DIRECT 1er avril : Ordination sacerdotale d’Eric Manirakiza, Montfortain

DIRECT 1er avril : Ordination sacerdotale d’Eric Manirakiza, Montfortain

Ordination d’Eric Manirakiza, Montfortain 

Samedi 1er Avril 2023, à 15h, diffusion en direct de la basilique Saint Louis-Marie Grignion de Montfort à Saint Laurent/Sèvre

Eric MANIRAKIZA est Montfortain et sera ordonné prêtre le samedi 1er Avril en Vendée, dans l’Eglise Saint Louis-Marie Grignion de Montfort à Saint Laurent sur Sèvre. Mgr François Jacolin, évêque du diocèse de Luçon, présidera la célébration.

L’entrée dans la Semaine Sainte avec les Rameaux

L’entrée dans la Semaine Sainte avec les Rameaux

« Les Rameaux ne sont pas la fin du Carême » 

Le vicaire général du diocèse, le père François Bidaud, vient nous parler de la Semaine Sainte qui débute avec les Rameaux.

Qu’est-ce que les Rameaux ? Quel sens et quelle origine à cette fête ? Pourquoi y entend-t-on le récit de la Passion qui se déroule pourtant durant le Triduum Pascal ? Le père François Bidaud nous en donne quelques explications.

Il revient aussi pour nous sur la belle célébration de la messe Chrismale, qui aura lieu ce lundi 3 avril à la cathédrale de Luçon. Un moment fort qui rassemble l’ensemble des prêtres et diacres du diocèse avec tous les catholiques qui sont invités à rejoindre le corps ecclesial pour vivre cette célébration.

Enfin, nous abordons le début du Triduum Pascal avec le Jeudi Saint et le Vendredi Saint.

Le sens de la Semaine Sainte

Le sens de la Semaine Sainte

Point culminant et sommet de la foi chrétienne, la fête de Pâques est précédée tout au long de la semaine Sainte par des jours de prière où chacun est invité à suivre le Christ. Rameaux, messe Chrismale, Jeudi Saint, Vendredi Saint et Vigile Pascale rythment la semaine Sainte 

Tout au long de la semaine Sainte, chacun est invité à suivre le Christ : avec la foule, d’abord, L’acclamant lors du Dimanche des Rameaux, au cours de la messe Chrismale, puis au cours du Triduum Pascal : pendant la célébration de la Cène, où Il institue l’Eucharistie, avant de se recueillir au jour de Sa Passion et Sa mort. Puis, c’est la Vigile Pascale où, dans la lumière, retentit cette parole : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité ».

Dimanche des Rameaux

« Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le roi d’Israël ! »

En ce dimanche qui précède la fête de Pâques et qui ouvre la semaine sainte, la procession des Rameaux permet de faire mémoire et célébrer solennellement l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem. Six jours avant la Pâque juive, Il entre dans la ville sainte. La foule, nombreuse, porte des rameaux (buis, oliviers, lauriers…) pour acclamer le Seigneur. Ce dimanche, les rameaux bénis à la main, les fidèles se mettent ensuite en procession, en marche à la suite du célébrant pour entrer dans l’église. Au cours de la messe, c’est le récit entier de la Passion qui est proclamé comme une invitation à accompagner Jésus au cours de chacun de ces jours saints.

La Messe Chrismale

« Que cette huile devienne ainsi l’instrument dont Tu te sers pour nous donner ta grâce au nom de Jésus- Christ, notre Seigneur ! »

Au cours de cette célébration, qui se déroulent généralement le lundi ou le mardi saint, l’évêque, entouré de tous les prêtres du diocèse qui le peuvent, « bénit » l’huile  qui servira à l’onction des malades et celle qui marquera les catéchumènes. Il « consacre » le saint chrême, utilisé en plusieurs sacrements : baptême, confirmation, ordination des prêtres et des évêques. (Exceptionnellement, la liturgie de la consécration d’une église, d’un autel, d’un calice… utilise aussi le saint chrême). Pour chaque rite, l’oraison prononcée par l’évêque indique la finalité et le sens de sa destination sacramentelle.

Le sacrement ou onction des malades s’appuie sur une pratique apostolique dûment attestée : Marc écrit : « Les Douze faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades et les guérissaient » (6, 13). Et saint Jacques (5, 14) demande aux croyants d’appeler les prêtres de l’Eglise auprès d’un malade : « Qu’ils prient sur lui après lui avoir fait une onction d’huile au nom du Seigneur ! » Pour bénir cette huile, l’évêque demande « qu’elle soulage le corps, l’âme et l’esprit des malades qui en recevront l’onction ». Et s’adressant à Dieu, il dit : « Que cette huile devienne ainsi l’instrument dont Tu te sers pour nous donner ta grâce au nom de Jésus- Christ, notre Seigneur ! »

L’huile des catéchumènes sert à marquer les étapes de la préparation au cours du catéchuménat des adultes ou adolescents. Elle peut aussi être utilisée lors du baptême des petits-enfants. En aucun cas, elle n’est la « matière » du sacrement. En la bénissant, l’évêque supplie Dieu « d’accorder sa force aux catéchumènes qui en seront marqués ». Alors, « ils s’engageront de grand cœur dans les luttes de la vie chrétienne ».

