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 29 janvier 2023
4éme dimanche du Temps Ordinaire
1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile
PREMIERE LECTURE – Isaïe 8, 23b – 9, 3
8,23b Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte
le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ;
mais ensuite, il a couvert de gloire
la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain,
et la Galilée des nations.
9,1 Le peuple qui marchait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière ;
et sur les habitants du pays de l’ombre,
une lumière a resplendi.
9,2 Tu as prodigué la joie,
tu as fait grandir l’allégresse :
ils se réjouissent devant toi,
comme on se réjouit de la moisson,
comme on exulte au partage du butin.
9,3 Car le joug qui pesait sur lui,
la barre qui meurtrissait son épaule,
le bâton du tyran,
tu les as brisés comme au jour de Madiane.
A l’époque dont il est question, le royaume d’Israël est divisé en deux : vous vous souvenez que David puis Salomon ont été rois de tout le peuple d’Israël ; mais, dès la mort de Salomon, en 933 av.J.C., l’unité a été rompue, (on parle du schisme d’Israël); et il y a eu deux royaumes bien distincts et même parfois en guerre l’un contre l’autre : au Nord, il s’appelle Israël, c’est lui qui porte le nom du peuple élu ; sa capitale est Samarie ; au Sud, il s’appelle Juda, et sa capitale est Jérusalem. C’est lui qui est véritablement le royaume légitime : car c’est la descendance de David sur le trône de Jérusalem qui est porteuse des promesses de Dieu.
Isaïe prêche dans le royaume du Sud, mais, curieusement, tous les lieux qui sont cités ici appartiennent au royaume du Nord : “Le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali… il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain et la Galilée… comme au jour de la victoire sur Madiane” : Zabulon, Nephtali, la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, la Galilée, Madiane, ce sont six noms de lieux qui sont au Nord ; Zabulon et Nephtali : ce sont deux des douze tribus d’Israël ; et leur territoire correspond à la Galilée, à l’Ouest du lac de Tibériade ; on est bien au Nord du pays d’Israël. La route de la mer, comme son nom l’indique, c’est la plaine côtière à l’Ouest de la Galilée ; enfin, ce qu’Isaïe appelle le pays au-delà du Jourdain, c’est la Transjordanie.
Ces précisions géographiques permettent d’émettre des hypothèses sur les événements historiques auxquels Isaïe fait allusion ; car ces trois régions, la Galilée, la Transjordanie et la plaine côtière, ont eu un sort particulier pendant une toute petite tranche d’histoire, entre 732 et 721 av.J.C. Vous savez qu’à cette époque-là, la puissance montante dans la région est l’empire assyrien dont la capitale est Ninive. Or ces trois régions-là ont été les premières annexées par le roi d’Assyrie, Tiglath-Pilézer III, en 732. Puis, en 721, c’est la totalité du royaume de Samarie qui a été annexée (y compris la ville de Samarie).
C’est donc très certainement à cette tranche d’histoire qu’Isaïe fait référence. C’est à ces trois régions précisément qu’Isaïe promet un renversement radical de situation : “Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens”.
Je n’oublie pas ce que je disais plus haut à savoir qu’Isaïe prêche à Jérusalem ; et on peut évidemment se demander en quoi ce genre de promesses au sujet du royaume du Nord peut intéresser le royaume du Sud.
On peut répondre que le royaume du Sud n’est pas indifférent à ce qui se passe au Nord, au moins pour deux raisons : d’abord, étant donné leur proximité géographique, les menaces qui pèsent sur l’un, pèseront tôt ou tard sur l’autre : quand l’empire assyrien prend possession du Nord, le Sud a tout à craindre. Et, d’ailleurs, ce royaume du Sud (Jérusalem) est déjà vassal de l’empire assyrien ; il n’est pas encore écrasé, mais il a perdu son autonomie. D’autre part, deuxième raison, le royaume du Sud interprète le schisme comme une déchirure dans une robe qui aurait dû rester sans couture : il espère toujours une réunification, sous sa houlette, bien sûr.
