Homélie du dimanche 29 janvier

Dimanche 29 janvier 2023
4éme dimanche du Temps ordinaire année A

Références bibliques :

Lecture du livre de Sophonie : 2. 3 et 3. 12 et 13 : « Cherchez le Seigneur, vous tous, les humbles du pays, qui faîtes sa volonté. »
Psaume 145 : « Le Seigneur est ton Dieu pour toujours. »
Lettre de saint Paul aux Corinthiens : 1. 26 à 31 : « Ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelques chose. »
Evangile selon saint Matthieu : 5. 1 à 12 : « Ils verront Dieu ! »

***
Pour des millions d’êtres humains, les béatitudes sont une des pages les plus admirables de toute l’histoire de l’humanité. Mais en regard de la réalité de nos vies et des évidences les plus répandues, elle semble illustrer aussi le monde à l’envers.
EN L’INTIME DE CHACUN DE NOUS.
Depuis des siècles, le sermon sur la montagne a fasciné des générations en rejoignant les fibres humaines les plus intimes de notre être. Tout ce qui vibre en nous d’aspirations et de désirs de générosité y est touché. Car ces béatitudes ne sont pas une leçon de morale ; elles sont d’abord la révélation des vraies valeurs, celles qui font la grandeur de l’homme.
Certes beaucoup de penseurs, dans d’autres religions qui n’ont pas connu le Christ, ont dit des choses analogues. Pour tous ceux-là, l’Evangile apporte une confirmation : il est facile de se tromper sur notre vérité profonde ; vous avez raison de dire que vous ne courez pas après la richesse, que vous cherchez la justice, que vous le croyez pas à la violence.
Mais elles ajoutent une autre vision de la vie, celle d’une réalité qui n’est pas évidente parce qu’elle paradoxale. Elles nous disent qu’en les vivant nous rejoignons l’amour qui nous fonde en Dieu. La logique des béatitudes, c’est Dieu et son Royaume et non pas seulement une paix sociale, une maîtrise de soi, une sagesse humaine qui nous détache de l’inutile.
Les dernières lignes d’ailleurs sont tout autant un avertissement qu’une révélation : les violents ne supporteront pas ceux qui cherchent la paix. Les injustes se mobiliseront contre les justes. C’est l’avenir même du Christ qui est dit et c’est le sort des disciples qui se lancent dans l’aventure de Dieu. Nous avons à vivre ce qu’il a vécu.
UNE ANNONCE DU ROYAUME.
Lorsque cet évangile nous est lu à la Toussaint, il apparaît dans une atmosphère d’achèvement: c’est la réussite définitive de l’oeuvre du Seigneur. Aujourd’hui, il apparaît comme un commencement. C’est l’annonce du Royaume dans sa racine et dans son germe.
En saint Luc, Jésus descend de la montagne après avoir passé la nuit en prière. Il s’adresse à ses disciples et à la foule réunis « dans la plaine ». En saint Matthieu, au contraire, Jésus gravit la montagne, où il s’adresse à la foule.
Dans les deux cas, il apparaît comme le nouveau Moïse, venu refaire l’unité du Peuple de Dieu. Il promulgue la loi du Royaume. Ses auditeurs y trouvent un message essentiel: il faut changer de vie, se convertir, voir les choses d’une autre manière, car le Royaume des cieux est au milieu de nous.
LE RENVERSEMENT DES VALEURS
Au même moment, tout ce que notre vie comporte de douloureux et d’insupportable est enfin dévoilé, reconnu et guéri. La misère qui semble s’abattre toujours sur les mêmes, l’exclusion des malades et des infirmes, la pauvreté et la souffrance elles-mêmes, deviennent sources et motifs de joie.
Nous avons maintes fois essayé de suivre cette Parole pour réaliser ce qu’il y a de plus pur en nous, mais toujours il nous a semblé que nous n’étions pas libres, comme si des forces opposées nous l’interdisaient. Il nous a semblé que le progrès annoncé par les béatitudes demeurait fuyant et insaisissable; qu’on ne pourra jamais l’atteindre, et encore moins le savourer sans le secours de Dieu.
Car il s’agit bien d’un renversement radical des mentalités et des valeurs; un changement si profond qu’il ne peut se faire sans la transformation complète de ce qui ne correspond pas en nous au dessein initial du Créateur.
LE ROYAUME A VENIR EST DEJA PRESENT
Les béatitudes ne sont pas une réalisation immédiate ni même immédiatement réalisables. Elles sont promesses : « ils auront la terre en héritage, ils seront consolés ». Elles sont au futur. « C’est en espérance que nous sommes sauvés », dit saint Paul aux Romains (8. 24). Toutes au futur, sauf une, celle qui ouvre ce message : « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre car le Royaume des cieux est à eux. »
Si nous prenons pour ces termes « heureux », une traduction en vieux français que rejoint le parler québecois, heureux signifie : « Vous êtes chanceux, vous avez de la chance… »
……  » oui, vous avez cette chance de ne pas être empêtrés dans vos richesses pour découvrir ainsi la richesse qui vient de Dieu !
Chacune des béatitudes prend alors un sens inouï et merveilleux. Et le verbe qui est au présent nous dit ainsi que cette réalité dès aujourd’hui, marque l’avenir et lui donne un sens.
Dès aujourd’hui, se dépouiller de soi-même pour être en connivence avec Dieu. « Accorde-nous de pouvoir t’adorer sans partage », comme le dit la prière d’ouverture de la messe de ce dimanche.
La vie du Christ peut récapituler la vie du Christ, qui ainsi révèle la vérité par son existence terrestre qu’il nous invite à partager en plénitude quand il nous demande de le suivre, jusqu’au détachement, jusqu’à la croix, jusqu’à la Résurrection : « Ils verront Dieu ».
***
La pauvreté, au sens évangélique du terme, est donc une attitude spirituelle fondamentale. Elle est la décision de mettre sa sécurité et son espérance non dans ce que nous possédons immédiatement, mais seulement dans ce que nous croyons de Dieu.
Nous ne nions pas les réalités matérielles, pas plus que le Christ ne les a niées. Nous les ordonnons seulement autrement pour qu’elles deviennent des moyens concrets de vivre l’amour des autres, des moyens qui nous préservent d’être défigurés par la réduction de nos désirs à n’être que des objets de consommation, donc dénaturés de notre valeur essentielle
Le Christ est venu restaurer en nous comme en nos frères cette dignité de nous-mêmes, qui vient de lui-même. « Accorde-nous d’avoir pour tout homme une vraie charité », dit encore la prière d’ouverture de la messe de ce dimanche.
« T’adorer sans partage… avoir pour tout homme une vraie charité. » Les deux commandements ne font qu’un.