Le saint-chrême reçoit une « consécration ». Il configure les baptisés et, plus nettement encore les confirmés, au Christ, « prêtre, prophète et roi ». Jésus n’a pas reçu d’onction rituelle ; sa consécration tient à son être même de Dieu fait homme. Par l’onction du saint-chrême, Il confère la même consécration à tous les membres de son Corps, à tout le peuple de Dieu.

Au cours de la messe chrismale, les prêtres sont invités à renouveler leurs promesses sacerdotales, à l’invitation de l’évêque : « Au jour de notre ordination sacerdotale, par amour du Christ et pour le service de son Eglise, nous avons reçu la charge du ministère qui nous était confié. Voulez-vous vivre toujours plus unis au Seigneur Jésus et chercher à Lui ressembler, en renonçant à vous-mêmes et en restant fidèles aux engagements, attachés à notre mission dans l’Eglise ? ». « Oui, je le veux ».

Le lavement des pieds

« Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres »

(Jean 13, 14)

Jeudi Saint

La Célébration de la Cène « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi ».

La première étape consiste dans la « Cène du Seigneur », le « repas pascal » dont Jésus transforme le sens. De rite, commémorant l’événement fondateur du peuple d’Israël, Jésus institue, sous les espèces du pain et du vin, l’Eucharistie, signe de l’alliance nouvelle et éternelle. Et l’Eglise a voulu joindre à la liturgie le geste du lavement des pieds, hautement suggestif, où Jésus donne à la communauté des croyants, l’exemple du service fraternel. Après la méditation sur l’eucharistie et le sacerdoce vient donc « l’homélie en acte » du Christ, Serviteur de son Père et de ses frères. L’agenouillement du célébrant devant son frère dit mieux qu’un long discours que le sacerdoce est un service.

La « liturgie de l’Eucharistie » revêt donc, ce soir-là, une solennité exceptionnelle, alors qu’elle se déroule humblement, selon le rite ordinaire, comme l’exprime la mention « aujourd’hui ». L’Eucharistie perpétue et actualise (« mémorial ») l’offrande que Jésus fait de sa vie en unissant « la Cène » et « la Croix ». Désormais, cet acte singulier rendra partout présent le « Passage » de la création en Dieu. Le pain et le vin consacrés appellent le chrétien à devenir ce qu’il reçoit, le Corps du Christ ; il participe à l’amour dont Jésus a fait preuve ; il révèle à ses frères le sens sacré de l’univers.

A travers le « service » et la « présence », Jésus laisse à ses disciples un « testament » : « Faites cela en mémoire de Moi ». Le lavement des pieds, comme un service, est inclus dans ce testament. La mort à soi-même est signifiée dans le « passage » du pain et du vin au corps et au sang du Christ : Il « réalise » sur la Croix ce qu’Il avait annoncé et célébré rituellement à la Cène. Dès lors, l’Eucharistie engage le prêtre qui la célèbre et le fidèle qui y participe à vivre comme le Christ un « Passage » permanent vers le Père. L’Eucharistie transforme le monde dans son enfantement : dans l’Esprit-Saint, le chrétien découvre que tout, chez lui, a ou devrait avoir une « dimension eschatologique », le conduit vers sa fin dernière : Dieu.

A la fin de l’office, le Saint Sacrement est apporté en procession au reposoir où les fidèles sont invités à venir adorer et veiller dans la prière au cœur de la nuit. « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation », dit Jésus à ses disciples.

Vendredi Saint

« Via crucis », la tradition du chemin de croix

Dès les premiers siècles après la mort du Christ, les chrétiens voulurent revenir sur les pas de Jésus, là où Il vécut Sa passion et Sa résurrection.

En grand nombre, ils prirent la direction de Jérusalem, en pèlerinage sur les lieux saints. Pour ceux qui ne pouvaient pas se rendre sur place, fut imaginée et diffusée alors la dévotion du Chemin de la Croix. A l’aide de tableaux dans les églises, ou de croix sur les chemins, les fidèles pouvaient s’associer au calvaire du Christ.

Cette tradition s’est perpétrée tout au long des siècles et demeure encore aujourd’hui un moment important de prière le Vendredi Saint à 15 heures.

L’Eglise reconnaît cette dévotion, mais n’en a jamais fait une liturgie en tant que telle… Les fidèles sont invités à méditer lors des 14 stations les différents épisodes (dont certains sont issus de la tradition et non de l’Ecriture) de la passion et la mort du Christ, s’associant ainsi à Lui.

Ainsi, comme nous y invite le Pape François, le chemin de croix nous permet de nous rendre proches du Christ souffrant. « Le chemin de croix nous aide à nous décider : à  quels personnages nous identifions-nous ? Sommes-nous avec ou contre Jésus ? Le chemin de croix nous révèle aussi la réponse de Dieu au mal dans le monde et nous donne la certitude de l’amour fidèle de Dieu pour nous », dit le Saint Père.

