Commentaires du dimanche 11 juin

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 11 juin 2023
Solennité du Corps et du Sang du Christ

1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile

PREMIERE LECTURE – Deutéronome 8,2-3.14b-16a
Moïse disait au peuple d’Israël :
2 « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite
pendant quarante années dans le désert ;
le SEIGNEUR ton Dieu te l’a imposée
pour te faire passer par la pauvreté ;
il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur :
allais-tu garder ses commandements, oui ou non ?
3 Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim,
et il t’a donné à manger la manne
– cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue –
pour que tu saches que l’homme
ne vit pas seulement de pain,
mais de tout ce qui vient de la bouche du SEIGNEUR.
14 N’oublie pas le SEIGNEUR ton Dieu
qui t’a fait sortir du pays d’Égypte,
de la maison d’esclavage.
15 C’est lui qui t’a fait traverser ce désert,
vaste et terrifiant,
pays des serpents brûlants et des scorpions,
pays de la sécheresse et de la soif.
C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau
de la roche la plus dure.
16 C’est lui qui, dans le désert, t’a donné la manne
– cette nourriture inconnue de tes pères. »

SOUVIENS-TOI DE LA LONGUE MARCHE
« Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert » … il s’agit de l’Exode, bien sûr. Moïse rappelle ici toutes les épreuves de cette longue traversée et de la vie au désert : « la pauvreté… la faim… le désert lui-même vaste et terrifiant, inhospitalier, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif ». Ailleurs, dans ce même livre du Deutéronome, Moïse décrit le désert comme « les solitudes remplies de hurlements sauvages » (Dt 32,10).
Mais il ne rappelle pas les épreuves pour elles-mêmes : ce qu’il rappelle ici, c’est la sollicitude de Dieu pour son peuple au coeur même de ces épreuves. Plus que tout le reste, l’expérience la plus marquante du désert, c’est l’Alliance conclue au Sinaï. Et cette Alliance a été vécue au jour le jour dans des événements extrêmement concrets.
Dieu avait promis d’être auprès de son peuple et c’est ce qu’il a accompli au long des jours, permettant ainsi à son peuple de surmonter toutes ces difficultés : « Il t’a donné à manger la manne, cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue », « c’est lui qui t’a fait traverser ce désert… c’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure »… On reconnaît là au passage, tous les épisodes de la traversée du Sinaï, racontés par le livre de l’Exode et par celui des Nombres. Et tout cela, on sait que c’était le prix à payer pour la liberté.
Mais le plus curieux, ici, c’est que Moïse présente ces épreuves comme un temps d’apprentissage imposé par Dieu : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le SEIGNEUR ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le coeur… »
Ces épreuves sont un lieu de vérité, et doublement : vérité de notre pauvreté et vérité de la sollicitude constante de Dieu. Sans ces interventions répétées de Dieu, le peuple serait mort à petit feu : mort de faim d’abord, et de soif ; et ceux qui ne seraient pas morts de faim ou de soif auraient succombé aux morsures des serpents et des scorpions… mais Dieu était là. Il était chaque fois intervenu ; et notre texte insiste bien sur le caractère miraculeux de chacune de ces interventions : la manne est une nourriture inconnue jusque-là « Le SEIGNEUR t’a donné à manger la manne, cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue » ; quant à l’eau « C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure »… « C’est lui qui t’a fait traverser, (sous-entendu sain et sauf), ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif ».
Et tout cela, donc, était une pédagogie de Dieu : un autre verset de ce même chapitre dit « Tu reconnais, à la réflexion, que le SEIGNEUR ton Dieu faisait ton éducation comme un homme fait celle de son fils » (Dt 8,5). Et le même livre du Deutéronome dit encore : « Le SEIGNEUR ton Dieu t’a porté, comme un homme porte son fils, tout au long de la route. » (Dt 1,31). Toute cette pédagogie avait un seul but : il fallait qu’on acquière le réflexe de dire « C’est Lui » : « N’oublie pas le SEIGNEUR ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage ».