« Merci », « Dieu Seul » et « Que l’Eglise est belle ! »

« Merci », « Dieu Seul » et « Que l’Eglise est belle ! »

Mgr Jean Bondu a été ordonné évêque auxiliaire de Rennes

« Le pasteur se sait envoyé au nom de l’unique Bon Pasteur »

La célébration était présidé par Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, évêque consécrateur. Les deux autres évêques co-consécrateurs (obligatoire pour une ordination épiscopale) étaient Mgr François Jacolin, évêque de Luçon, et Mgr Alain Guellec, évêque de Montauban (installé depuis le 15 janvier 2023). 

Une quinzaine d’évêques de Bretagne, Pays de la Loire et Normandie étaient également présents, accompagnés par le nonce apostolique, Mgr Celestino Migliore.

Dans son homélie, s‘appuyant sur le texte de l’Évangile du jour, Mgr d’Ornellas a insisté sur l’unité de l’Eglise et en particulier l’unité entre le pape et les évêques, à l’image du Christ et des apôtres.

Puis, revenant sur le passage de Jésus demandant à Pierre d’être le pasteur de ses brebis, l’archevêque de Rennes s’adressant à Mgr Jean Bondu : « Voilà le rôle de l’évêque : être le pasteur des brebis du Christ […] Le pasteur se sait envoyé au nom de l’unique Bon Pasteur« .

« Merci », « Dieu Seul » et « Que l’Eglise est belle ! »

Après l’engagement de Mgr Jean Bondu, la supplication des Saints a résonné dans la cathédrale pendant que le futur ordonné s’allongeait face contre terre. C’est l’un des moments forts de chaque ordination (diaconale, sacerdotale ou épiscopale).

Mgr Jean Bondu a ensuite reçu l’imposition des mains de Mgr d’Ornellas, Mgr Jacolin et Mgr Guellec, puis l’ensemble des autres évêques présents. Par l’imposition des mains, puis la prière d’ordination durant laquelle l’évangéliaire est placé au dessus de la tête de l’ordinand, Mgr Jean Bondu devenait pleinement évêque. Il a ensuite reçu l’évangéliaire, l’anneau épiscopal, la mitre et la crosse.

 

Dans son allocution finale, Mgr Jean Bondu a d’abord pris le temps de remercier l’ensemble des personnes et acteurs présents et éloignés qui l’ont accompagnés et l’accompagneront encore.

Il s’est ensuite appuyé sur les mots « Dieu Seul » que l’on retrouve sur l’image distribuée à la fin de la célébration, reprenant les paroles de St Louis-Marie Grignion de Montfort, qui unit les deux diocèses d’Ille-et-Vilaine et de Vendée par son histoire et sa spiritualité. Deux mots gravés sur la tombe du saint breton mort à St Laurent sur Sèvre.

Enfin « Que notre Église est belle » ! Mgr Jean Bondu a insisté sur le fait que nous sommes cette Eglise qui prépare au baptême, au sacrement de mariage, qui accompagne les plus fragiles, les plus démunis, les blessés du cœur. « Combien d’hommes et de femmes ont été traversés par la Parole de feu tel un glaive tranchant, épurant et alliant grâce et nature humaine ? Je crois en l’Église en laquelle l’Esprit Saint trouve sa joie et sa fécondité. Devenons des missionnaires humbles, jeunes et renouvelés, à la manière de Paul, Priscille et Aquila ! » Devenons des témoins de Jésus-Christ dans la fraternité, au sein de communautés locales joyeuses, servantes de toute vie humaine, de la plus fragile à la plus prometteuse. Que les jeunes s’emparent de cette ambition !« 

Reportage complet à retrouver dans le prochain numéro de Catholiques en Vendée (parution 26 janvier 2023 – Abonnez vous)