La Crucifixion

Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit :
« Tout est accompli. »
Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.

(Jean 19, 30)

Photo ©David Fugère

Vendredi Saint

La Passion du Seigneur « O Père, en tes mains, je remets mon esprit »

Célébration austère et empreinte de la gravité inspirée par la mort du Seigneur. L’office comprend trois parties : la liturgie de la Parole, avec la Passion selon Saint Jean, et, en conclusion la prière universelle, la vénération de la Croix et la communion.

Après une prostration, le célébrant lit une oraison, et tous écoutent une page d’Isaïe (52, 13 – 53, 12) qui constitue une annonce de la Passion. Le psaume 30 évoque les sentiments du Christ ; et la lecture d’un passage de la lettre aux Hébreux médite sur le sens spirituel du sacrifice de Jésus : « Il devient la cause du salut éternel ». La Passion selon Saint Jean livre alors le témoignage direct du disciple qui a vu et vécu tout le drame personnellement : Jean nous hisse avec lui sur la colline où Celui qui meurt lègue le peuple des croyants à sa mère, terrasse le péché et la mort elle-même, accomplit parfaitement la volonté du Père, laisse échapper de son cœur transpercé l’eau et le sang qui communiqueront la vie.

« Les yeux fixés sur Jésus », nous prions aux grandes intentions de L’Eglise. Devant le Christ en croix, avec ferveur, nous élargissons notre cœur aux dimensions du monde, pour unir les souffrances de nos frères au sacrifice du Christ.

« Venez, adorons le Seigneur ! » C’est aux accents de ce refrain et des fameux « Impropères » que les membres de l’assemblée viennent adorer la Croix qui a porté le salut du monde. D’un cœur contrit, nous écoutons Jésus énumérer ses bienfaits et nous adresser les « reproches » mérités par notre ingratitude et nos péchés : « Que t’ai-je fait, ô mon peuple ? ». Plus que les humiliations de la Passion, c’est la gloire de la croix qui éclate dans cette célébration, car l’Eglise ne commémore pas la mort du Seigneur sans faire mémoire, en même temps, de sa Résurrection. C’est le Christ vainqueur qu’elle salue en L’acclamant : « O Dieu saint, ô Dieu fort, ô Dieu immortel, prends pitié de nous ! »

La communion, ce jour-là, revêt un sens particulier. En communiant à la Passion du Christ, les fidèles s’unissent à toute la rédemption. Ils se décident à suivre leur maître, le Christ, de plus près sur le chemin du don total d’eux-mêmes : « Pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ! » (Jean 15, 13) Jésus en donne l’exemple aujourd’hui.

Vigile Pascale

« Ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur Lui »

Sommet de la semaine sainte et même de toute l’année liturgique, la vigile (ou veillée) pascale, où l’on célèbre la Résurrection du Christ, constitue le pivot et comme la référence de toute liturgie, le point culminant et la nuit sainte de tous les chrétiens. La Résurrection marque l’origine et le point central de la vie chrétienne.

Pour l’illustrer, diverses étapes ont été établies lors de la Restauration de cette Vigile, en 1955, avant le Concile Vatican II : l’office de la Lumière (feu nouveau, cierge pascal, annonce de la Pâque) ; liturgie de la Parole (pages et psaumes de méditation de l’Ancien Testament, épître de Paul et Evangile) ; liturgie baptismale et rénovation des promesses) ; liturgie de l’Eucharistie.

L’attention est d’abord attirée sur le cierge pascal, décoré en hommage au Christ Ressuscité et « Maître des temps et de l’Histoire », lumière pour « tout homme venant en ce monde » (Jean 1, 9). Le cierge pascal trône dans le chœur de l’église. Et le célébrant exalte son symbole en termes solennels : « Dans la grâce de cette nuit, accueille, Père saint, en sacrifice du soir la flamme montant de cette colonne de cire que l’Eglise T’offre par nos mains. Permets que ce cierge pascal, consacré à Ton nom, brûle sans déclin dans cette nuit. Qu’il soit agréable à Tes yeux, et joigne sa clarté à celle des étoiles. Qu’il brûle encore quand se lèvera l’astre du matin, Celui qui ne connaît pas de couchant, le Christ, Ton Fils ressuscité, revenu des enfers, répandant sur les humains sa lumière et sa paix, Lui qui règne avec Toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles ».

Autre « temps fort » (parmi plusieurs) de cette veillée, les baptêmes et la rénovation des promesses baptismales. Quelle que soit la date de notre baptême, nous avons tous été baptisés dans la nuit de Pâques. Ensevelis avec le Christ dans sa mort, les disciples ressuscitent avec Lui dans le bain de la nouvelle naissance. Un dialogue en deux temps (renonciation au mal et engagement dans la foi) s’instaure entre le célébrant et les fidèles : « Pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu, rejetez-vous le péché ? – Oui, je le rejette » et « Croyez-vous en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ? – Nous croyons. »

Dans la vigile pascale, le peuple de Dieu retrouve son histoire et ses « sources ». Dieu le guide sur la route de la terre promise définitive. Alleluia !