Or, justement, ces promesses de relèvement du royaume du Nord résonnent à ce niveau : “Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur les habitants du pays de l’ombre une lumière a resplendi”, voilà deux phrases qui faisaient partie du rituel du sacre de chaque nouveau roi. Traditionnellement, l’avènement d’un nouveau roi est comparé à un lever de soleil, car on compte bien qu’il rétablira la grandeur de la dynastie. C’est donc d’une naissance royale qu’il est question. Et ce roi assurera à la fois la sécurité du royaume du Sud et la réunification des deux royaumes.
Et effectivement, un peu plus bas, Isaïe l’exprime en toutes lettres : “Un enfant nous est né, un fils nous a été donné… Ces phrases, elles aussi, sont des formules habituelles des couronnements. Ici, il s’agit du petit dauphin Ezéchias qui a sept ans. Il est ce fameux Emmanuel promis huit ans plus tôt par le prophète Isaïe au roi Achaz. Vous vous souvenez de cette promesse : « Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is 7,14). Ce petit Ezéchias, dès l’âge de sept ans, a été associé au règne de son père.
Avec lui, l’espoir peut renaître : « Il sera le prince de la paix » affirme Isaïe. Car, il en est certain, Dieu soutient son peuple dans sa volonté de liberté, il ne le laissera pas indéfiniment sous la tutelle des grandes puissances.
Pourquoi cette assurance qui défie toutes les évidences de la réalité ? Simplement parce que Dieu ne peut pas se renier lui-même, comme dira plus tard Saint Paul : Dieu veut libérer son peuple contre toutes les servitudes de toute sorte. Cela, c’est la certitude de la foi.
Cette certitude s’appuie sur la mémoire : Moïse y avait insisté souvent : “Garde-toi d’oublier ce que le SEI¬GNEUR a fait pour toi” : parce que si nous perdons cette mémoire-là, nous sommes perdus ; rappelez-vous encore le même Isaïe disant au roi Achaz : “Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas” ; à chaque époque d’épreuve, de ténèbres, la certitude du prophète que Dieu ne manquera pas à ses promesses lui dicte une prophétie de victoire.
Une victoire qui sera “Comme au jour de la victoire sur Madiane” : une fameuse victoire de Gédéon sur les Madianites était restée célèbre : en pleine nuit, une poignée d’hommes, armés seulement de lumières, de trompettes et surtout de leur foi en Dieu avait mis en déroute le camp des Madianites.
Le message d’Isaïe, c’est : “Ne crains pas. Dieu n’abandonnera jamais la dynastie de David”. On pourrait traduire pour aujourd’hui : ne crains pas, petit troupeau : c’est la nuit qu’il faut croire à la lumière. Quelles que soient les ténèbres qui recouvrent le monde et la vie des hommes, et aussi la vie de nos communautés, réveillons notre espérance : Dieu n’abandonne pas son projet d’amour sur l’humanité.
PSAUME – 26 (27)
1 Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut,
de qui aurais-je crainte ?
Le SEIGNEUR est le rempart de ma vie,
devant qui tremblerais-je ?
4 J’ai demandé une chose au SEIGNEUR,
la seule que je cherche :
habiter la maison du SEIGNEUR
tous les jours de ma vie.
13 Mais j’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR
sur la terre des vivants.
14 Espère le SEIGNEUR, sois fort et prends courage ;
espère le SEIGNEUR.
« Le Seigneur est MA lumière et MON salut »… ces expressions à la première personne du singulier ne nous trompent pas : il s’agit d’un singulier collectif : c’est le peuple d’Israël tout entier qui exprime ici sa confiance invincible en Dieu, en toutes circonstances. Périodes de lumière, périodes de ténèbres, circonstances gaies, circonstances tristes, ce peuple a tout connu ! Et au milieu de toutes ses aventures, il a gardé confiance, il a approfondi sa foi. Ce psaume en est un superbe témoignage.