 

FO’M

Photos de l’ordination épiscopale de Mgr Jean Bondu

©Antoine Muller / Diocèse de Rennes

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Direct : ordination épiscopale de Mgr Bondu

Direct : ordination épiscopale de Mgr Bondu

Dimanche 22 janvier 2023 à 15h30 à Rennes

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Journée des Fiancés : « une grâce vécue dans le diocèse »

Journée des Fiancés : « une grâce vécue dans le diocèse »

Cette journée regroupe des « couples plus ou moins proches de l’Eglise« 

Le père Dominique Lubot nous accompagne cette semaine. Avec lui il est question de la visite pastorale de notre évêque, de la Semaine de prière pour l’unité des Chrétiens, et de la Journée des Fiancés du 28 janvier.

La visite pastorale, c’est l’occasion pour notre évêque de voir et découvrir « le dynamisme et les initiatives locales et paroissiales » rappelle le père Lubot. Une visite qui se veut à la fois « paternelle, fraternelle » et avec une « attention particulière pour chacun de nous« .

Dans un deuxième temps le père Dominique nous invite à vivre la Semaine de prière pour l’unité des Chrétiens en priant pour « la restauration de l’unité » car la division des Chrétiens « entraine la chute de l’Eglise« .

Enfin, nous parlons de la Journée des fiancés qui se déroulera le 28 janvier prochain. « Une grâce vécue dans le diocèse » insiste le père qui explique que cette journée regroupe des « couples plus ou moins proches de l’Eglise » mais qui ont à coeur de vivre le sacrement du mariage.

L’occasion de faire (re)découvrir ce sacrement et de vivre une bénédiction et un beau temps de fiançailles et de préparation au mariage.

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Commentaires du dimanche 22 janvier

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 22 janvier 2023
3e dimanche du Temps ordinaire, année A

1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile

PREMIERE LECTURE – Isaïe 8,23b-9,3
8,23b Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte
le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ;
mais ensuite, il a couvert de gloire
la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain,
et la Galilée des nations.
9,1 Le peuple qui marchait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière ;
et sur les habitants du pays de l’ombre,
une lumière a resplendi.
9,2 Tu as prodigué la joie,
tu as fait grandir l’allégresse :
ils se réjouissent devant toi,
comme on se réjouit de la moisson,
comme on exulte au partage du butin.
9,3 Car le joug qui pesait sur lui,
la barre qui meurtrissait son épaule,
le bâton du tyran,
tu les as brisés comme au jour de Madiane.