Anne Detter-Leveugle avec l’aimable participation du chanoine Christian Daleau

Photo ©David Fugère

L’aide active à vivre, un engagement de fraternité

L’aide active à vivre, un engagement de fraternité

« En faveur d’une aide active à vivre, et non à mourir » 

La Convention citoyenne sur la fin de vie s’achèvera ce dimanche 2 avril, par la remise à la Première ministre, de l’avis des 185 citoyens mobilisés depuis décembre dernier. Réunis à Lourdes en Assemblée plénière cette semaine, les évêques de France ont souhaité rappeler leur engagement en faveur d’une aide active à vivre, et non à mourir. 

« Réunis à Lourdes, lieu d’espérance et de paix, où les personnes malades et handicapées sont à la première place, nous voulons exprimer l’attention avec laquelle nous suivons le débat en cours sur le juste accompagnement de la fin de vie dans notre pays.

Nous sommes profondément sensibles aux souffrances et aux angoisses des malades, des familles et des aidants qui connaissent des situations humaines et médicales particulièrement éprouvantes. Beaucoup de fidèles catholiques se tiennent à leur côté dans les aumôneries d’hôpitaux ou de maisons de retraite, en leur rendant visite à domicile, ou en s’impliquant dans des associations non confessionnelles d’accompagnement des soins palliatifs. Avec eux, grâce à eux, nous avons pleinement conscience que notre société doit encore progresser dans l’accompagnement de la fin de vie et de la grande fragilité.

[…] 

Nous entendons de très nombreux soignants affirmer vigoureusement que « la main qui prend soin ne peut en aucun cas être celle qui donne la mort ». Nous entendons plusieurs observateurs de notre société, aux opinions philosophiques et aux appartenances religieuses diverses, mettre en garde contre l’injonction de renoncer à vivre que ferait peser sur les personnes fragiles la facilité légale et économique de « l’aide active à mourir ». Nous entendons la révolte, la colère, le sentiment d’injustice qui retentissent face à la souffrance et à la mort comme des appels à une plus grande fraternité et comme la recherche d’une espérance dont nous désirons témoigner, mais en aucun cas comme une légitimation de l’euthanasie ou du suicide assisté… »

Commentaires du dimanche 2 avril

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 2 avril 2023
dimanche des Rameaux

1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile

PREMIERE LECTURE – livre du prophète Isaïe 50,4-7
4 Le SEIGNEUR mon Dieu m’a donné le langage des disciples,
pour que je puisse, d’une parole,
soutenir celui qui est épuisé.
Chaque matin, il éveille,
il éveille mon oreille
pour qu’en disciple, j’écoute.
5 Le SEIGNEUR mon Dieu m’a ouvert l’oreille,
et moi, je ne me suis pas révolté,
je ne me suis pas dérobé.
6 J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient,
et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe.
Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.
7 Le SEIGNEUR mon Dieu vient à mon secours ;
c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages,
c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre :
je sais que je ne serai pas confondu.