LE SEIGNEUR FAISAIT TON EDUCATION
Mais pourquoi tout cet apprentissage ? Pour le bénéfice de qui ? Dieu a-t-il besoin de nos remerciements ? Serait-il comme ces bienfaiteurs qui attendent une reconnaissance éternelle ?
Non, bien sûr ; penser une chose pareille, ce serait encore une fois nous fabriquer un dieu à notre image ; en réalité, si Dieu veut que nous reconnaissions notre dépendance à son égard, c’est qu’elle est vitale pour nous. Le livre de la Genèse dit de manière imagée que nous sommes suspendus à son souffle ; le livre du Deutéronome le dit à sa manière : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du SEIGNEUR » : son Souffle, sa Parole …
Dieu veut son peuple libre ; il ne veut donc pas faire de nous ses esclaves ; mais reconnaître notre dépendance à son égard est le seul moyen de ne pas devenir esclaves de quelqu’un d’autre. Or on sait que ce texte, comme tout le livre du Deutéronome, n’est pas de Moïse ; il a été écrit bien longtemps après lui : à une époque justement où l’on peut craindre que, peu à peu, le peuple élu ne tombe dans l’amnésie. Installés en Canaan, on ne risque plus la faim, la soif, ni tous les dangers du désert, serpents et autres scorpions… mais il faut résister à un nouveau danger, autrement sérieux : l’idolâtrie des Cananéens. Contre cette contamination, un seul vaccin, la fidélité du peuple à l’Alliance, c’est-à-dire très concrètement l’obéissance aux commandements.
Visiblement, c’est là l’enjeu : pour commencer, notre texte le dit clairement : « Le SEIGNEUR voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le coeur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? » Et d’autre part, le verset qui précède tout juste ceux que nous avons lus aujourd’hui, dit : « Tous les commandements que je vous prescris aujourd’hui, vous veillerez à les mettre en pratique, afin que vous viviez, deveniez de plus en plus nombreux et entriez en possession du pays que le SEIGNEUR a juré de donner à vos pères »…
« Il t’a fait passer par la pauvreté » : rappel salutaire au moment où on risque d’être trop bien installé et de reléguer au musée des antiquités les commandements de l’Alliance…
D’autre part, la reconnaissance de notre pauvreté fondamentale est le préalable à toute rencontre de Dieu en vérité : quand nous nous abandonnons à son action, alors il peut nous combler. Si nous cessons de croire que nous avons des forces par nous-mêmes, alors nous découvrons des forces insoupçonnées, qui sont les siennes. L’Esprit Saint nous a été donné pour cela. Et la fête du Corps et du Sang du Christ nous rappelle que Jésus nous propose beaucoup mieux, c’est d’habiter en nous.
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Complément
La mémoire d’un peuple (ou d’une communauté, ou d’un couple), c’est un peu comme les racines d’un arbre : aujourd’hui, on voit l’arbre, on ne voit pas ses racines… n’empêche qu’il ne vit que grâce à elles, il leur doit tout en quelque sorte. Imaginez un arbre qui dirait « je me sépare de mes racines », elles m’empêchent de me déplacer, pire, elles m’empêchent de voler… on devine la suite, c’est la mort de l’arbre. Au vrai sens du terme, l’avenir de l’arbre est dans ses racines.
Quand Moïse dit à son peuple « Souviens-toi » ou « n’oublie pas », c’est comme s’il lui disait « ne te coupe pas de tes racines », « ton avenir est dans ta fidélité à tes racines ». Moïse ne se retourne pas vers le passé par sentiment ; mais c’est parce qu’il est tout entier tourné vers l’avenir qu’il se préoccupe de la fidélité aux racines. Il dit quelque chose comme ‘Si tu veux être encore debout demain, n’oublie pas aujourd’hui, ce que tu es et grâce à qui tu l’es’.
De siècle en siècle, Israël s’est construit en restant fidèle à ses racines ; Jésus, à son tour, pour résister au tentateur, a repris simplement les mots du Deutéronome : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur » (Mt 4,4).