ANGOISSE A JERUSALEM
A l’époque dont il est question, le royaume d’Israël est divisé en deux : vous vous souvenez que David puis Salomon ont été rois de tout le peuple d’Israël ; mais, dès la mort de Salomon, en 933 av.J.C., l’unité a été rompue, (on parle du schisme d’Israël) ; et il y a eu deux royaumes bien distincts et même parfois en guerre l’un contre l’autre : au Nord, il s’appelle Israël, c’est lui qui porte le nom du peuple élu ; sa capitale est Samarie ; au Sud, il s’appelle Juda, et sa capitale est Jérusalem. C’est lui qui est véritablement le royaume légitime : car c’est la descendance de David sur le trône de Jérusalem qui est porteuse des promesses de Dieu.
Isaïe prêche dans le royaume du Sud, mais, curieusement, tous les lieux qui sont cités ici appartiennent au royaume du Nord : « Le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali… il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain et la Galilée… » : Zabulon, Nephtali, la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, la Galilée, ce sont cinq noms de lieux qui sont au Nord ; Zabulon et Nephtali : ce sont deux des douze tribus d’Israël ; et leur territoire correspond à la Galilée, à l’Ouest du lac de Tibériade ; on est bien au Nord du pays d’Israël. La route de la mer, comme son nom l’indique, c’est la plaine côtière à l’Ouest de la Galilée ; enfin, ce qu’Isaïe appelle le pays au-delà du Jourdain, c’est la Transjordanie.
Ces précisions géographiques permettent d’émettre des hypothèses sur les événements historiques auxquels Isaïe fait allusion ; car ces trois régions, la Galilée, la Transjordanie et la plaine côtière, ont eu un sort particulier pendant une toute petite tranche d’histoire, entre 732 et 721 av.J.C. Vous savez qu’à cette époque-là, la puissance montante dans la région est l’empire assyrien dont la capitale est Ninive. Or ces trois régions-là ont été les premières annexées par le roi d’Assyrie, Tiglath-Pilézer III, en 732. Puis, en 721, c’est la totalité du royaume de Samarie qui a été annexée (y compris la ville de Samarie).
C’est donc très certainement à cette tranche d’histoire qu’Isaïe fait référence. C’est à ces trois régions précisément qu’Isaïe promet un renversement radical de situation : « Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens ».
Je n’oublie pas ce que je disais plus haut à savoir qu’Isaïe prêche à Jérusalem ; et on peut évidemment se demander en quoi ce genre de promesses au sujet du royaume du Nord peut intéresser le royaume du Sud.
On peut répondre que le royaume du Sud n’est pas indifférent à ce qui se passe au Nord, au moins pour deux raisons : d’abord, étant donné leur proximité géographique, les menaces qui pèsent sur l’un, pèseront tôt ou tard sur l’autre : quand l’empire assyrien prend possession du Nord, le Sud a tout à craindre. Et, d’ailleurs, ce royaume du Sud (Jérusalem) est déjà vassal de l’empire assyrien ; il n’est pas encore écrasé, mais il a perdu son autonomie. D’autre part, deuxième raison, le royaume du Sud interprète le schisme comme une déchirure dans une robe qui aurait dû rester sans couture : il espère toujours une réunification, sous sa houlette, bien sûr.
INTERDICTION DE DESESPERER
Or, justement, ces promesses de relèvement du royaume du Nord résonnent à ce niveau : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur les habitants du pays de l’ombre une lumière a resplendi », voilà deux phrases qui faisaient partie du rituel du sacre de chaque nouveau roi. Traditionnellement, l’avènement d’un nouveau roi est comparé à un lever de soleil, car on compte bien qu’il rétablira la grandeur de la dynastie. C’est donc d’une naissance royale qu’il est question. Et ce roi assurera à la fois la sécurité du royaume du Sud et la réunification des deux royaumes.
Et effectivement, un peu plus bas, Isaïe l’exprime en toutes lettres : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné… » Ces phrases, elles aussi, sont des formules habituelles des couronnements. Ici, il s’agit du petit dauphin Ezéchias qui a sept ans. Il est ce fameux Emmanuel promis huit ans plus tôt par le prophète Isaïe au roi Achaz. Vous vous souvenez de cette promesse : « Voici que la jeune femme* est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel » (Is 7,14). Ce petit Ezéchias, dès l’âge de sept ans, a été associé au règne de son père.
Avec lui, l’espoir peut renaître : « Il sera le prince de la paix » affirme Isaïe. Car, il en est certain, Dieu soutient son peuple dans sa volonté de liberté, il ne le laissera pas indéfiniment sous la tutelle des grandes puissances.
Pourquoi cette assurance qui défie toutes les évidences de la réalité ? Simplement parce que Dieu ne peut pas se renier lui-même, comme dira plus tard Saint Paul : Dieu veut libérer son peuple contre toutes les servitudes de toute sorte. Cela, c’est la certitude de la foi.
Cette certitude s’appuie sur la mémoire : Moïse y avait insisté souvent : « Garde-toi d’oublier ce que le SEI­GNEUR a fait pour toi » : parce que si nous perdons cette mémoire-là, nous sommes perdus ; rappelez-vous encore le même Isaïe disant au roi Achaz : « Si vous ne croyez pas, vous ne pourrez pas tenir » (Is 7,9) ; à chaque époque d’épreuve, de ténèbres, la certitude du prophète que Dieu ne manquera pas à ses promesses lui dicte une prophétie de victoire.
Une victoire qui sera “Comme au jour de la victoire sur Madiane” : une fameuse victoire de Gédéon sur les Madianites était restée célèbre : au temps des Juges, c’est-à-dire avant la monarchie, une tribu nomade, les Madianites, terrorisait la population avec ses chameaux car elle détruisait toutes les récoltes et opérait des razzias impitoyables. Et Dieu avait choisi Gédéon pour sauver son peuple. Or les Madianites étaient innombrables et la troupe de Gédéon ne comprenait que trois cents hommes. Eh bien, ces trois cents hommes, en pleine nuit, armés seulement de lumières et de trompettes avaient mis en déroute le camp des ennemis. Leur secret, évidemment, c’était leur foi en la présence de Dieu.
Le message d’Isaïe, c’est : « Ne crains pas. Dieu n’abandonnera jamais la dynastie de David ». On pourrait traduire pour aujourd’hui : ne crains pas, petit troupeau : c’est la nuit qu’il faut croire à la lumière. Quelles que soient les ténèbres qui recouvrent le monde et la vie des hommes, et aussi la vie de nos communautés, réveillons notre espérance : Dieu n’abandonne pas son projet d’amour sur l’humanité.
——————
Note
*Le texte hébreu dit bien « la jeune femme » et enceinte ; il s’agit de la reine. Mais la traduction grecque (la Septante) a traduit « vierge », parce qu’à l’époque de cette traduction (au deuxième siècle avant J.C. environ), la croyance était largement répandue que le Messie naîtrait d’une vierge.
Complément
Reste une question : quand nous lisons la Bible, ce n’est pas pour suivre un cours d’histoire ou de géographie. Alors pourquoi lire ce texte d’Isaïe ? Pour regonfler nos énergies : car ce que nous lisons ici chez Isaïe, c’est une véritable homélie sur l’espérance. Comme il rappelait à ses contemporains l’histoire de Gédéon, nous aussi, nous devons sans cesse nous rappeler que Dieu n’a jamais abandonné son peuple et ce n’est pas maintenant qu’il va commencer !

PSAUME – 26 (27)
1 Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut,
de qui aurais-je crainte ?
Le SEIGNEUR est le rempart de ma vie,
devant qui tremblerais-je ?
4 J’ai demandé une chose au SEIGNEUR,
la seule que je cherche :
habiter la maison du SEIGNEUR
tous les jours de ma vie.
13 Mais j’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR
sur la terre des vivants.
14 Espère le SEIGNEUR, sois fort et prends courage ;
espère le SEIGNEUR.