ISRAEL, SERVITEUR DE DIEU
Isaïe ne pensait certainement pas à Jésus-Christ quand il a écrit ce texte, probablement au sixième siècle av.J.C., pendant l’Exil à Babylone. Je m’explique : Parce que son peuple est en Exil, dans des conditions très dures et qu’il pourrait bien se laisser aller au découragement, Isaïe lui rappelle qu’il est toujours le serviteur de Dieu. Et que Dieu compte sur lui, son serviteur (son peuple) pour faire aboutir son projet de salut pour l’humanité. Car le peuple d’Israël est bien ce Serviteur de Dieu nourri chaque matin par la Parole, mais aussi persécuté en raison de sa foi justement et résistant malgré tout à toutes les épreuves.
Dans ce texte, Isaïe nous décrit bien la relation extraordinaire qui unit le Serviteur (Israël) à son Dieu. Sa principale caractéristique, c’est l’écoute de la Parole de Dieu, « l’oreille ouverte » comme dit Isaïe.
« Ecouter », c’est un mot qui a un sens bien particulier dans la Bible : cela veut dire faire confiance ; on a pris l’habitude d’opposer ces deux attitudes types entre lesquelles nos vies oscillent sans cesse : confiance à l’égard de Dieu, abandon serein à sa volonté parce qu’on sait d’expérience que sa volonté n’est que bonne… ou bien méfiance, soupçon porté sur les intentions de Dieu… et révolte devant les épreuves, révolte qui peut nous amener à croire qu’il nous a abandonnés ou pire qu’il pourrait trouver une satisfaction dans nos souffrances.
Les prophètes, les uns après les autres, redisent « Ecoute, Israël » ou bien « Aujourd’hui écouterez-vous la Parole de Dieu…? » Et, dans leur bouche, la recommandation « Ecoutez » veut toujours dire « faites confiance à Dieu quoi qu’il arrive » ; et Saint Paul dira pourquoi : parce que « quand les hommes aiment Dieu (c’est-à-dire lui font confiance), lui-même fait tout contribuer à leur bien » (Rm 8,28). De tout mal, de toute difficulté, de toute épreuve, il fait surgir du bien ; à toute haine, il oppose un amour plus fort encore ; dans toute persécution, il donne la force du pardon ; de toute mort il fait surgir la vie, la Résurrection.
C’est bien l’histoire d’une confiance réciproque. Dieu fait confiance à son Serviteur, il lui confie une mission ; en retour le Serviteur accepte la mission avec confiance. Et c’est cette confiance même qui lui donne la force nécessaire pour tenir bon jusque dans les oppositions qu’il rencontrera inévitablement. Ici la mission est celle de témoin : « Pour que je puisse soutenir celui qui est épuisé », dit le Serviteur. En confiant cette mission, le Seigneur donne la force nécessaire : Il « donne » le langage nécessaire : « Le SEIGNEUR mon Dieu m’a donné le langage des disciples »… Et, mieux, il nourrit lui-même cette confiance qui est la source de toutes les audaces au service des autres : « Le SEIGNEUR mon Dieu m’a ouvert l’oreille », ce qui veut dire que l’écoute (au sens biblique, la confiance) elle-même est don de Dieu. Tout est cadeau : la mission et aussi la force et aussi la confiance qui rend inébranlable. C’est justement la caractéristique du croyant de tout reconnaître comme don de Dieu.
TENIR BON DANS L’EPREUVE
Et celui qui vit dans ce don permanent de la force de Dieu peut tout affronter : « Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé… » La fidélité à la mission confiée implique inévitablement la persécution : les vrais prophètes, c’est-à-dire ceux qui parlent réellement au nom de Dieu sont rarement appréciés de leur vivant. Concrètement, Isaïe dit à ses contemporains : tenez bon, le Seigneur ne vous a pas abandonnés, au contraire, vous êtes en mission pour lui. Alors ne vous étonnez pas d’être maltraités.
Pourquoi ? Parce que le Serviteur qui « écoute » réellement la Parole de Dieu, c’est-à-dire qui la met en pratique, devient vite extrêmement dérangeant. Sa propre conversion appelle les autres à la conversion. Certains entendent l’appel à leur tour… d’autres le rejettent, et, au nom de leurs bonnes raisons, persécutent le Serviteur. Et chaque matin, le Serviteur doit se ressourcer auprès de Celui qui lui permet de tout affronter. Et là, Isaïe emploie une expression un peu curieuse en français mais habituelle en hébreu : « J’ai rendu ma face dure comme pierre » : elle exprime la résolution et le courage ; en français, on dit quelquefois « avoir le visage défait », et bien ici le Serviteur affirme « vous ne me verrez pas le visage défait, rien ne m’écrasera, je tiendrai bon quoi qu’il arrive » ; ce n’est pas de l’orgueil ou de la prétention, c’est la confiance pure : parce qu’il sait bien d’où lui vient sa force.
Je disais en commençant que le prophète Isaïe parlait pour son peuple persécuté, humilié, dans son Exil à Babylone ; mais, bien sûr, quand on relit la Passion du Christ, cela saute aux yeux : le Christ répond exactement à ce portrait du serviteur de Dieu. Ecoute de la Parole, confiance inaltérable et donc certitude de la victoire, au sein même de la persécution, tout cela caractérisait Jésus au moment précis où les acclamations de la foule des Rameaux signaient et précipitaient sa perte.

PSAUME – 21 (22),2,8-9,17-20,22b-24
2 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
8 Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
9 « Il comptait sur le SEIGNEUR : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »
17 Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure ;
ils me percent les mains et les pieds,
18 je peux compter tous mes os.
19 Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
20 Mais toi, SEIGNEUR, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !
22 Tu m’as répondu !
23 Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
24 Vous qui le craignez, louez le SEIGNEUR.