Psaume 147 (147 B)
12 Glorifie le SEIGNEUR, Jérusalem !
Célèbre ton Dieu, ô Sion !
13 Il a consolidé les barres de tes portes,
dans tes murs il a béni tes enfants.
14 Il fait régner la paix à tes frontières
et d’un pain de froment te rassasie.
15 Il envoie sa parole sur la terre :
rapide, son verbe la parcourt.
19 Il révèle sa parole à Jacob,
ses volontés et ses lois à Israël.
20 Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ;
nul autre n’a connu ses volontés.

DANS LA JOIE DU RETOUR DE L’EXIL
« Glorifie le SEIGNEUR, Jérusalem ! Célèbre ton Dieu, ô Sion ! » Il faut entendre ce parallélisme : Sion et Jérusalem, c’est la même chose. Et, d’ailleurs, quand on parle de Sion ou de Jérusalem, ici, plutôt que de la ville, il s’agit des habitants, c’est-à-dire du peuple d’Israël, en définitive.
Je reviens à cette phrase : « Glorifie le SEIGNEUR, Jérusalem ! » On peut la dater facilement : nous sommes au retour de l’exil à Babylone, donc à la fin du sixième siècle ; il a fallu reconstruire la ville et redresser le Temple. Sans l’aide de Dieu rien de tout cela n’aurait été possible : « Il a consolidé les barres des portes de Jérusalem ».
Dans le psaume précédent, Dieu est appelé le « bâtisseur de Jérusalem » et le « rassembleur des dispersés d’Israël » (Ps 146/147 A,2). Mais ce n’est pas seulement un travail d’architecte que Dieu a fait : ce retour au pays est une véritable restauration du peuple, une vie nouvelle va commencer ; une vie dans la paix et la sécurité : « Il fait régner la paix à tes frontières et d’un pain de froment te rassasie. » En Exil, on a mangé le pain des larmes, le pain d’amertume ; le retour au pays, c’est le temps de l’abondance, le pain de froment qui rassasie.
Le deuxième accent très fort de ce psaume, c’est la conscience aiguë du privilège que représente l’élection d’Israël : « Pas un peuple qu’il ait ainsi traité, nul autre n’a connu ses volontés ».
Voici ce qu’en dit le livre du Deutéronome : « Tu es un peuple consacré au SEIGNEUR ton Dieu : c’est toi qu’il a choisi pour être son peuple, son domaine particulier parmi tous les peuples de la terre… C’est uniquement à tes pères que le SEIGNEUR ton Dieu s’est attaché par amour. Après eux, entre tous les peuples, c’est leur descendance qu’il a choisie, ce qu’il fait encore aujourd’hui avec vous » (Dt 7,6 ; 10,15). Il s’agit d’un choix libre et inexpliqué de Dieu, un choix dont on ne cesse de s’émerveiller et de rendre grâce.
Voici un autre passage du livre du Deutéronome : « Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants – comme tu as vu le SEIGNEUR ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? Il t’a été donné de voir tout cela pour que tu saches que c’est le SEIGNEUR qui est Dieu, il n’y en a pas d’autre. Du haut du ciel, il t’a fait entendre sa voix pour t’instruire ; sur la terre, il t’a fait voir son feu impressionnant, et tu as entendu ce qu’il te disait du milieu du feu. » (Dt 4,32-36).
IL RÉVÈLE SA PAROLE À JACOB, SES VOLONTÉS ET SES LOIS À ISRAËL
A vues humaines, ce choix ne s’explique pas ; la seule explication que Moïse ait trouvée est celle-ci : « Parce qu’il a aimé tes pères et qu’il a choisi leur descendance, en personne il t’a fait sortir d’Égypte. » (Dt 4,37). C’est donc tout simplement une histoire d’amour, il n’y a pas d’autre explication. Et tout l’Ancien Testament déroule cette histoire d’amour bien étonnante entre un tout petit peuple souvent infidèle et le Dieu de l’univers qui, pour autant, ne l’abandonne jamais.
Si le peuple élu est heureux et fier de ce choix de Dieu, il sait qu’il n’y a pas là matière à s’enorgueillir : Moïse leur disait : « Si le SEIGNEUR s’est attaché à vous, s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. C’est par amour. » (Dt 7,7).
À l’origine, dans la pensée d’Israël, la conscience de vivre une Alliance avec le Dieu du Sinaï n’excluait pas que d’autres peuples aient leurs propres dieux protecteurs. Israël n’était pas encore monothéiste : il était « monolâtre » (on dit également « hénothéiste ») c’est-à-dire qu’il ne rendait de culte qu’à un seul Dieu, le Dieu du Sinaï, celui qui l’avait libéré d’Égypte. Il ne devint réellement « monothéiste » que pendant l’Exil à Babylone (au sixième siècle avant notre ère). Ce fut alors un nouveau saut dans la foi, la découverte de l’universalisme : si Dieu était le Dieu unique, alors, il était également celui de tous les peuples.
L’élection d’Israël n’était pas dénoncée pour autant et l’on trouve sous la plume du prophète Isaïe des phrases magnifiques en ce sens : « Toi, Israël, mon serviteur, Jacob que j’ai choisi, descendance d’Abraham mon ami : aux extrémités de la terre je t’ai saisi, du bout du monde je t’ai appelé ; je t’ai dit : Tu es mon serviteur, je t’ai choisi, je ne t’ai pas rejeté. Ne crains pas : je suis avec toi ; ne sois pas troublé : je suis ton Dieu. Je t’affermis ; oui, je t’aide, je te soutiens de ma main victorieuse. » (Is 41,8-10). C’est le même Isaïe qui sut faire comprendre à ses contemporains que leur élection prenait désormais un autre visage, celui d’une vocation au service des autres peuples : être auprès d’eux le témoin de Dieu. C’est le sens, entre autres des quatre textes que l’on appelle « Les Chants du Serviteur », dont je retiens cette phrase : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » (Is 49,6).