« LE SEIGNEUR EST MA LUMIERE ET MON SALUT »
« Le Seigneur est MA lumière et MON salut » : ces expressions à la première personne du singulier ne nous trompent pas : il s’agit d’un singulier collectif : c’est le peuple d’Israël tout entier qui exprime ici sa confiance invincible en Dieu, en toutes circonstances. Périodes de lumière, périodes de ténèbres, circonstances gaies, circonstances tristes, ce peuple a tout connu ! Et au milieu de toutes ses aventures, il a gardé confiance, il a approfondi sa foi. Ce psaume en est un superbe témoignage.
Ici il exprime en images les diverses péripéties de son histoire : vous connaissez ce procédé qui est très fréquent dans les psaumes et qu’on appelle le revêtement ; le texte fait allusion à des situations individuelles très précises : un malade, un innocent injustement condamné, un enfant abandonné, ou un roi, ou un lévite… (et d’ailleurs, si nous lisions en entier ce psaume 26/27, nous verrions qu’elles y sont toutes) ; mais en fait, toutes ces situations apparemment individuelles ont été à telle ou telle époque la situation du peuple d’Israël tout entier ; il faut lire : « Israël est comme un malade guéri par Dieu, comme un innocent injustement condamné, comme un enfant abandonné, comme un roi assiégé » et c’est de Dieu seul qu’il attend sa réhabilitation, ou sa délivrance… En parcourant l’Ancien Testament, on retrouve sans peine toute les situations historiques précises auxquelles il est fait allusion.
Dans les versets retenus par le missel pour aujourd’hui, il y a deux images : la première, c’est celle d’un roi ; parfois on a pu comparer Israël à un roi assiégé par des ennemis ; son Dieu l’a toujours soutenu ; « Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Le SEIGNEUR est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » (voici maintenant les versets 2-3 : « Si des méchants s’avancent contre moi pour me déchirer, ce sont eux, mes adversaires, qui perdent pied et succombent. Qu’une armée se déploie devant moi, mon coeur est sans crainte ; que la bataille s’engage contre moi, je garde confiance »). Que ce soit l’attaque par surprise des Amalécites dans le désert du Sinaï, au temps de Moïse, ou bien la menace des rois de Samarie et de Damas contre le pauvre roi Achaz terrorisé vers 735, ou encore le siège de Jérusalem en 701 par le roi assyrien, Sennachérib, et j’en oublie, les occasions n’ont pas manqué.
Face à ces dangers, il y a deux attitudes possibles : la première, c’est celle du roi David, un homme comme les autres, pécheur comme les autres (son histoire avec Bethsabée était célèbre), mais un croyant assuré en toutes circonstances de la présence de Dieu à ses côtés. Il est resté un modèle pour son peuple. En revanche, nous avons rencontré pendant l’Avent dans un texte du prophète Isaïe le roi Achaz, qui n’avait pas la même foi sereine : je vous avais cité à ce propos une phrase très expressive du livre d’Isaïe pour dire que le roi cédait à la panique au moment du siège de Jérusalem : « Le coeur du roi et le coeur de son peuple se mirent à trembler comme les arbres de la forêt sont agités par le vent. » (Is 7,2). Et la mise en garde d’Isaïe avait été très ferme ; il avait dit au roi : « Si vous ne croyez pas, vous ne pourrez pas tenir » (on pourrait dire en français d’aujourd’hui « vous ne tiendrez pas le coup »). Soit dit en passant, Isaïe faisait un jeu de mots sur le mot « Amen » car c’est le même mot, en hébreu, qui signifie « croire, tenir dans la foi » et « tenir fermement » : cela peut nous aider à comprendre le sens du mot « foi » dans la Bible.
Je reviens aux deux attitudes contrastées de David et d’Achaz : le peuple d’Israël a, bien sûr, connu tour à tour ces deux types d’attitude, mais dans sa prière, il se ressource dans la foi de David.
J’AI DEMANDE UNE CHOSE AU SEIGNEUR, LA SEULE QUE JE CHERCHE
Ou encore, et c’est la deuxième image, Israël peut être comparé à un lévite, un serviteur du Temple, dont toute la vie se déroule dans l’enceinte du temple de Jérusalem : « J’ai demandé une chose au SEIGNEUR, la seule que je cherche, habiter la maison du SEIGNEUR tous les jours de ma vie. » Quand on sait que les lévites étaient attachés au service du Temple de Jérusalem et montaient la garde jour et nuit dans le Temple, l’allusion est très claire ; derrière ce lévite, on voit bien se profiler le portrait du peuple tout entier. Comme la tribu des lévites est, parmi les douze tribus d’Israël, celle qui est consacrée au service de la maison du Seigneur, le peuple d’Israël tout entier, est, parmi l’ensemble des peuples de la terre, celui qui est consacré à Dieu, qui appartient à Dieu.
Enfin, la dernière strophe « J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » fait irrésistiblement penser à Job : « Je sais, moi, que mon rédempteur est vivant, que, le dernier, il se lèvera sur la poussière ; et quand bien même on m’arracherait la peau, de ma chair je verrai Dieu. ». Ni l’auteur du psaume 26/27 ni celui du livre de Job n’envisageaient encore la possibilité de la résurrection individuelle ; l’expression « terre des vivants » vise bien cette terre-ci. Ils n’en ont que plus de mérite, peut-être : en Israël l’espérance est tellement forte qu’on est sûrs que Dieu interviendra pour nous. Bien sûr, ces textes prennent encore plus de force à partir du moment où la foi en la Résurrection est née. « J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. »
Quant à la dernière phrase (« Espère le SEIGNEUR, sois fort et prends courage ; espère le SEIGNEUR. »), elle est peut-être une allusion à la parole que Dieu avait adressée à Josué, au moment d’entreprendre la marche vers la terre promise, la terre des vivants : « Sois fort et courageux. Ne crains pas, ne t’effraie pas, car le SEIGNEUR ton Dieu sera avec toi partout où tu iras. » (Jos 1,9).
Cette dernière strophe reflète, une fois encore, la confiance indéracinable du peuple d’Israël : « J’en suis sûr, je verrai les bontés du SEIGNEUR sur la terre des vivants. » Cette confiance, on le sait, est fondée sur la mémoire de l’oeuvre de Dieu et c’est elle qui autorise l’espérance : « Espère le SEIGNEUR, sois fort et prends courage ; espère le SEIGNEUR. » L’espérance, c’est la foi conjuguée au futur. André Chouraqui l’appelait la « mémoire du futur ».
On ne s’étonne donc pas que ce psaume soit proposé pour les célébrations de funérailles : les jours de deuil sont ceux où nous avons bien besoin de nous ré-enraciner, de nous ressourcer dans la foi et l’espérance de nos pères.