DU CRI DE DETRESSE A L’ACTION DE GRACE
Ce psaume 21/22 nous réserve quelques surprises : il commence par cette fameuse phrase « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » qui a fait couler beaucoup d’encre et même de notes de musique ! L’erreur est de la sortir de son contexte, et du coup, nous sommes souvent tentés de la comprendre de travers : pour la comprendre, il faut relire ce psaume en entier. Il est assez long, trente-deux versets dont nous lisons rarement la fin : or que dit-elle ? C’est une action de grâce : « Tu m’as répondu ! Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée. » Celui qui criait « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » dans le premier verset, rend grâce quelques versets plus bas pour le salut accordé. Non seulement, il n’est pas mort, mais il remercie Dieu justement de ne pas l’avoir abandonné.
Ensuite, à première vue, on croirait vraiment que le psaume 21/22 a été écrit pour Jésus-Christ : « Ils me percent les mains et les pieds ; je peux compter tous mes os ». Il s’agit bien du supplice d’un crucifié ; et cela sous les yeux cruels et peut-être même voyeurs des bourreaux et de la foule : « Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m’entoure »… « Ces gens me voient, ils me regardent. Ils partagent entre eux mes habits, et tirent au sort mon vêtement ».
Mais, en réalité, ce psaume n’a pas été écrit pour Jésus-Christ, il a été composé au retour de l’Exil à Babylone : ce retour est comparé à la résurrection d’un condamné à mort ; car l’Exil était bien la condamnation à mort de ce peuple ; encore un peu, et il aurait été rayé de la carte !
Et donc, dans ce psaume 21/22, Israël est comparé à un condamné qui a bien failli mourir sur la croix (n’oublions pas que la croix était un supplice très courant à l’époque du retour de l’Exil), c’est pour cela qu’on prend l’exemple d’une crucifixion) : le condamné a subi les outrages, l’humiliation, les clous, l’abandon aux mains des bourreaux… et puis, miraculeusement, il en a réchappé, il n’est pas mort. Traduisez : Israël est rentré d’Exil. Et, désormais, il se laisse aller à sa joie et il la dit à tous, il la crie encore plus fort qu’il n’a crié sa détresse. Le récit de la crucifixion n’est donc pas au centre du psaume, il est là pour mettre en valeur l’action de grâce de celui (Israël) qui vient d’échapper à l’horreur.
Du sein de sa détresse, Israël n’a jamais cessé d’appeler au secours et il n’a pas douté un seul instant que Dieu l’écoutait. Son grand cri que nous connaissons bien : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » est bien un cri de détresse devant le silence de Dieu, mais ce n’est ni un cri de désespoir, ni encore moins un cri de doute. Bien au contraire ! C’est la prière de quelqu’un qui souffre, qui ose crier sa souffrance. Au passage, nous voilà éclairés sur notre propre prière quand nous sommes dans la souffrance quelle qu’elle soit : nous avons le droit de crier, la Bible nous y invite.
Ce psaume est donc en fait le chant du retour de l’Exil : Israël rend grâce. Il se souvient de la douleur passée, de l’angoisse, du silence apparent de Dieu ; il se sentait abandonné aux mains de ses ennemis … Mais il continuait à prier. Israël continuait à se rappeler l’Alliance, et tous les bienfaits de Dieu.
LE PSAUME 21 COMME UN EX-VOTO
Au fond, ce psaume est l’équivalent de nos ex-voto : au milieu d’un grand danger, on a prié et on a fait un voeu ; du genre « si j’en réchappe, j’offrirai un ex-voto à tel ou tel saint » ; (le mot « ex-voto » veut dire justement « à la suite d’un voeu ») ; une fois délivré, on tient sa promesse. C’est parfois sous forme d’un tableau qui rappelle le drame et la prière des proches.
Notre psaume 21/22 ressemble exactement à cela : il décrit bien l’horreur de l’Exil, la détresse du peuple d’Israël et de Jérusalem assiégée par Nabuchodonosor, le sentiment d’impuissance devant l’épreuve ; et ici l’épreuve, c’est la haine des hommes ; il dit la prière de supplication : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » qu’on peut traduire « Pourquoi, en vue de quoi, m’as-tu abandonné à la haine de mes ennemis ? » Et Dieu sait si le peuple d’Israël a affronté de nombreuses fois la haine des hommes. Mais ce psaume dit encore plus, tout comme nos ex-voto, l’action de grâce de celui qui reconnaît devoir à Dieu seul son salut. « Tu m’as répondu ! Et je proclame ton nom devant mes frères… Je te loue en pleine assemblée. Vous qui le craignez, louez le SEIGNEUR ! » Et les derniers versets du psaume ne sont qu’un cri de reconnaissance ; malheureusement, nous ne les chanterons pas pendant la messe de ce dimanche des Rameaux … (peut-être parce que nous sommes censés les connaître par coeur ?) : « Les pauvres mangeront, ils seront rassasiés ; ils loueront le SEIGNEUR, ceux qui le cherchent. A vous toujours, la vie et la joie ! La terre se souviendra et reviendra vers le SEIGNEUR, chaque famille de nations se prosternera devant lui… Moi, je vis pour lui, ma descendance le servira. On annoncera le Seigneur aux générations à venir. On proclamera sa justice au peuple qui va naître : Voilà son oeuvre ! »

DEUXIEME LECTURE – lettre de saint Paul aux Philippiens 2,6-11
6 Le Christ Jésus,
ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
7 Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
8 Reconnu homme à son aspect,
il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort,
et la mort de la croix.
9 C’est pourquoi Dieu l’a exalté.
Il l’a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu’au nom de Jésus
tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,
11 Et que toute langue proclame :
« Jésus-Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père.