DEUXIEME LECTURE – Première lettre de Paul aux Corinthiens 10,16-17
Frères,
16 La coupe de bénédiction que nous bénissons,
n’est-elle pas communion au sang du Christ ?
Le pain que nous rompons,
n’est-il pas communion au corps du Christ ?
17 Puisqu’il y a un seul pain,
la multitude que nous sommes est un seul corps,
car nous avons tous part à un seul pain.

ENTRER EN COMMUNION AVEC LE DIEU VIVANT
Dans la lettre de Paul aux Corinthiens, le passage que nous venons de lire est encadré par une double recommandation dont il faut entendre toute la gravité ; cela commence par « Mes bien-aimés, fuyez le culte des idoles » (verset 14) et, à la fin du passage : « voulons-nous provoquer l’ardeur jalouse du Seigneur ? » (verset 22), ce qui veut dire exactement la même chose ; quand la Bible parle de la jalousie du Seigneur, c’est toujours pour mettre en garde contre l’idolâtrie.
Ici, Paul vise un problème bien précis, et notre passage d’aujourd’hui ne peut pas se comprendre hors de ce contexte : dans la religion chrétienne, on ne pratique pas de sacrifices d’animaux ; mais la religion juive en pratiquait et elle n’était pas la seule, les autres religions en faisaient autant ; et dans toutes les religions, que ce soit la religion juive ou une autre, le sacrifice était souvent suivi d’un repas qui avait lieu dans le temple même et au cours duquel on mangeait l’animal sacrifié, dans l’intention d’entrer en communion avec la divinité.
Et donc, parmi les Corinthiens fraîchement convertis au Christianisme, il y avait des gens qui, jusqu’à leur conversion, avaient participé aux sacrifices d’animaux de la religion grecque et aux repas qui suivaient ces cérémonies. Il semble bien, d’après le contexte de notre lettre, que certains d’entre eux avaient encore la tentation de continuer à participer à ces repas dans les temples des idoles ; là Paul est très ferme, il faut choisir : ou entrer en communion avec le Dieu vivant ou rechercher une autre communion. Il n’est pas question, dit-il, de participer à la fois à la table du Seigneur et à celle des idoles.
Une autre question, plus difficile, se posait : les surplus de viande des animaux sacrifiés dans les temples des idoles étaient vendus en boucherie ; un Chrétien pouvait-il en acheter et en consommer sans se faire complice de l’idolâtrie ? Cette question a empoisonné les débuts de l’Eglise, elle prend une grande place dans les Actes des Apôtres (chapitre 15), dans la lettre de Paul aux Romains (chapitres 14 et 15) et dans cette lettre aux Corinthiens (chapitres 8 à 10).
Pour certains, les choses étaient claires : puisque les idoles n’existent pas, on peut bien acheter au marché et manger dans nos maisons la viande des sacrifices, c’est de la viande tout simplement ; Paul n’y voit pas d’inconvénient à condition que l’on ne risque pas de scandaliser des Chrétiens plus scrupuleux ou des non-Chrétiens qui seraient surpris de voir les Chrétiens se rendre complices de l’idolâtrie. Son raisonnement s’appuie toujours sur le même fondement : l’Eucharistie nous fait entrer en communion avec le Dieu de Jésus-Christ.
On comprend mieux du coup pourquoi Paul insiste sur le sens du repas de la liturgie chrétienne : « La coupe de bénédiction que nous bénissons est communion au sang du Christ ; le pain que nous rompons est communion au corps du Christ. » Le mot que Paul emploie, « koinônia » en grec, évoque un lien d’intimité, d’appartenance, une solidarité profonde.
LA LITURGIE, LIEU D’ACCOMPLISSEMENT DE L’ALLIANCE
Le Christ l’a dit en d’autres termes en employant le mot « Alliance » : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous » (Luc 22,20). L’alliance au sens biblique, c’est bien une appartenance réciproque, un engagement mutuel : la grande formule de l’alliance c’était : « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu. »
En Jésus, c’est Dieu qui accomplit son Alliance avec l’humanité ; mais en Jésus aussi, c’est l’humanité qui accueille ce projet de Dieu et y répond ; il est celui qui entretient avec Dieu le dialogue sans ombre proposé à Adam, c’est-à-dire à l’humanité tout entière. C’est tout le mystère de Jésus à la fois homme et Dieu : en Lui, Dieu propose son amour, en lui, l’humanité répond par l’action de grâce. En Lui Dieu parle, se révèle (il est le Verbe, la Parole du Père) ; en Lui l’humanité répond à la Parole. En Lui, Dieu se donne ; en Lui l’humanité accueille le don de Dieu. Vous avez reconnu là le schéma de toute célébration liturgique qui est justement le lieu de l’accomplissement de l’alliance. Et la Prière Eucharistique se conclut par cette phrase magnifique : « Par Lui, avec Lui et en Lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint Esprit tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. Amen. »
Ce qui fut la grande découverte d’Israël (le Dieu tout-autre se fait le tout proche) est vrai au plus haut point dans l’Eucharistie : elle demeure pour nous le mystère du Dieu tout-autre et en même temps elle nous fait participer à son intimité, à sa vie divine : ce n’est pas l’homme qui atteint Dieu, c’est Dieu qui se fait proche.
L’Eucharistie est donc repas de communion comme toutes les religions en connaissaient, mais c’est le sacrifice lui-même qui a changé : le sacrifice que Dieu attend, ce n’est pas l’égorgement d’un animal, c’est le don de nos vies. Comme le disait déjà le psaume 39/40, « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu ne voulais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit voici je viens. » C’est ce qu’a fait le Christ. Sa vie tout entière a été offerte et mise au service de ses frères. Et quand nous participons au repas de communion de l’Eucharistie, nous unissons nos vies à la sienne pour les offrir au Père.
Cela va très loin : Paul ose dire que nous faisons partie du même corps que le Christ « Le pain que nous rompons est communion au corps du Christ. » Et si nous faisons réellement un seul corps avec lui, il nous rend capables de mener désormais la même vie que lui. Quand Saint Augustin dit à ceux qui communient « Devenez ce que vous recevez, recevez ce que vous êtes », il dit bien que nous devenons corps et sang de Jésus-Christ, c’est-à-dire à notre tour, vies offertes pour la naissance de l’humanité nouvelle.
Car effectivement, quand nous participons à l’Eucharistie, nous ne sommes pas seuls concernés : Jésus a bien dit qu’il donnait sa vie pour la multitude, et quand il se donne en nourriture, c’est bien aussi en vue de la multitude. Et c’est bien à la multitude que nous sommes envoyés. « Oui, vraiment, il est grand le mystère de la foi ! »