DEUXIEME LECTURE – première lettre de Saint Paul apôtre aux Corinthiens 1, 10 – 13. 17
10 Frères,
je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ :
ayez tous un même langage ;
qu’il n’y ait pas de division entre vous,
soyez en parfaite harmonie de pensées et d’opinions.
11 Il m’a été rapporté à votre sujet, mes frères,
par les gens de chez Chloé,
qu’il y a entre vous des rivalités.
12 Je m’explique.
Chacun de vous prend parti en disant :
« Moi, j’appartiens à Paul »,
ou bien :
« Moi, j’appartiens à Apollos »,
ou bien :
« Moi, j’appartiens à Pierre »,
ou bien :
« Moi, j’appartiens au Christ ».
13 Le Christ est-il donc divisé ?
Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ?
Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
17 Le Christ, en effet, ne m’a pas envoyé pour baptiser,
mais pour annoncer l’Évangile,
et cela sans avoir recours au langage de la sagesse humaine,
ce qui rendrait vaine la croix du Christ.

DIVISIONS DANS LA COMMUNAUTE DE CORINTHE
De par sa situation, le port de Corinthe était un lieu de trafic intense avec tous les autres ports de la Méditerranée. Par le fait même, tous les courants de pensée du monde méditerranéen trouvaient des échos à Corinthe. Il n’est pas étonnant que des voyageurs originaires de différents pays aient témoigné de leur foi chrétienne chacun à leur manière. L’enthousiasme des néophytes les portait à comparer la qualité du message apporté par les différents prédicateurs. Et, apparemment, si on en juge par la suite de la lettre, les Corinthiens étaient très sensibles, trop sensibles, aux belles paroles.
Due ce fait, des clans se sont formés et les discussions, voire même les querelles vont bon train. Vous savez bien que c’est sur les sujets religieux que nous sommes les moins tolérants ! Paul cite quatre clans : d’abord des Chrétiens qui se réclament de lui ; puis il y a les disciples d’Apollos ; un troisième clan se réclame de Saint Pierre ; on ne sait pas si lui-même y est jamais allé, mais peut-être des membres de l’entourage de Pierre y sont-ils passés… Enfin un quatrième clan se dit le « parti du Christ », sans qu’on sache bien ce que cela recouvre.
Je reviens à Apollos, dont nous n’aurons plus jamais l’occasion de parler et qui, pourtant, a certainement joué un rôle important dans les débuts de l’Eglise. Nous le connaissons par les Actes des Apôtres (au chapitre 18) ; c’était un Juif, originaire d’Alexandrie (en Egypte), certainement un intellectuel : on disait de lui qu’il était « éloquent, versé dans les Ecritures ». Où a-t-il adhéré à la foi chrétienne ? D’après certains manuscrits, ce serait déjà en Egypte, son pays d’origine ; ce qui supposerait que le Christianisme aurait très tôt essaimé en Egypte. Les manuscrits les plus nombreux ne précisent pas ; en tout cas, il est clair qu’il est devenu Chrétien fervent, même si sa catéchèse est encore bien incomplète. Voici la phrase des Actes : « Il avait été instruit du Chemin du Seigneur ; dans la ferveur de l’Esprit, il parlait et enseignait avec précision ce qui concerne Jésus, mais, comme baptême, il ne connaissait que celui de Jean. » (Ac 18,25-26). Le voilà qui arrive à Ephèse et qui se présente à la synagogue (à cette époque, les Chrétiens n’avaient pas encore été chassés des synagogues) ; là, il fait ce que Paul a toujours fait, c’est-à-dire qu’il annonce que Jésus est le Messie qu’on attendait ; deux auditeurs de la synagogue d’Ephèse reconnaissent ses talents d’orateur mais jugent utile de compléter son bagage théologique. « Quand Priscille et Aquilas l’entendirent, ils le prirent à part et lui exposèrent avec plus de précision le Chemin de Dieu. »
Là-dessus, Apollos a décidé de se rendre à Corinthe : recommandé par les frères d’Ephèse, il y fut bien accueilli et il eut très vite un grand succès : « En effet, avec vigueur il réfutait publiquement les Juifs, en démontrant par les Écritures que le Christ, c’est Jésus. ». (Ac 18,28).
