Ils témoignent de leur foi

Témoignage de Guillaume Laucoin, célibataire,

diacre permanent dans le doyenné de Challans, ordonné en 2019.

Guillaume Laucoin

Guillaume Laucoin, célibataire, diacre permanent dans le doyenné de Challans, ordonné en 2019.

Depuis un an comme diacre, qu’est-ce qui a été marquant pour vous ?

Depuis un an, il faut dire que je n’ai pas chômé ! Une dizaine de baptêmes, 3-4 mariages et autant de célébrations de sépultures…

Avant mon ordination, je croyais que ce serait ces célébrations, ces sacrements qui m’auraient le plus marqué ; c’est vrai ! J’ai à cœur de vivre et de faire vivre de belles liturgies pour qu’elles soient des occasions de rencontre avec le Christ, mais ce que j’ai découvert, c’est que pour moi, ce sont toutes les rencontres AVANT ces célébrations qui me touchent le plus. Me mêler à la vie des gens, de tout milieu, de tout âge, de toute sensibilité, avec une foi plus ou moins hésitante, me fait aimer le peuple de Dieu un peu plus en profondeur… Toutes ces personnes viennent avec une histoire, avec leurs joies et leurs peines ; ils viennent demander un sacrement et ne savent parfois même pas que c’est le Christ lui-même qui vient les chercher… Un peu comme sur le plafond de la chapelle Sixtine à Rome, j’assiste ému à ces moments où le doigt de Dieu vient toucher celui de l’homme.

Plusieurs fois aussi au cours de cette année, on m’a demandé des bénédictions (maisons, objets de piété, personnes…). Ce ministère, commun à tous les baptisés, prend un sens particulier pour moi, souvent méprisées, ces demandes de bénédiction m’ont marqué parce que souvent, elles mettent à nu, me semble-t-il, le cœur de l’homme. Elles montrent la toute confiance que ces personnes mettent dans le Christ et pour ma part m’aident à ne pas tomber dans ce que j’appellerais un « orgueil de la foi » qui consisterait à bien définir ce qu’est la foi ! Pour un prof comme moi, c’est toujours une tentation de vouloir « enfermer » Dieu dans nos propres cases. Et puis, quoi de plus beau qu’une bénédiction ? C’est simplement de demander à Dieu de « dire du bien » de ce qui fait notre vie !

Comment et auprès de qui exercez-vous votre ministère ?

Le diacre est le ministre du service (rappelons-nous que le mot diacre vient du grec « diakonos » qui signifie « serviteur ».). Pour moi, de par ma profession d’enseignant, je suis principalement tourné vers les jeunes. J’essaie ainsi, avec l’aide de Dieu, de faire vivre la belle parole de saint Irénée de Lyon « La gloire de Dieu, c’est l’homme debout ». Les jeunes sont dans une période de transition ; s’ils ambitionnent de devenir adulte, dans leur vie de tous les jours comme dans leur foi, ils ne le sont pas encore complètement. A moi alors de les aider à grandir, à se ternir debout pour reprendre cette phrase de saint Irénée.

Concrètement, cela consiste à d’abord beaucoup les écouter et leur faire confiance. J’essaie aussi (ce qui n’est pas toujours facile !) de connaître ce qu’ils aiment afin de les rejoindre là où ils sont ! Et puis, parfois, quand la situation s’y prête, Dieu fait son apparition (si j’ose dire !), discrètement, sans violence… J’essaie ainsi de rester fidèle à cette oraison que nous prions dans la prière des heures : « Tu as voulu, Seigneur, que la puissance de l’Évangile travaille le monde à la manière d’un ferment ; veille sur tous ceux qui ont à répondre à leur vocation chrétienne au milieu des occupations de ce monde : qu’ils cherchent toujours l’Esprit du Christ, pour qu’en accomplissant leurs taches d’hommes, ils travaillent à l’avènement de ton règne. » (Oraison des Laudes du mercredi de la semaine II)

Mon ministère diaconal se déploie aussi dans ma famille. De tradition chrétienne, mais plus ou moins pratiquante, nous avançons ensemble sur un chemin de foi où, là aussi, Dieu vient nous rejoindre. Depuis un an, leurs demandes de prières se sont faites plus fréquentes. Leur rapport à l’Eglise aussi s’est apaisé et a progressé dans l’amour. Dernièrement, une de mes sœurs m’a demandé de lui peindre une petite icône de la Vierge (je suis un vrai néophyte dans le milieu, mais un ami de ma paroisse m’initie peu à peu à l’écriture d’icônes sur verre suivant la tradition roumaine !). Cela m’a beaucoup touché.

Comment voyez-vous le rôle du diacre au sein de l’Eglise dans cette période post confinement ?

Avant même de parler du post-confinement, laissez-moi vous partager mes sentiments pendant le confinement. Cette période n’a pas été très facile à vivre pour moi en tant que diacre, notamment au début. Je me suis senti inutile…Confiné chez moi, je voyais tous les manques s’exprimer sur mon écran d’ordinateur sans pouvoir rien faire… Je savais ma grand-mère de 95 ans, enfermée (ce sont ses mots !) dans un EHPAD, sans aucun accès aux sacrements, alors que ces derniers sont pour elle vitaux… Pour moi-même, je n’ai jamais vécu une période aussi longue sans aller à la messe… J’aurais sincèrement voulu me rendre plus présent physiquement auprès de tous ces gens…

Après cette période de confinement, de nombreux défis se présentent à l’Eglise. D’abord, me semble-t-il, le défi de la présence ! Le diacre n’est pas prêtre, mais son ministère de service doit l’amener à plus de présence auprès de tous ceux qui souffrent et ils sont/seront nombreux… Je pense à tous ceux qui ont perdu un être cher pendant le confinement et n’ont pu dire au-revoir à leurs proches comme ils le souhaitaient. Je pense à tous ceux qui ont ressenti l’isolement pendant le confinement. Je pense à tous ceux qui portent encore des angoisses créées par cette période anxiogène. Je pense à tous ceux qui ont désormais oublié le chemin de l’église (l’Eglise !), se contentant de « la messe à la télé » !

Le diacre aura sans doute aussi un rôle à jouer dans cet avenir économique morose que l’on nous annonce… Il y a un vrai risque de précarisation de nos sociétés. Le diacre devra être là pour accompagner tous ceux qui seront, de près ou de loin, marqués par le chômage… L’Eglise (et par là-même, ses diacres !) a une voix à faire entendre sur la reconstruction économique de ce « monde d’après » !

Enfin, le diacre aura sans doute un rôle de communion à jouer entre les différents acteurs de l’Eglise. Le confinement a eu un rôle de prisme dans nos manières de voir l’Eglise ; nous n’avons pas tous la même vision il faut se l’avouer. On le savait déjà sans doute, mais le confinement a rendu ces différences plus évidentes, plus claires, plus visibles… S’il ne s’agit pas d’opposer ou de valider l’une ou l’autre de ces visions, le diacre a pour mission de construire des « ponts » entre celles-ci afin que tous, nous puissions répondre à notre vocation baptismale première, à savoir faire connaitre et aimer le Christ.

Catholiques en Vendée n°186 – Juin 2020