EVANGILE – selon Saint Jean 6,51-58
En ce temps-là,
Jésus disait aux foules des Juifs :
51 « Moi, je suis le pain vivant,
qui est descendu du ciel :
si quelqu’un mange de ce pain,
il vivra éternellement.
Le pain que je donnerai, c’est ma chair,
donnée pour la vie du monde. »
52 Les Juifs se querellaient entre eux :
« Comment celui-là
peut-il nous donner sa chair à manger ? »
53 Jésus leur dit alors :
« Amen, amen, je vous le dis :
si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme,
et si vous ne buvez pas son sang,
vous n’avez pas la vie en vous.
54 Celui qui mange ma chair et boit mon sang
a la vie éternelle ;
et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
55 En effet, ma chair est la vraie nourriture,
et mon sang est la vraie boisson.
56 Celui qui mange ma chair et boit mon sang
demeure en moi,
et moi, je demeure en lui.
57 De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé,
et que moi je vis par le Père,
de même celui qui me mange,
lui aussi vivra par moi.
58 Tel est le pain qui est descendu du ciel :
il n’est pas comme celui que les pères ont mangé.
Eux, ils sont morts ;
celui qui mange ce pain
vivra éternellement. »

QUI MANGE MA CHAIR ET BOIT MON SANG DEMEURE EN MOI, ET MOI EN LUI.
A la suite de ce discours, des quantités de gens ont cessé de suivre Jésus : ce qu’il disait était inacceptable ; alors il s’est retourné vers les Douze et il leur a demandé : « Et vous, ne voulez-vous pas partir ? » C’est là que Pierre a répondu « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ».
Voilà le paradoxe de la foi : ces paroles sont humainement incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Il nous faut suivre le chemin de Pierre : vivre de ces paroles, les laisser nous nourrir et nous pénétrer, sans prétendre les expliquer. Il y a là déjà une grande leçon : ce n’est pas dans les livres qu’il faut chercher l’explication de l’Eucharistie ; mieux vaut y participer, laisser le Christ nous entraîner dans son mystère de vie.
Le mot qui revient le plus souvent dans ce texte, c’est la vie : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, (c’est-à-dire ma vie) donnée pour la vie du monde. » La lettre aux Hébreux le dit bien : « En entrant dans le monde, le Christ dit : Voici je suis venu faire ta volonté » et la volonté de Dieu, on le sait, c’est que le monde ait la vie. Une vie qui est cadeau : « le pain que je donnerai » ; tout est cadeau. Isaïe l’avait déjà annoncé : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer. Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez-moi bien, et vous mangerez de bonnes choses, vous vous régalerez de viandes savoureuses ! Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez. » (Is 55,1-3).
Et ce qui nous fait vivre, c’est le don de la vie du Christ, ce que nous appelons son sacrifice ; mais il ne faut pas nous méprendre sur le sens du mot « sacrifice ». Tout au long de l’histoire biblique, on a assisté à une transformation, une véritable conversion de la notion de sacrifice ; on peut déceler plusieurs étapes dans cette pédagogie qui a pris des siècles.
Au début de l’histoire biblique, le peuple hébreu pratiquait, comme beaucoup d’autres peuples, des sacrifices sanglants, d’humains et d’animaux. Spontanément, pour s’approcher de Dieu, pour entrer en communion avec Lui (c’est le sens du mot « sacrifier » – « sacrum facere »- faire du sacré), on croyait devoir tuer. Au fond pour entrer dans le monde du Dieu de la vie, on lui rendait ce qui lui appartient, la vie, donc on tuait.
DES SACRIFICES, SIGNES D’ALLIANCE, AU SACRIFICE VERITABLE
La première étape de la pédagogie biblique a été l’interdiction formelle des sacrifices humains ; et ce dès la première rencontre entre Dieu et le peuple qu’il s’est choisi ; puisque c’est à Abraham que cette interdiction a été faite « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! » (Gn 22,12). Et depuis Abraham, cette interdiction ne s’est jamais démentie ; chaque fois qu’il l’a fallu, les prophètes l’ont rappelée en disant que les sacrifices humains sont une abomination aux yeux de Dieu. Et déjà, dès le temps d’Abraham, la Bible ouvre des horizons nouveaux (avec le sacrifice de Melchisédek) en présentant comme un modèle de sacrifice au Dieu très-haut une simple offrande de pain et de vin (Gn 14,18). On a pourtant continué quand même à pratiquer des sacrifices sanglants pendant encore des siècles. Dieu use de patience envers nous ; comme dit Pierre, « Pour lui, mille ans sont comme un seul jour » (2 P 3,8).
La deuxième étape, c’est Moïse qui l’a fait franchir à son peuple : il a gardé les rites ancestraux, les sacrifices d’animaux, mais il leur a donné un sens nouveau. Désormais, ce qui comptait, c’était l’alliance avec le Dieu libérateur.
Puis est venue toute la pédagogie des prophètes : pour eux, l’important, bien plus que l’offrande elle-même, c’est le coeur de celui qui offre, un coeur qui aime. Et ils n’ont pas de mots trop sévères pour ceux qui maltraitent leurs frères et se présentent devant Dieu, les mains chargées d’offrandes. « Vos mains sont pleines de sang » dit Isaïe (sous-entendu « le sang des animaux sacrifiés ne cache pas aux yeux de Dieu le sang de vos frères que vous maltraitez ») (Is 1,15). Et Osée a cette phrase superbe que Jésus lui-même a rappelée : « Je veux la fidélité, non le sacrifice » (Os 6,6). Michée résume magnifiquement cette leçon : « Homme, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. » (Mi 6,8).
L’étape finale de cette pédagogie, ce sont les fameux chants du Serviteur du deuxième Isaïe : à travers ces quatre textes, on découvre ce qu’est le véritable sacrifice que Dieu attend de nous ; sacrifier (faire du sacré), entrer en communion avec le Dieu de la vie, ce n’est pas tuer ; c’est faire vivre les autres, c’est-à-dire mettre nos vies au service de nos frères. Le Nouveau Testament présente souvent Jésus comme ce Serviteur annoncé par Isaïe ; sa vie est tout entière donnée pour les hommes. Elle est le sacrifice parfait tel que la Bible a essayé de l’inculquer à l’humanité. « Le pain que je donnerai ; c’est ma chair1 donnée pour que le monde ait la vie ». Et désormais, dans la vie donnée du Christ, nous accueillons la vie même de Dieu : « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi ».
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Note
1 – Le mot « chair » ici, dans la bouche de Jésus est équivalent de vie : nous pouvons donc lire « ma vie donnée pour que le monde ait la vie ». Et nous comprenons bien que Jésus fait allusion à sa Passion et à ce mystère.
Complément à propos des sacrifices
La dernière conversion qui nous reste à opérer, c’est de ne plus chercher à « faire » du sacré, mais à accueillir la Vie que Dieu nous donne.