JESUS, SERVITEUR DE DIEU
Pendant l’Exil à Babylone, au sixième siècle avant Jésus-Christ, le prophète Isaïe, de la part de Dieu bien sûr, avait assigné une mission et un titre à ses contemporains ; le titre était celui de Serviteur de Dieu. Il s’agissait, au cœur même des épreuves de l’Exil, de rester fidèles à la foi de leurs pères et d’en témoigner au milieu des païens de Babylone, fut-ce au prix des humiliations et de la persécution. Dieu seul pouvait leur donner la force d’accomplir cette mission.
Lorsque les premiers Chrétiens ont été affrontés au scandale de la croix, ils ont médité le mystère du destin de Jésus, et n’ont pas trouvé de meilleure explication que celle-là : « Jésus s’est anéanti, prenant la condition de serviteur ». Lui aussi a bravé l’opposition, les humiliations, la persécution. Lui aussi a cherché sa force auprès de son Père parce qu’il n’a jamais cessé de lui faire confiance.
Mais il était Dieu, me direz-vous. Pourquoi n’a-t-il pas recherché la gloire et les honneurs qui reviennent à Dieu ? Mais, justement, parce qu’il est Dieu, il veut sauver les hommes. Il agit donc en homme et seulement en homme pour montrer le chemin aux hommes. Paul dit : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. » C’est justement parce qu’il est de condition divine, qu’il ne revendique rien. Il sait, lui, ce qu’est l’amour gratuit… il sait bien que ce n’est pas bon de revendiquer, il ne juge
pas bon de « revendiquer » le droit d’être traité à l’égal de Dieu… Et pourtant c’est bien cela que Dieu veut nous donner ! Donner comme un cadeau. Et c’est effectivement cela qui lui a été donné en définitive.
J’ai bien dit comme un cadeau et non pas comme une récompense. Car il me semble que l’un des pièges de ce texte est la tentation que nous avons de le lire en termes de récompense ; comme si le schéma était : Jésus s’est admirablement comporté et donc il a reçu une récompense admirable ! Si j’ose parler de tentation, c’est que toute présentation du plan de Dieu en termes de calcul, de récompense, de mérite, ce que j’appelle des termes arithmétiques est contraire à la « grâce » de Dieu… La grâce, comme son nom l’indique, est gratuite ! Et, curieusement, nous avons beaucoup de mal à raisonner en termes de gratuité ; nous sommes toujours tentés de parler de mérites ; mais si Dieu attendait que nous ayons des mérites, c’est là que nous pourrions être inquiets… La merveille de l’amour de Dieu c’est qu’il n’attend pas nos mérites pour nous combler ; c’est en tout cas ce que les hommes de la Bible ont découvert grâce à la Révélation. On s’expose à des contresens si on oublie que tout est don gratuit de Dieu.
LE PROJET DE DIEU EST GRATUIT
Pour Paul, c’est une évidence que le don de Dieu est gratuit. Essayons de résumer la pensée de Paul : le projet de Dieu (son « dessein bienveillant ») c’est de nous faire entrer dans son intimité, son bonheur, son amour parfait. Ce projet est absolument gratuit, puisque c’est un projet d’amour. Ce don de Dieu, cette entrée dans sa vie divine, il nous suffit de l’accueillir avec émerveillement, tout simplement ; pas question de le mériter, c’est « cadeau » si j’ose dire. Avec Dieu, tout est cadeau. Mais nous nous excluons nous-mêmes de ce don gratuit si nous adoptons une attitude de revendication ; si nous nous conduisons à l’image de la femme du jardin d’Eden : elle prend le fruit défendu, elle s’en empare, comme un enfant « chipe » sur un étalage… Jésus-Christ, au contraire, n’a été que accueil (ce que Saint Paul appelle « obéissance »), et parce qu’il n’a été que accueil du don de Dieu et non revendication, il a été comblé. Et il nous montre le chemin, nous n’avons qu’à suivre, c’est-à-dire l’imiter.
Il reçoit le Nom qui est au-dessus de tout nom : c’est bien le Nom de Dieu justement ! Dire de Jésus qu’il est Seigneur, c’est dire qu’il est Dieu : dans l’Ancien Testament, le titre de « Seigneur » était réservé à Dieu. La génuflexion aussi, d’ailleurs : « afin qu’au Nom de Jésus, tout genou fléchisse »… C’est une allusion à une phrase du prophète Isaïe: « Devant moi tout genou fléchira, toute langue en fera le serment, dit Dieu » (Is 45,23).
Jésus a vécu sa vie d’homme dans l’humilité et la confiance, même quand le pire est arrivé, c’est-à-dire la haine des hommes et la mort. J’ai dit « confiance » ; Paul, lui, parle « d’obéissance ». « Obéir », « ob-audire » en latin, c’est littéralement « mettre son oreille (audire) « devant » (ob) la parole : c’est l’attitude du dialogue parfait, sans ombre ; c’est la totale confiance ; si on met son oreille devant la parole, c’est parce qu’on sait que cette parole n’est qu’amour, on peut l’écouter sans crainte.
L’hymne se termine par « toute langue proclame : Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père » : la gloire, c’est la manifestation, la révélation de l’amour infini ; autrement dit, en voyant le Christ porter l’amour à son paroxysme, et accepter de mourir pour nous révéler jusqu’où va l’amour de Dieu, nous pouvons dire comme le centurion « Oui, vraiment, celui-là est le Fils de Dieu »… puisque Dieu, c’est l’amour.