Ici il exprime en images les diverses péripéties de son histoire : vous connaissez ce procédé qui est très fréquent dans les psaumes et qu’on appelle le revêtement ; le texte fait allusion à des situations individuelles très précises : un malade, un innocent injustement condamné, un enfant abandonné, ou un roi, ou un lévite… (et d’ailleurs, si nous lisions en entier ce psaume 26/27, nous verrions qu’elles y sont toutes) ; mais en fait, toutes ces situations apparemment individuelles ont été à telle ou telle époque la situation du peuple d’Israël tout entier ; il faut lire : « Israël est comme un malade guéri par Dieu, comme un innocent injustement condamné, comme un enfant abandonné, comme un roi assiégé » et c’est de Dieu seul qu’il attend sa réhabilitation, ou sa délivrance… En parcourant l’Ancien Testament, on retrouve sans peine toute les situations historiques précises auxquelles on fait allusion.
Dans les versets retenus par le missel pour aujourd’hui, il y a deux images : la première, c’est celle d’un roi ; parfois on a pu comparer Israël à un roi assiégé par des ennemis ; son Dieu l’a toujours soutenu ; « Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Le SEIGNEUR est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » (voici les versets 2-3 : « Si des méchants s’avancent contre moi pour me déchirer, ce sont eux, mes adversaires, qui perdent pied et succombent. Qu’une armée se déploie devant moi, mon coeur est sans crainte ; que la bataille s’engage contre moi, je garde confiance »). Que ce soit l’attaque par surprise des Amalécites dans le désert du Sinaï, au temps de Moïse, ou bien la menace des rois de Samarie et de Damas contre le pauvre roi Achaz terrorisé vers 735, ou encore le siège de Jérusalem en 701 par le roi assyrien, Sennachérib, et j’en oublie, les occasions n’ont pas manqué.
Face à ces dangers, il y a deux attitudes possibles : la première, c’est celle du roi David, un homme comme les autres, pécheur comme les autres (son histoire avec Bethsabée était célèbre), mais un croyant assuré en toutes circonstances de la présence de Dieu à ses côtés. Il est resté un modèle pour son peuple. En revanche, nous avons rencontré pendant l’Avent dans un texte du prophète Isaïe le roi Achaz, qui n’avait pas la même foi sereine : je vous avais cité à ce propos une phrase très expressive du livre d’Isaïe pour dire que le roi cédait à la panique au moment du siège de Jérusalem : « Le coeur du roi et le coeur de son peuple se mirent à trembler comme les arbres de la forêt sont agités par le vent. » (Is 7,2). Et la mise en garde d’Isaïe avait été très ferme ; il avait dit au roi : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas » (on pourrait dire en français d’aujourd’hui « vous ne tiendrez pas le coup »). Soit dit en passant, Isaïe faisait un jeu de mots sur le mot « Amen » car c’est le même mot, en hébreu, qui signifie « croire, tenir dans la foi » et « tenir fermement » : cela peut nous aider à comprendre le sens du mot « foi » dans la Bible.
Je reviens aux deux attitudes contrastées de David et d’Achaz : le peuple d’Israël a, bien sûr, connu tour à tour ces deux types d’attitude, mais dans sa prière, il se ressource dans la foi de David.
Ou encore, et c’est la deuxième image, Israël peut être comparé à un lévite, un serviteur du Temple, dont toute la vie se déroule dans l’enceinte du temple de Jérusalem : « J’ai demandé une chose au SEIGNEUR, la seule que je cherche, c’est d’habiter la maison du SEIGNEUR tous les jours de ma vie. » Quand on sait que les lévites étaient attachés au service du Temple de Jérusalem et montaient la garde jour et nuit dans le Temple, l’allusion est très claire ; derrière ce lévite, on voit bien se profiler le portrait du peuple tout entier. Comme la tribu des lévites est, parmi les douze tribus d’Israël, celle qui est consacrée au service de la maison du Seigneur, le peuple d’Israël tout entier, est, parmi l’ensemble des peuples de la terre, celui qui est consacré à Dieu, qui appartient à Dieu.
