TEMOIGNAGE D’UN PRÊTRE ÉTRANGER

Suite à l’encyclique Fidei donum (Don de la foi) du pape Pie XII, publié en 1957, les diocèses africains mettent leurs prêtres à la disposition des diocèses qui sont dans le besoin, dont la région de Vendée. C’est dans ce cadre des accords entre les deux évêques que je suis en mission pastorale dans le diocèse de Luçon depuis septembre 2017.

Invité par l’abbé Michel FOURNIER à donner le témoignage sur ma pastorale de la réalité des « Prêtres venus d’ailleurs », je suis heureux de vous apporter ma modeste contribution sous forme de témoignage. Ce dernier essaie de répondre aux différentes questions que beaucoup se posent, sur les « prêtres étrangers en mission », pour ne pas dire comme certaines personnes « les prêtres venus d’ailleurs ». Y a-t-il eu du décalage entre l’image que je me faisais de l’église de France avant d’arriver ici avec la réalité ? Y a-t-il eu une déception ou une adaptation à la nouvelle culture ? Quels sont mes doutes, mes joies, mes peines, ma relation avec les paroissiens après mes deux nominations sur le diocèse de Luçon ? 

Mon témoignage ne consiste pas à faire un exposé académique sur ce que vous connaissez déjà de ces prêtres Fidei Donum : de leur statut, encore moins de l’historique sur cette réalité missionnaire toujours actuelle en France, et dans l’Eglise universelle. Tout simplement, en tant que prêtre venant du Rwanda, pays des mille collines, de l’Afrique centrale, quels sont mes constats ? Après deux ans d’activités pastorales sur les paroisses Notre-Dame du Marillet (La Chaize le Vicomte) et Saint Sauveur de Belle Croix (Saint-Florent des Bois), j’ai été nommé par Monseigneur François JACOLIN, comme prêtre coopérateur sur les paroisses Saint Pierre et Paul des Herbiers et Saint Jean-Baptiste des Collines (Les Epesses). De plus, les trois ans passés dans la région parisienne pour mes études à l’Institut Catholique de Paris (ICP), mon témoignage s’étend sur ces deux régions vendéennes un peu différentes, le sud-Vendée et le bocage.

Du point de vue pastoral : j’ai découvert et continue de découvrir une autre façon de travailler avec les fidèles en paroisse. Ici en France, le prêtre est un pasteur au milieu de son peuple. Pas un chef qui décide de tout par lui-même, comme on en trouve dans certaines églises africaines.

Le soutien des bénévoles en paroisse : ceci est un constat très positif. Surtout ici, dans le bocage vendéen, où j’apprécie l’engagement des laïcs dans la vie pastorale de l’église. Ces laïcs occupent une place très importante ; ils sont engagés bénévolement dans les groupes de préparation pour le mariage, le baptême, l’accueil et la conduite de sépulture, dans le Service Evangélique aux Malades (SEM), les équipes liturgiques, le Secours catholique, les équipes de fleurissement de l’église, etc. Je tiens à préciser que ces différents groupes fonctionnent de façon différente selon les paroisses. Comme pasteur sur les deux paroisses ci-haut citées, je le constate rapidement. L’engagement sur les Herbiers est très différent de celui de la paroisse Saint Jean-Baptiste des Collines. En tant que prêtre étranger, en mission parmi les prêtres natifs d’ici, je dirais même que nous ne pouvons rien faire sans l’appui de ces laïcs bénévoles. C’est parmi eux que nous nous faisons nos premiers amis.

La délicate intégration des prêtres « venus d’ailleurs » : C’est vrai que chaque personne arrivée dans un pays étranger éprouve beaucoup de difficultés même dans un pays frontalier. Imaginez combien des difficultés rencontre-t-il, une fois arrivé sur un autre continent ! Je dois reconnaître que nous nous heurtons à beaucoup de défis, et qu’il nous faut faire un ajustement petit à petit. Par exemple, au-delà des différences culinaires et vestimentaires, il y a la surprise de trouver un contexte social et culturel radicalement différent de ce que nous imaginions avant notre arrivée. Depuis mon arrivée en France, surtout dans la région parisienne, à la paroisse Saint-Pierre du Gros Caillou, dans le 7ème arrondissement, j’ai appris à vivre comme un Français : je dois essayer de m’habiller comme eux, m’efforcer de parler comme eux en imitant leur accent, m’adapter à leur alimentation, et m’acclimater au froid ainsi qu’à la neige. Il faut aussi apprendre à s’occuper de travaux ménagers, choses auxquelles nous ne sommes pas forcément habitués chez nous. J’avoue que ce que nous entendions de la France depuis l’Afrique est bien différent de la réalité !

 

Au moment où beaucoup de nos confrères prêtres ’’venus d’ailleurs’’ se disent frappés par la solitude, cela ne m’est pas arrivé jusqu’à présent. Bien sûr, la nostalgie du pays ne manque pas, mais je dois admettre que je suis bien accueilli et reconnu comme membre de la société avec des amis, voire même ceux que je considère comme la famille. À mon avis, l’accueil dépend en grande partie de l’accueilli. Néanmoins, j’ai pu observer cette solitude parfois, chez nos paroissiens, surtout chez les personnes plus âgées vivant seules, ou dans des maisons de retraite. Alors qu’en Afrique, la famille est toujours autour des parents. Jusqu’à présent, on vit et on termine la vie dans la famille. 

Quant aux différences de la célébration liturgique, nous éprouvons parfois le caractère ‘’triste’’ des assemblées dominicales car, selon mon point de vue, elles manquent de dynamisme. Bien sûr, chaque pays a une culture propre, ici ce n’est pas mal animé (« comme à la façon africaine ») mais les cérémonies sont pour la plupart très classiques. Cependant, les plus jeunes avouent qu’il leur manque de l’animation à leur goût, et ils ne viennent pas nombreux aux célébrations.

Une autre grande réalité à souligner, c’est la mission très difficile dans une ‘’église liquide ou fluide’’ comme le décrit Arnaud JOIN-LAMBERT. Une société occidentale très flexible, très précaire, individualiste, instable, avec une grande fragilisation de l’individu, sans le soutien traditionnel… Une société avec hyper-accélération, société poste-moderne, avec un rythme de croisière en tout, où on n’a pas le temps de se poser, où on est toujours à la course contre la montre. Par exemple, il ne faut pas prêcher longuement, même les cérémonies de baptême et de mariage sont réduites à leur strict minimum et ne doivent pas excéder 30-45 minutes, contrairement à ce qui se passe en Afrique.

En guise de conclusion, Je prie pour que, avec la foi et l’espérance, le Seigneur continue à susciter encore des vocations de prêtres en France et en dehors de la France, pour son service et celui de l’humanité tout entière. « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création ». (Mc 16,15). Nous espérons, avec l’intercession de Notre-Dame de Lourdes et par l’enthousiasme et le zèle des prêtres Fidei Donum en France, que l’Église universelle continue d’annoncer toujours et partout dans le monde la Bonne Nouvelle à une « multitude des croyants ».

Abbé Janvier DUSABIMANA

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