Visiblement donc, si j’en crois Saint Luc dans ce passage des Actes des Apôtres, Apollos est un Chrétien fervent et il parle bien : il enthousiasme les foules ; il est précieux aussi dans les débats qui opposent Juifs et Chrétiens. Il est certainement plus éloquent que Paul qui reconnaît lui-même ne pas avoir la même habileté : « Le Christ m’a envoyé annoncer l’Evangile sans avoir recours au langage de la sagesse humaine » ; ce qu’il appelle « langage de la sagesse humaine », c’est l’art oratoire, la force de l’argumentation : pour Paul l’évangélisation ne se fait pas à coup de discours et d’arguments.
ON NE PRECHE PAS L’EVANGILE PAR DE BEAUX DISCOURS
« Le Christ m’a envoyé pour annoncer l’Evangile, sans avoir recours au langage de la sagesse humaine, ce qui rendrait vaine la croix du Christ. » C’est-à-dire pour prêcher l’évangile de l’amour, pas besoin d’éloquence et de beaux arguments qui cherchent à convaincre ; dans le mot « convaincre », si on y réfléchit bien, il y a le mot « vaincre » ; or, il est évident que la forme du discours doit être cohérente avec le contenu du message : on ne peut pas annoncer un Dieu de tendresse en employant la violence même seulement verbale ! Nous l’avons peut-être parfois oublié…
La suite de la lettre nous prouve qu’Apollos ne fait rien pour s’attirer des admirateurs ; il n’est resté que peu de temps à Corinthe puis il a rejoint Paul à Ephèse ; Paul lui-même le pousse à retourner à Corinthe mais Apollos refuse, probablement pour ne pas aggraver les tensions dans la communauté chrétienne.
En tout cas Paul, qui a quitté Corinthe, continue à en recevoir des nouvelles par les commerçants qui vont régulièrement de Corinthe à Ephèse. En particulier, des employés d’une certaine Chloé ont fait état de véritables querelles qui divisent la communauté ; alors Paul se décide à prendre la plume. Il ne leur fait pas la morale : à ses yeux, c’est beaucoup plus grave que cela.
Pour lui, c’est le sens même de notre Baptême qui est en jeu : et c’est la simplicité de l’argumentation de Paul qui peut nous étonner ; pour lui, c’est très simple : être baptisé, c’est être uni au Christ : il n’est donc plus possible d’être divisés entre nous ! Les Chrétiens, comme leur nom l’indique, ont tous été baptisés « au nom » du Christ : c’est-à-dire que le nom du Christ a été prononcé sur eux ; désormais ils lui appartiennent. Personne ne peut dire « j’ai été baptisé au nom d’untel ou untel, Paul ou Apollos ou Pierre » ; tous ont été baptisés « au nom » du Christ. Le Concile Vatican II le dit bien « Quand le prêtre baptise, c’est le Christ qui baptise ». Etre baptisé au nom du Christ, c’est être greffé sur lui… Dans une greffe c’est la réussite de la greffe qui compte, peu importe le jardinier.

EVANGILE – selon Saint Matthieu 4,12-23
12 Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste,
il se retira en Galilée.
13 Il quitta Nazareth
et vint habiter à Capharnaüm,
ville située au bord de la mer de Galilée,
dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
14 C’était pour que soit accomplie
La parole prononcée par le prophète Isaïe :
15 Pays de Zabulon et pays de Nephtali,
route de la mer et pays au-delà du Jourdain,
Galilée des nations !
16 Le peuple qui habitait dans les ténèbres
a vu une grande lumière.
Sur ceux qui habitaient
dans le pays et l’ombre de la mort,
une lumière s’est levée.
17 A partir de ce moment, Jésus commença à proclamer :
« Convertissez-vous,
car le Royaume des Cieux est tout proche. »
18 Comme il marchait le long de la mer de Galilée,
il vit deux frères,
Simon appelé Pierre,
et son frère André,
qui jetaient leurs filets dans la mer ;
car c’étaient des pêcheurs.
19 Jésus leur dit :
« Venez à ma suite,
et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
20 Aussitôt, laissant leurs filets,
ils le suivirent.
21 De là, il avança et il vit deux autres frères,
Jacques, fils de Zébédée
et son frère Jean,
qui étaient dans leur barque avec leur père,
en train de préparer leurs filets.
Il les appela.
22 Aussitôt, laissant la barque et leur père,
ils le suivirent.
23 Jésus parcourait toute la Galilée,
il enseignait dans leurs synagogues,
proclamait l’Evangile du Royaume,
guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.