Enfin, la dernière strophe « J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » fait irrésistiblement penser à Job : « Je sais bien, moi, que mon libérateur est vivant, que le dernier, il surgira sur la poussière. Et après qu’on aura détruit cette peau qui est mienne (sous-entendu même si on en arrivait à m’arracher la peau), c’est bien dans ma chair que je contemplerai Dieu ». Ni l’auteur du psaume 26/27 ni celui du livre de Job n’envisageaient encore la possibilité de la résurrection individuelle ; l’expression « terre des vivants » vise bien cette terre-ci. Ils n’en ont que plus de mérite, peut-être : en Israël l’espérance est tellement forte qu’on est sûrs que Dieu interviendra pour nous. Bien sûr, ces textes prennent encore plus de force à partir du moment où la foi en la Résurrection est née. « J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. »
Quant à la dernière phrase (« Espère le SEIGNEUR, sois fort et prends courage ; espère le SEIGNEUR. »), elle est peut-être une allusion à la parole que Dieu avait adressée à Josué, au moment d’entreprendre la marche vers la terre promise, la terre des vivants : « Sois fort et courageux. Ne tremble pas, ne te laisse pas abattre, car le SEIGNEUR ton Dieu sera avec toi partout où tu iras. » (Jos 1,9).
Cette dernière strophe reflète, une fois encore, la confiance indéracinable du peuple d’Israël : « J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » Cette confiance, on le sait, est fondée sur la mémoire de l’oeuvre de Dieu et c’est elle qui autorise l’espérance : « Espère le SEIGNEUR, sois fort et prends courage ; espère le SEIGNEUR. » L’espérance, c’est la foi conjuguée au futur. André Chouraqui l’appelait la « mémoire du futur ».
On ne s’étonne donc pas que ce psaume soit proposé pour les célébrations de funérailles : les jours de deuil sont ceux où nous avons bien besoin de nous ré-enraciner, de nous ressourcer dans la foi et l’espérance de nos pères.
DEUXIEME LECTURE – Saint Paul aux Corinthiens 1, 10 – 13. 17
10 Frères,
je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ :
ayez tous un même langage ;
qu’il n’y ait pas de division entre vous,
soyez en parfaite harmonie de pensées et d’opinions.
11 Il m’a été rapporté à votre sujet, mes frères,
par les gens de chez Chloé,
qu’il y a entre vous des rivalités.
12 Je m’explique.
Chacun de vous prend parti en disant :
« Moi, j’appartiens à Paul »,
ou bien :
« Moi, j’appartiens à Apollos »,
ou bien :
« Moi, j’appartiens à Pierre »,
ou bien :
« Moi, j’appartiens au Christ ».
13 Le Christ est-il donc divisé ?
Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ?
Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
17 Le Christ, en effet, ne m’a pas envoyé pour baptiser,
mais pour annoncer l’Évangile,
et cela sans avoir recours au langage de la sagesse humaine,
ce qui rendrait vaine la croix du Christ.
De par sa situation, le port de Corinthe était un lieu de trafic intense avec tous les autres ports de la Méditerranée. Par le fait même, tous les courants de pensée du monde méditerranéen trouvaient des échos à Corinthe. Il n’est pas étonnant que des voyageurs originaires de différents pays aient témoigné de leur foi chrétienne chacun à leur manière. L’enthousiasme des néophytes les portait à comparer la qualité du message apporté par les différents prédicateurs. Et, apparemment, si on en juge par la suite de la lettre, les Corinthiens étaient très sensibles, trop sensibles, aux belles paroles…
Du coup des clans se sont formés et les discussions, voire même les querelles vont bon train. Vous savez bien que c’est sur les sujets religieux que nous sommes les moins tolérants ! Paul cite quatre clans : d’abord des Chrétiens qui se réclament de lui ; puis il y a les disciples d’Apollos ; un troisième clan se réclame de Saint Pierre ; on ne sait pas si lui-même y est jamais allé, mais peut-être des membres de l’entourage de Pierre y sont-ils passés… Enfin un quatrième clan se dit le « parti du Christ », sans qu’on sache bien ce que cela recouvre.
