« Merci aux ainés que vous êtes »

Les 20 et 21 mars, les prêtres âgés de plus de 75 ans se sont retrouvés en session sur le thème de La fraternité : un don à accueillir, un chemin à parcourir. 

Il peut arriver qu’une équipe majoritairement féminine convoque des membres du clergé qui sont nécessairement des hommes. C’est ainsi que les prêtres âgés de plus de 75 ans ont reçu une invitation de l’équipe Veille & Entraide du diocèse de Luçon sous la signature de Marie Ribreau. Ces femmes, à tour de rôle, donnèrent la parole à divers intervenants sur le thème de La fraternité : un don à accueillir, un chemin à parcourir.

Environ 40 prêtres ainés étaient là, au centre spirituel de Chaillé-les-Marais, le 20 et 21 mars. Au début de cette rencontre chacun des participants était invité à dire quelques mots sur la manière dont il avait vécu les débuts de son ministère presbytéral, remontant jusque dans les années 50 pour les plus âgés du temps de la guerre d’Algérie, et des rappelés sous les drapeaux, la plupart arrivant alors comme vicaire dans une paroisse de Vendée. Certains étaient nommés professeurs dans une institution comme le petit séminaire, d’autres à la maison du diocèse, ou appelés à poursuivre des études en Institut Catholique ou encore à Rome. Une plongée dans nos souvenirs a mis en regard ce que nous vivons en 2023 de « soutiens et difficultés avec les prêtres d’autres générations, d’autres visées pastorales » souvent les plus jeunes, parfois des prêtres africains.

A cet effet les animatrices ont donné la parole successivement à des prêtres jeunes, porteurs d’un regard d’espérance, dans un monde agressé par les « armes de distraction massive ». « Je suis heureux d’être de mon siècle et de reproposer le Christ aujourd’hui ». Ces jeunes prêtres, français d’origine ou africains, et même vendéen d’origine pour l’un d’entre eux, disent apprécier le lien avec les ainés : « Nous avons besoin de votre bienveillance ».

Pour le deuxième jour, l’équipe Veille & Entraide avait choisi de donner la parole à Henri, Jean et Charles, à propos de leurs débuts dans le ministère presbytéral et de leur ressenti d’aujourd’hui dans ce nouveau rapport au temps, avec l’affrontement de différences culturelles à l’intérieur même de l’Eglise. On a entendu des témoignages sans langue de bois, ni langue de buis, avec cette expression « ce que j’ai cru pastoralement, est-ce que maintenant c’est fini ? » mais aussi  « L’Eglise que j’aime, je ne la reconnais plus. »

La grâce de l’âge, c’était le titre de l’intervention annoncée, avec Jean-François Berjonneau, ancien vicaire général au diocèse d’Evreux. Il a invité son auditoire à prendre conscience de ce nouveau rapport au temps, celui de l’âge de la retraite où nous rejoignons les gens de notre génération, invitation à demeurer « veilleurs » en faisant une relecture de nos parcours sous le mode de l’action de grâces, à prendre la mesure de nos fragilités nouvelles. Nous restons témoins d’une histoire avec la nouveauté du concile pour l’Eglise qui se reconnait alors comme peuple de Dieu, bien au-delà de nos rassemblements. Elle n’est que la servante du Royaume de Dieu.

Il y a une nécessité d’une mémoire collective, mais aussi de vivre des activités qui vous donnent du bonheur, d’assumer les diminutions comme configuration au Christ par l’écoute quotidienne de la Parole de Dieu. Se laisser accompagner par un frère ou une sœur où peut se dire le ressenti.

Dans ces deux journées il y eut l’alternance entre le grand groupe des 40 participants, et le partage en petits groupes, avec notamment, pour finir, ces questions audacieuses, proposées l’équipe animée par Marie Ribreau : « qu’auriez-vous à proposer pour le vécu entre vous prêtres, au conseil presbytéral, à l’évêque et son conseil épiscopal ?« 

Au retour en grand groupe qui a terminé cette journée, il a pu être dit d’abord que des groupes de partages existent déjà. Il y a une invitation à garder un regard bienveillant sur l’écart culturel entre générations, à se mettre à l’écoute de leurs différences, celles de nos frères africains arrivant d’autres traditions. Le dialogue, c’est laisser la parole de l’autre me travailler.
Des souhaits sont remontés : qu’il y ait retour de l’expression libre au conseil presbytéral. Que nos deux délégués, élus, informent, avant et après par mail et autrement les ainés qu’ils représentent. L’actualité diocésaine est arrivée dans ce groupe avec la lettre de l’évêque concernant les messes et des assemblées dominicales de prières, de même que le choix effectif, dans les nominations, d’équipes pastorales homogènes (en mettant ensemble des prêtres qui se ressemblent) au détriment d’une vision d’Eglise dans sa complémentarité.

En conclusion, le vicaire général François Bidaud a excusé l’évêque pris par d’autres engagements. Il a exprimé un merci « aux ainés que vous êtes ». Il y a ce constat lucide de conflits, suscitant des souffrances de part et d’autre quand nous sommes sommés de choisir entre classiques et progressistes. Dans la remontée du diocèse pour le synode romain, il y a d’abord ce constat de la division entre les prêtres, à l’image d’un monde et d’une société polarisée, d’une difficulté de transmission. « Cette session est une étape sur un chemin » a-t-il ajouté : « Se rapprocher, s’exprimer, s’écouter, se regarder, se reconnaitre, essayer de se comprendre, chercher des points de contact, tout cela se résume dans le verbe dialoguer » Fratelli tutti 198.

Abbé Claude Babarit