L’ACCOMPLISSEMENT DU PROJET DE DIEU
Nous sommes au chapitre 4 de l’évangile de Matthieu ; vous vous souvenez des trois premiers chapitres : d’abord une longue généalogie qui resitue Jésus dans l’histoire de son peuple, et en particulier dans la descendance de David ; ensuite l’annonce faite à Joseph par l’ange du Seigneur « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » et Matthieu précisait : « Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit Dieu avec nous » : ce qui était une citation d’Isaïe, manière de nous dire « enfin les promesses sont accomplies, enfin le Messie tant attendu est là ».
Et tous les épisodes suivants redisent ce message d’accomplissement, chacun à leur manière : la visite des mages, la fuite en Egypte, le massacre des enfants de Bethléem, le retour d’Egypte et l’installation de Joseph, Marie et l’enfant Jésus en Galilée, à Nazareth… la prédication de Jean-Baptiste, le baptême de Jésus et enfin le récit des Tentations de Jésus ; tous ces récits fourmillent de citations explicites des Ecritures et d’une multitude d’allusions bibliques.
Et nous voilà tout préparés à entendre le texte d’aujourd’hui ; lui aussi est truffé d’allusions et dès le début, d’ailleurs, Matthieu cite le prophète Isaïe pour bien montrer les enjeux de l’installation de Jésus à Capharnaüm.
La ville de Capharnaüm est en Galilée, au bord du lac de Tibériade, tout le monde le sait ; pourquoi Saint Matthieu éprouve-t-il le besoin de préciser qu’elle est située dans les territoires de Zabulon et de Nephtali ? Ces deux noms des anciennes tribus d’Israël ne faisaient pas partie du langage courant, c’étaient des noms du passé ! Et d’ailleurs, pourquoi lier les deux noms « Zabulon et Nephtali » ? Quand on lit au livre de Josué la description du territoire de ces tribus, on voit bien qu’au moment du partage du pays entre les tribus, le principe a justement été de bien délimiter le territoire de chaque tribu ; une même ville n’appartient pas à deux tribus à la fois ; cela prouve que les préoccupations de Saint Matthieu ne sont pas d’ordre géographique.
LE VRAI ROI DU MONDE EST VENU HABITER CHEZ NOUS
Il veut rappeler à ses auditeurs une fameuse promesse d’Isaïe : « Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée des nations. » (Is 8,23)1. (Au moment de l’expansion assyrienne, au huitième siècle, ces deux tribus (Zabulon et Nephtali) dont les territoires étaient limitrophes, avaient ceci de commun qu’elles avaient été annexées en même temps.) Et le prophète continuait : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » Cette formule était employée lors de la cérémonie du sacre d’un nouveau roi : son avènement, telle la promesse d’une ère nouvelle, était comparé à un lever de soleil.
En évoquant cette prophétie, Matthieu applique à l’arrivée de Jésus en Galilée ces phrases rituelles du sacre : manière de nous dire que le vrai roi du monde est venu habiter chez nous. Oui, enfin la lumière s’est levée sur Israël et sur l’humanité tout entière ; la Galilée, carrefour des nations, comme on disait, est la porte ouverte sur le monde : à partir d’elle, le salut de Dieu apporté par le Messie rayonnera sur toutes les nations.
En même temps, Matthieu annonce déjà en quelques mots le déroulement des événements qui vont suivre ; en racontant le départ de Jésus vers la Galilée, après l’arrestation de Jean-Baptiste, Matthieu nous montre bien deux choses : premièrement que toute la vie du Christ est sous le signe de la persécution… mais deuxièmement aussi la victoire finale sur le mal : Jésus fuit la persécution, c’est vrai, mais ce faisant, il porte plus loin la Bonne Nouvelle : du mal, Dieu fait surgir un bien… la fin de l’Evangile nous montrera que de la souffrance et de la mort, Dieu fait surgir la Vie.
LE SALUT DE DIEU EST EN MARCHE
Voici Jésus à Capharnaüm et Matthieu emploie une formule apparemment banale « A partir de ce moment » ; or si on regarde bien, il ne l’emploie qu’une seule autre fois, bien plus tard, au chapitre 16 : ce n’est pas un hasard ; les deux fois, il s’agit d’un grand tournant ; ici « A partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » ; au chapitre 16, ce sera « A partir de ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter ». (Mt 16,21).
Effectivement, dans l’épisode d’aujourd’hui, qui nous relate le début de la vie publique de Jésus, nous sommes à un grand tournant ; avec l’effacement de Jean-Baptiste et le début de la prédication de Jésus, l’humanité a franchi une étape décisive : du temps de la promesse nous sommes passés au temps de l’accomplissement.
Et désormais, le Royaume est là, parmi nous, non seulement en paroles mais en actes : car la finale du texte d’aujourd’hui est tout un programme : « Jésus parcourait toute la Galilée, il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Evangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple. » La prophétie d’Isaïe que nous avons lue en première lecture trouve ici sa pleine réalisation et Saint Matthieu le souligne puissamment. Jésus proclame : « Le royaume des Cieux est tout proche. »
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Note
1 C’est le texte de notre première lecture, ce dimanche.

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