Je reviens à Apollos, dont nous n’aurons plus jamais l’occasion de parler et qui, pourtant, a certainement joué un rôle important dans les débuts de l’Eglise. Nous le connaissons par les Actes des Apôtres (au chapitre 18) ; c’était un Juif, originaire d’Alexandrie (en Egypte), certainement un intellectuel : on disait de lui qu’il était savant, versé dans les Ecritures. Où a-t-il adhéré à la foi chrétienne ? D’après certains manuscrits, ce serait déjà en Egypte, son pays d’origine ; ce qui supposerait que le Christianisme aurait très tôt essaimé en Egypte. Les manuscrits les plus nombreux ne précisent pas ; en tout cas, il est clair qu’il est devenu Chrétien fervent, même si sa catéchèse est encore bien incomplète. Voici la phrase des Actes : « Il avait été informé de la Voie du Seigneur et, l’esprit plein de ferveur, il prêchait et enseignait exactement ce qui concernait Jésus, tout en ne connaissant que le baptême de Jean. » Le voilà qui arrive à Ephèse et qu’il se présente à la synagogue (à cette époque, les Chrétiens n’avaient pas encore été chassés des synagogues) ; là, il fait ce que Paul a toujours fait, c’est-à-dire qu’il annonce que Jésus est le Messie qu’on attendait ; deux auditeurs de la synagogue d’Ephèse reconnaissent ses talents d’orateur mais jugent utile de compléter son bagage théologique. « Lorsqu’ils l’eurent entendu, Priscille et Aquilas le prirent avec eux et lui présentèrent plus exactement encore la Voie de Dieu. »
Là-dessus, Apollos a décidé de se rendre à Corinthe : recommandé par les frères d’Ephèse, il y fut bien accueilli et il eut très vite un grand succès : « Car la force de ses arguments avait raison des Juifs en public, quand il prouvait par les Ecritures que le Messie, c’était Jésus ».
Visiblement donc, si j’en crois Saint Luc dans ce passage des Actes des Apôtres, Apollos est un Chrétien fervent et il parle bien : il enthousiasme les foules ; il est précieux aussi dans les débats qui opposent Juifs et Chrétiens. Il est certainement plus éloquent que Paul qui reconnaît lui-même ne pas avoir la même habileté : « Jésus m’a envoyé annoncer l’Evangile sans avoir recours à la sagesse du langage humain » ; ce qu’il appelle « la sagesse du langage humain », c’est l’art oratoire, la force de l’argumentation : pour Paul l’évangélisation ne se fait pas à coup de discours et d’arguments.
« Le Christ m’a envoyé pour annoncer l’Evangile, sans avoir recours à la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ. » C’est-à-dire pour prêcher l’évangile de l’amour, pas besoin d’éloquence et de beaux arguments qui cherchent à convaincre ; dans le mot « convaincre », si on y réfléchit bien, il y a le mot « vaincre » ; or, il est évident que la forme du discours doit être cohérente avec le contenu du message : on ne peut pas annoncer un Dieu de tendresse en employant la violence même seulement verbale ! Nous l’avons peut-être parfois oublié…
La suite de la lettre nous prouve qu’Apollos ne fait rien pour s’attirer des admirateurs ; il n’est resté que peu de temps à Corinthe puis il a rejoint Paul à Ephèse ; Paul lui-même le pousse à retourner à Corinthe mais Apollos refuse, probablement pour ne pas aggraver les tensions dans la communauté chrétienne.
En tout cas Paul, qui a quitté Corinthe, continue à en recevoir des nouvelles par les commerçants qui vont régulièrement de Corinthe à Ephèse. En particulier, des employés d’une certaine Chloé ont fait état de véritables querelles qui divisent la communauté ; alors Paul se décide à prendre la plume. Il ne leur fait pas la morale : à ses yeux, c’est beaucoup plus grave que cela.