Homélie du dimanche 11 juin 2023

Dimanche 11 juin 2023
Solennité du Corps et du Sang du Christ

Lectures de la messe
Première lecture « Dieu t’a donné cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue » Dt 8, 2-3.14b-16a
Psaume Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! Ps 147 (147 B), 12-13, 14-15, 19-20
Deuxième lecture « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps » 1 Co 10, 16-17
Évangile « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » Jn 6, 51-58
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Comme dimanche dernier, la fête du Sacrement du Corps et du Sang du Christ n’est pas une simple fête de dévotion, même si elle s’exprime liturgiquement.  C’est une confession de notre foi fondamentale dont l’énoncé, d’ailleurs, ne se trouve pas dans le « Credo ». Les prières et les chants de la liturgie actuelle ont pour auteur saint Thomas d’Aquin.
Cet office est l’expression d’un amour intime et enthousiaste, un chef d’oeuvre de doctrine théologique, un exemple de goût littéraire sobre et d’une densité toute particulière. C’est également un témoignage. Par son humble attachement à la tradition liturgique, saint Thomas d’Aquin a employé, pour cette création, une partie des antiennes et des répons déjà en usage dans quelques-unes des Eglises particulières. Il voulait ainsi rassembler la diversité de ces richesses dans cette unique liturgie.
QUELQUES ETAPES SIGNIFICATIVES
Dans les premiers siècles, il n’y avait aucune célébration particulière pour l’Eucharistie. Elle était solennisée durant la « Grande Semaine », au jour du Jeudi-Saint qui connaissait trois messes : l’une pour la réconciliation des pénitents, une autre pour la consécration des Saintes Huiles et la troisième « In coena Domini », la Cène du Seigneur.
Avec le temps, les rites de la réconciliation et ceux des Saintes Huiles se compénétrèrent en une seule messe matinale et la commémoration de la Cène se reporta au soir. Puis la messe du Jeudi-Saint, comme l’on disait couramment il y a encore quelques années, fut célébrée le jeudi matin. Vatican II est revenu à l’antique tradition du « Repas du Seigneur » sans pour autant réduire le sens du sacrifice.
Le Moyen Age connut des doctrines qui, sans mettre en cause la « Présence réelle » du Seigneur, en discutaient, parfois d’une manière hérétique, les modalités, en particulier la doctrine théologique de Bérenger (998-1088), archidiacre d’Angers. Devant leur extension, la piété populaire réagit pour souligner la présence réelle et permanente du Seigneur.
Naquirent alors, à partir du 11ème siècle, les processions eucharistiques dites de la « Fête-Dieu », les « saluts du Saint-Sacrement » et les expositions publiques de l’Hostie consacrée qui voulaient souligner la présence réelle et permanente. C’est ainsi que l’Eglise demanda à saint Thomas d’Aquin, le théologien dominicain de l’Université de Paris de rédiger les textes liturgiques de cette fête, instituée par le pape Urbain IV en 1264.
La présence eucharistique n’est pas limitée dans le temps où s’accomplit le rite liturgique. Elle n’est pas une simple souvenance. Le Christ lui-même, L’Eucharistie, c’est le Christ en sa résurrection qui se rend présent en ce mystère, par une transformation « réelle » du pain et du vin dont la réalité d’être du pain et du vin n’est pas détruite.
LES INSISTANCES LITURGIQUES
Dans le cycle liturgique de cette année, les trois lectures et le psaume orientent la méditation du fidèle vers la dimension sacrificielle de l’Eucharistie, sans supprimer les autres dimensions de ce mystère : fraction du pain, repas communautaire, présence réelle, communion. Ces dimensions sont reprises dans les deux autres cycles liturgiques. Les textes de saint Thomas d’Aquin sont les mêmes chaque année et nous font ainsi pénétrer au cœur du mystère.
Ce qui est souligné cette année, c’est que l’Eucharistie est un sacrifice de louange et d’action de grâces comme l’étaient les sacrifices de l’Ancienne Alliance, parce qu’elle est un sacrifice de réconciliation dans le sang de l’Agneau offert et immolé, un sacrifice de l’Alliance entre Dieu et son Peuple.
Par elle-même, la mort n’est pas rédemptrice. C’est notre attitude devant la mort qui peut le devenir.
Dieu veut arracher son Serviteur à la mort. C’est le Serviteur qui, par son offrande, la fait devenir expiation et glorification. (Isaïe 53. 10) C’est ce qu’exprime par ailleurs la première prière eucharistique : « Nous t’offrons, ou ils t’offrent pour tous les leurs, ce sacrifice de louange, pour leur propre rédemption, pour le salut qu’ils espèrent. Et ils te rendent cet hommage, à toi, Dieu éternel, vivant et vrai. »
La Lettre aux Hébreux développe ce thème du sacrifice de réparation de l’Ancien Testament, évoquant la célébration particulièrement solennelle du « Jour de l’Expiation » (Le Yom Kippour) « Le sang du Christ fait bien davantage. » Il est le grand-prêtre de l’Alliance nouvelle. « Le Christ ressuscité ne meurt plus.»
Le Christ nous donne la vie, comme le Père nous donne la vie que Jésus a offerte pour nous et qui est désormais victorieuse de la mort. Le Christ donne l’ordre de célébrer ce mémorial jusqu’au jour du Royaume de Dieu, car cette victoire n’est pas celle que d’un jour.
« De même que le Christ ressuscité est présent, bien que nos yeux ne voient que du pain, de même toute l’Eglise est concernée par l’eucharistie, même si nous ne sommes que quelques-uns. L’Eglise catholique toute entière, celle du temps présent et celle de tous les temps, dans une communion des « saints » qui dépasse toute frontière. » (Jacques Perrier)
Ceux qui participent à l’eucharistie, unis au Christ, dans l’Eglise par le prêtre, offrent à Dieu l’acte sauveur par excellence, la Croix et la Résurrection. Ils s’y associent eux-mêmes, ils y associent la « multitude » pour laquelle le sang de l’Alliance a été versé.
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C’est ainsi que, depuis le soir du Jeudi-Saint et depuis le Calvaire, chaque célébration eucharistique est significative et signifiante de la présence permanente, réelle et agissante du Christ mort et ressuscité.
Saint Thomas le dit dans les oraisons de ce jour, selon sa concision merveilleuse et plein de richesse, car il était poète, docteur et mystique. Mais il est à noter que, contrairement à la tradition liturgique qui adresse toute prière au Père, par Jésus, ton fils bien-aimé, il s’adresse directement au Christ, au Fils de Dieu venu parmi les hommes pour les ouvrir à la vie éternelle qui est la sienne.
« Donne-nous , Seigneur, de vénérer d’un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang que nous puissions recueillir, sans cesse, le fruit de ta rédemption. »
« Fais que nous possédions, Seigneur Jésus, la jouissance éternelle de ta divinité, car nous en avons dès ici-bas l’avant-goût, puisque nous recevons ton corps et ton sang. »