Commentaire de la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ selon Saint Matthieu
Chaque année, pour le dimanche des Rameaux, nous lisons le récit de la Passion dans l’un des trois Evangiles synoptiques ; cette année, c’est donc dans l’Evangile de Matthieu. Je vous propose de nous arrêter aux épisodes qui sont propres à Matthieu ; bien sûr, dans les grandes lignes, les quatre récits de la Passion sont très semblables ; mais si on regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que chacun des Evangélistes a ses accents propres.

PASSAGES PROPRES À MATTHIEU
Voici donc quelques épisodes et quelques phrases que Matthieu est seul à rapporter.
Tout d’abord, on se souvient que c’est à prix d’argent que Judas a livré Jésus aux grands prêtres juifs. Matthieu est le seul à dire la somme exacte, trente pièces d’argent : ce détail n’est pas anodin, car c’était le prix fixé par la Loi pour l’achat d’un esclave. Cela veut dire le mépris que les hommes ont manifesté envers le Seigneur de l’univers.
Plus tard, le même Judas fut pris de remords : « Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » Ils répliquèrent : « Que nous importe ? Cela te regarde ! » Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre. Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. » Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers. Voilà pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang. Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : Ils ramassèrent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix, le prix fixé par les fils d’Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné. » (Mt 27,3-10).
Au cours de la comparution de Jésus chez Pilate, Matthieu est le seul à rapporter l’intervention de la femme de Pilate : Tandis qu’il (Pilate) siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. » (Mt 27,19).
Et il est clair que le procès de Jésus mettait Pilate mal à l’aise. Un peu plus tard, Matthieu encore, raconte l’épisode du lavement des mains : « Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! » Tout le peuple répondit : « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! » Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié. » (Mt 27,24-26).
Au moment de la mort de Jésus, les trois évangélistes synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) racontent que le rideau du temple s’est déchiré du haut en bas, mais Matthieu, seul, ajoute : « la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens. » (Mt 27,51-53).
Enfin, Matthieu a noté le soin tout spécial que les autorités ont apporté à la garde du tombeau de Jésus : ils sont allés trouver Pilate pour obtenir l’autorisation de surveiller le sépulcre dans la crainte que les disciples ne viennent subtiliser le corps de Jésus pour faire croire qu’il était ressuscité. Et c’est exactement la légende qu’ils ont fait courir après la résurrection.
LA VRAIE GRANDEUR DE JESUS RECONNUE PAR DES PAIENS
Ce qui est notable ici, en définitive, c’est l’aveuglement des autorités religieuses, qui les pousse à l’acharnement contre Jésus.
Et c’est le terrible paradoxe de ce drame : à savoir que, en dehors de sa famille, et de ses quelques disciples, ceux qui auraient dû être les plus proches de Jésus, les Juifs en général, l’ont méconnu, méprisé, humilié. Et que, en revanche, ce sont les autres, les païens, qui, sans le savoir, lui ont donné ses véritables titres de noblesse. Car l’une des caractéristiques de ce texte est bien l’abondance des titres donnés à Jésus dans le récit de la Passion, qui représente quelques heures, ses dernières heures de vie terrestre. Cet homme anéanti, blessé dans son corps et dans sa dignité, honni, accusé de blasphème, ce qui est le pire des péchés pour ses compatriotes… est en même temps honoré bien involontairement par des étrangers qui lui décernent les plus hauts titres de la religion juive. A commencer par le titre de « Juste » que lui a donné la femme de Pilate. Et, quant à celui-ci, il a fait afficher sur la croix le fameux écriteau qui désigne Jésus comme « le roi des Juifs ».
Enfin, le titre de Fils de Dieu lui est d’abord décerné par pure dérision, pour l’humilier : d’abord par les passants qui font cruellement remarquer à l’agonisant le contraste entre la grandeur du titre et son impuissance définitive ; puis ce sont les chefs des prêtres, les scribes et les anciens qui le défient : si réellement il était le Fils de Dieu, il n’en serait pas là. Mais ce même titre va lui être finalement décerné par le centurion romain : et alors il résonne comme une véritable profession de foi : « Vraiment celui-ci était le Fils de Dieu ».
Or cette phrase préfigure déjà la conversion des païens, ce qui revient à dire que la mort du Christ n’est pas un échec, elle est une victoire. Le projet de salut de l’humanité tout entière est en train de se réaliser.
Alors on comprend pourquoi Matthieu accentue le contraste entre la faiblesse du condamné et la grandeur que certains païens lui reconnaissent quand même : c’est pour nous faire comprendre ce qui est à première vue impensable : à savoir que c’est dans sa faiblesse même que Jésus manifeste sa vraie grandeur, qui est celle de Dieu, c’est-à-dire de l’amour infini.