Pour lui, c’est le sens même de notre Baptême qui est en jeu : et c’est la simplicité de l’argumentation de Paul qui peut nous étonner ; pour lui, c’est très simple : être baptisé, c’est être uni au Christ : il n’est donc plus possible d’être divisés entre nous ! Les Chrétiens, comme leur nom l’indique, ont tous été baptisés « au nom » du Christ : c’est-à-dire que le nom du Christ a été prononcé sur eux ; désormais ils lui appartiennent. Personne ne peut dire « j’ai été baptisé au nom d’untel ou untel, Paul ou Apollos ou Pierre » ; tous ont été baptisés « au nom » du Christ. Le Concile Vatican II le dit bien « Quand le prêtre baptise, c’est le Christ qui baptise ». Etre baptisé au nom du Christ, c’est être greffé sur lui… Dans une greffe c’est la réussite de la greffe qui compte, peu importe le jardinier.
EVANGILE – selon Saint Matthieu 4, 12-23
12 Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean Baptiste,
il se retira en Galilée.
13 Il quitta Nazareth
et vint habiter à Capharnaüm,
ville située au bord du lac,
dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
14 Ainsi s’accomplit
ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe :
15 Pays de Zabulon et pays de Nephtali,
route de la mer et pays au-delà du Jourdain,
Galilée, toi le carrefour des païens :
16 le peuple qui habitait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière.
Sur ceux qui habitaient
dans le pays de l’ombre et de la mort,
une lumière s’est levée.
17 A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer :
« Convertissez-vous,
car le Royaume des cieux est tout proche. »
18 Comme il marchait au bord du lac de Galilée,
il vit deux frères,
Simon appelé Pierre,
et son frère André,
qui jetaient leurs filets dans le lac :
c’étaient des pêcheurs.
19 Jésus leur dit :
« Venez derrière moi,
et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
20 Aussitôt, laissant leurs filets,
ils le suivirent.
21 Plus loin, il vit deux autres frères,
Jacques, fils de Zébédée
et son frère Jean,
qui étaient dans leur barque avec leur père,
en train de préparer leurs filets.
Il les appela.
22 Aussitôt, laissant leur barque et leur père,
ils le suivirent.
23 Jésus, parcourant toute la Galilée,
enseignait dans leurs synagogues,
proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume,
guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.
Nous sommes au chapitre 4 de l’évangile de Matthieu ; vous vous souvenez des trois premiers chapitres : d’abord une longue généalogie qui resitue Jésus dans l’histoire de son peuple, et en particulier dans la descendance de David ; ensuite l’annonce faite à Joseph par l’ange du Seigneur « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit Dieu avec nous » : c’était une citation d’Isaïe ; et il précisait « Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète » manière de nous dire « enfin les promesses sont accomplies, enfin le Messie tant attendu est là ».
Et tous les épisodes suivants redisent ce message d’accomplissement, chacun à leur manière : la visite des mages, la fuite en Egypte, le massacre des enfants de Bethléem, le retour d’Egypte et l’installation de Joseph, Marie et l’enfant Jésus en Galilée, à Nazareth… la prédication de Jean-Baptiste, le baptême de Jésus et enfin le récit des Tentations de Jésus ; tous ces récits fourmillent de citations explicites des Ecritures et d’une multitude d’allusions bibliques.
Et nous voilà tout préparés à entendre le texte d’aujourd’hui ; lui aussi est truffé d’allusions et dès le début, d’ailleurs, Matthieu cite le prophète Isaïe pour bien montrer les enjeux de l’installation de Jésus à Capharnaüm.