Homélie du dimanche 4 juin 2023

Dimanche 4 juin 2023
La Sainte Trinité

Lectures de la messe
Première lecture « Le Seigneur, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux » Ex 34, 4b-6.8-9
Cantique À toi, louange et gloire éternellement ! Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56
Deuxième lecture « La grâce de Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit » 2 Co 13, 11-13
Évangile « Dieu a envoyé son Fils, pour que, par lui, le monde soit sauvé » Jn 3, 16-18
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On peut fêter la mémoire d’un saint au jour où il est définitivement né à la vie trinitaire dans l’éternité de Dieu, après les cheminements chaotiques de toute vie humaine.
On peut fêter l’annonce faite à Marie, la naissance de l’enfant de Bethléem et tous les mystères de l’Incarnation et de la vie du Fils de Dieu fait homme. Par ses actes et ses paroles, par cette totale participation divine à la vie humaine, il nous entraîne jusqu’à la divinisation, participation plénière à l’héritage de Dieu « avec le Christ… pour être avec Lui dans la gloire. » (Romains 8. 17)
AU CŒUR DU MYSTERE DE DIEU.
Mais la Trinité ne se fête pas comme l’un des mystères de cette alliance humano-divine qui se concrétise en un événement temporel.
Le mystère de la Trinité est le mystère de Dieu lui-même dans l’infini de tout son être, le tout de toute vie, de toute la vie.
C’est pourquoi la liturgie, et surtout orientale, n’est qu’un hymne ininterrompu à la louange de la Sainte Trinité, tous les jours et à toute heure de la liturgie du «temps présent ».
Par le baptême « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », nous sommes définitivement associés aux Trois Personnes Divines, et chaque Eucharistie exprime cette relation. Le mystère de l’alliance dit la liturgie « comme cette eau se mêle au vin ».
Nous prions le Père par le Fils à qui nous sommes unis dans l’Esprit-Saint qui nous fait s’écrier :« Abba ! Père ! » (Romains 8. 15) « Par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père Tout-Puissant, dans l’Unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire. »
L’EVOLUTION LITURGIQUE
Les Divines Liturgies de saint Basile comme de saint Jean Chrysostome, dans les Eglises orientales, catholiques et orthodoxes, ne connaissent pas cette « fête » particulière. Nous la vivons depuis notre baptême.
Il en fut de même pendant des siècles en Occident. L’Eglise romaine latine n’éprouvait pas et ne comprenait pas le besoin de lui consacrer un dimanche particulier, puisque chaque dimanche et chaque liturgie sont trinitaires.
Bien plus, dans l’antique rite romain, le dimanche qui suivait la grande nuit baptismale de la Pentecôte ne connaissait aucune liturgie. L’on disait « Dominica vacat » Un dimanche vacant …
Il fallut 8 siècles pour que l’on commence à voir apparaître, à Rome, et à Rome seulement, dans les calendriers romains, un octave de la Pentecôte, à l’instar du dimanche « in albis » de l’octave baptismal pascal. On fêtait notre divinisation dans le mystère trinitaire.
D’ailleurs, aux origines de cette liturgie propre au seul diocèse de Rome, l’évangile était celui du colloque du Seigneur avec Nicodème en Jean 3. 1 à 16, où il est question de l’efficacité de l’action de l’Esprit-Saint dans la régénération baptismale.
Au 9ème siècle, nous voyons se créer une messe « votive » axée sur les conséquences de notre participation au mystère trinitaire, dans notre vie quotidienne.
La Trinité n’est pas une dévotion. C’est notre foi fondamentale que nous devons confesser et dont nous devons vivre pour la traduire.
UNE CONFESSION, NON PAS UNE DEVOTION
Au 10ème siècle, on sentit le besoin de promouvoir une solennité spéciale en l’honneur de ce mystère à l’instar du mystère de l’Incarnation qui, lui, se réalise dans le Christ. Dans le même temps et peu à peu fut introduit une fête de la Sainte Trinité comme pour marquer le début du cycle des dimanches ordinaires de l’année «après la Pentecôte » au moment où se clôt le temps pascal.
Les passages tirés de l’évangile de saint Jean et de saint Luc ne s’imposèrent plus et, trois siècles plus tard, devant l’extension de cette liturgie populaire, le Pape instaura, en 1334, une fête nouvelle en l’étendant à tout le rite romain latin.
L’Eglise n’a pas établi cette fête par simple dévotion. Elle l’a voulu comme la confession annuelle et solennelle, humble et reconnaissante, du plus grand de tous les dogmes, qui est le mystère central de la foi chrétienne.
Elle voulait nous rappeler notre dignité baptismale, cette perfection possible qui est la nôtre. Même vécue imparfaitement dans le quotidien de nos doutes, de nos faiblesses, de notre offrande, de notre foi, chacune de nos vies est habitée par la Vérité divine.
Nous en avons déjà la possession intégrale. Or cela, nous l’oublions trop souvent. Ou bien, nous n’en tenons pas toujours compte.
Aujourd’hui cette liturgie est loin d’être inutile. Au nom d’un dialogue inter-religieux, nous risquons de ne plus affirmer aussi clairement le dialogue de Dieu avec nous en sa Trinité. « Le Seigneur est Dieu là-haut dans le ciel, comme ici-bas sur la terre, et il n’y en a pas d’autre. » (Deutéronome 4. 35)
Il n’y en a pas d’autre que Dieu en sa Trinité. « De toutes les nations, faîtes des disciples, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. » (Mat. 28. 19)
En affirmant cela, le chrétien n’est pas moins monothéiste qu’un autre croyant en Dieu Unique. Le mystère trinitaire n’est pas une forme déguisée d’un polythéisme de fait. Trois Dieux ? Non ! Le Père ne disparaît pas de notre horizon. L’Esprit-Saint n’est pas le prête-nom d’une absence psychologique intérieure. Le Fils n’est pas le seul à garder le privilège divin, au point d’en oublier Dieu qui est Père et Esprit.
Le Christ nous a affirmé cette unité de Dieu par cette conjonction : «Le Père ET le Fils ET le Saint-Esprit. » Ce n’est pas une curiosité stylistique. Ce qui est désigné et nommé ainsi, c’est un rapport tout particulier entre les personnes divines.
PAR DELA NOS PAROLES HUMAINES.
Les mots humains ne pourront jamais dire ni exprimer l’Etre Unique en Trois Personnes. A travers tout l’Evangile et au travers la prédication de Jésus à ses apôtres, nous est clairement découverte cette unité, que les apôtres vont dire au monde.
L’Esprit-Saint ne parle pas de Lui. Il est écoute et perception du Fils. Il est celui qui dit Dieu comme le Christ nous l’a dit. Quant au Fils, il ne parle pas de lui-même. Il parle de son Père et de l’amour qui les unit. Il est l’envoyé du Père pour qu’à notre tour, sauvés par Lui, nous puissions dire avec confiance : « Notre Père qui es aux cieux. » Et c’est ainsi qu’il est accueil et médiateur du Père.
Enfin le Père se livre au Fils de telle sorte que tout ce que possède le Père, il le remet au Fils pour le constituer en son être de Fils. Il est don. « La vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent. Toi le seul véritable Dieu et ton envoyé Jésus-Christ. » (Jean 17. 3)
« L’Esprit de vérité ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il entendra, il le dira, nous révèle Jésus. Il me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi je vous dis : C’est de mon bien qu’il prendra. » (Jean 16. 13 à 15).