La ville de Capharnaüm est en Galilée, au bord du lac de Tibériade, tout le monde le sait ; pourquoi Saint Matthieu éprouve-t-il le besoin de préciser qu’elle est située dans les territoires de Zabulon et de Nephtali ? Ces deux noms des anciennes tribus d’Israël ne faisaient pas partie du langage courant, c’étaient des noms du passé ! Et d’ailleurs, pourquoi lier les deux noms « Zabulon et Nephtali » ? Quand on lit au livre de Josué la description du territoire de ces tribus, on voit bien qu’au moment du partage de la Palestine entre les tribus, le principe a justement été de bien délimiter le territoire de chaque tribu ; une même ville n’appartient pas à deux tribus à la fois ; cela prouve que les préoccupations de Saint Matthieu ne sont pas d’ordre géographique.
Il veut rappeler à ses auditeurs une fameuse promesse d’Isaïe : « Dans les temps anciens, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la Galilée, carrefour des païens. » (Is 8,23). (Au moment de l’expansion assyrienne, au huitième siècle, ces deux tribus dont les territoires étaient limitrophes, avaient ceci de commun qu’elles avaient été annexées en même temps.) Et le prophète continuait : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre une lumière a resplendi. » Cette formule était employée lors de la cérémonie du sacre d’un nouveau roi : son avènement, tel la promesse d’une ère nouvelle, était comparé à un lever de soleil.
En évoquant cette prophétie, Matthieu applique à l’arrivée de Jésus en Galilée ces phrases rituelles du sacre : manière de nous dire que le vrai roi du monde est venu habiter chez nous. Oui, enfin la lumière s’est levée sur Israël et sur l’humanité tout entière ; la Galilée, carrefour des nations, comme on disait, est la porte ouverte sur le monde : à partir d’elle, le salut de Dieu apporté par le Messie rayonnera sur toutes les nations.
En même temps, Matthieu annonce déjà en quelques mots le déroulement des événements qui vont suivre ; en racontant le départ de Jésus vers la Galilée, après l’arrestation de Jean-Baptiste, Matthieu nous montre bien deux choses : premièrement que toute la vie du Christ est sous le signe de la persécution… mais deuxièmement aussi la victoire finale sur le mal : Jésus fuit la persécution, c’est vrai, mais ce faisant, il porte plus loin la Bonne Nouvelle : du mal, Dieu fait surgir un bien… la fin de l’Evangile nous montrera que de la souffrance et de la mort, Dieu fait surgir la Vie.
Voici Jésus à Capharnaüm et Matthieu emploie une formule apparemment banale « A partir de ce moment » ; or si on regarde bien, il ne l’emploie qu’une seule autre fois, bien plus tard, au chapitre 16 : ce n’est pas un hasard ; les deux fois, il s’agit d’un grand tournant ; ici « A partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : Convertissez-vous, le Règne des cieux s’est approché » ; au chapitre 16, ce sera « A partir de ce moment, Jésus Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands-prêtres et des scribes, être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter ».
Effectivement, dans l’épisode d’aujourd’hui, qui nous relate le début de la vie publique de Jésus, nous sommes à un grand tournant ; avec l’effacement de Jean-Baptiste et le début de la prédication de Jésus, l’humanité a franchi une étape décisive : du temps de la promesse nous sommes passés au temps de l’accomplissement.
Et désormais, le Royaume est là, parmi nous, non seulement en paroles mais en actes : car la finale du texte d’aujourd’hui est tout un programme : « Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple ».
La prophétie d’Isaïe que nous avons lue en première lecture trouve ici sa pleine réalisation et Saint Matthieu le souligne puissamment. Jésus proclame : « Le Royaume de Dieu est là ! »
Immédiatement il annonce que, pour faire connaître cette Bonne Nouvelle, il compte sur des témoins, des hommes qu’il choisit pour être ses collaborateurs. La démarche est significative ; Jésus ne se lance pas seul dans l’accomplissement de sa mission : il fait à des hommes ordinaires l’honneur d’y être associés. Ces collaborateurs qu’il choisit parmi des hommes dont le métier est la pêche, il les nomme pêcheurs d’hommes : tirer des hommes de la mer, c’est les empêcher de se noyer ; c’est les sauver.
Jésus associe les apôtres à sa mission de Sauveur.
Commentaires récents