Commentaires du dimanche 4 juin

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 4 juin 2023
Fête de la Trinité

1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile

PREMIERE LECTURE – Livre de l’Exode 34,4-6.8-9
En ces jours-là,
4 Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï
comme le SEIGNEUR le lui avait ordonné.
Il emportait les deux tables de pierre.
5 Le SEIGNEUR descendit dans la nuée
et vint se placer là, auprès de Moïse.
Il proclama son nom qui est : LE SEIGNEUR.
6 Il passa devant Moïse et proclama :
« LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR,
Dieu tendre et miséricordieux,
lent à la colère, plein d’amour et de vérité. »
8 Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et se prosterna.
9 Il dit :
« S’il est vrai, mon Seigneur, que j’ai trouvé grâce à tes yeux,
daigne marcher au milieu de nous.
Oui, c’est un peuple à la nuque raide ;
mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés,
et tu feras de nous ton héritage. »

LA GRANDE REVELATION DE DIEU PAR LUI-MEME
Le texte que nous venons d’entendre est l’un des plus précieux de toute notre histoire ! Dieu lui-même parle de lui-même ! « Il proclama son nom », dit le texte. Et la réaction spontanée de Moïse qui se prosterne jusqu’à terre prouve qu’il a entendu là des paroles extraordinaires.
Et que dit Dieu ? Il s’appelle « Le SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Ce nom « SEIGNEUR », c’est le fameux mot hébreu, en quatre lettres, YHVH, que nous ne savons pas prononcer, parce que, depuis des siècles, bien avant la naissance de Jésus, le peuple d’Israël s’interdisait de le dire, par respect. Ce nom-là, Dieu l’avait déjà proclamé devant Moïse dans le buisson ardent (Ex 3). En même temps qu’il lui révélait ce qui fut pour toujours, je crois, le socle de la foi d’Israël : « J’ai vu, disait Dieu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens… le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Égyptiens. Maintenant donc, va ! Je t’envoie. » (Ex 3,7-10).
C’était déjà une découverte inouïe : Dieu voit, Dieu entend, Dieu connaît la souffrance des hommes. Il intervient en suscitant des énergies capables de combattre toutes les formes de malheur. Cela veut dire que nous ne sommes pas seuls dans les épreuves de nos vies, Dieu est à nos côtés, il nous aide à les affronter, à survivre. Dans la mémoire du peuple juif, ce fameux nom « SEIGNEUR » rappelle tout cela, cette douce pitié de Dieu, si j’ose dire.
Et ce n’étaient pas seulement des paroles en l’air, puisque, effectivement, Dieu était intervenu, il avait suscité en Moïse l’énergie nécessaire pour libérer son peuple. Chaque année, aujourd’hui encore, lors de la fête de la Pâque, le peuple juif se souvient que Dieu est « passé » au milieu de lui pour le libérer.
Avec le texte d’aujourd’hui, nous franchissons une nouvelle étape : Dieu éprouve pour nous non seulement de la pitié devant nos malheurs, mais de l’amour ! Il est « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Une chose est d’éprouver de la pitié pour quelqu’un au point de l’aider à se relever, autre chose est de l’aimer vraiment.
Et ce n’est certainement pas un hasard si le texte d’aujourd’hui emploie le mot « passer » : Dieu « passe » devant Moïse pour révéler son nom de tendresse comme il est « passé » au milieu de son peuple dans la nuit de la Mer Rouge (Ex 12,13) : c’est le même mot ; quand Dieu passe, c’est toujours pour libérer son peuple. Et ce deuxième « passage » de Dieu, cette deuxième libération, est encore plus important que le premier. Le pire de nos esclavages est bien celui de nos fausses idées sur Dieu.
Or, vous avez entendu cette phrase du texte : « Il proclama son nom » ; cette phrase est notre garantie. Le Dieu d’amour auquel nous croyons, nous ne l’avons pas inventé, nous n’avons pas pris nos désirs pour des réalités. Vous connaissez la phrase de Voltaire « Dieu a fait l’homme à son image et l’homme le lui a bien rendu ». Eh bien non ! Nous n’avons pas inventé Dieu, c’est lui qui s’est révélé à nous et cela depuis Moïse ! Et à l’instant où elle a retenti dans l’humanité, cette révélation était vraiment l’inattendu. On ne s’y attendait tellement pas qu’il fallait bien que Dieu nous le dise lui-même.
LE DIEU DE MISERICORDE N’ABANDONNERA JAMAIS SON PEUPLE
La réponse de Moïse prouve qu’il a parfaitement compris ce que signifie l’expression « lent à la colère » et il en déduit : « Tu pardonneras nos fautes et nos péchés ». Et il sait que, sur ce point, Dieu aura fort à faire ! Car Moïse a essuyé plus d’une fois les mécontentements de son peuple. Au point qu’un jour, il leur a dit : « Depuis le jour où vous êtes sortis d’Égypte jusqu’à ce que vous arriviez en ce lieu, vous avez été rebelles au SEIGNEUR. » (Dt 9,7). Ici, il dit : « Oui, c’est un peuple à la nuque raide ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage. » Traduisez : nous sommes un peuple à la nuque raide, mais puisque tu es le Dieu tendre et miséricordieux, tu nous pardonneras toujours et nous, malgré tout, nous ferons notre petit possible pour répondre à ton amour.
Je reviens sur cette expression « nuque raide » : dans une civilisation essentiellement agricole, ce qui était le cas en Israël au temps bibliques, le spectacle de deux animaux attelés par un joug était habituel : nous savons ce qu’est le joug : c’est une pièce de bois, très lourde, très solide, qui attache deux animaux pour labourer. Le joug pèse sur leurs nuques et les deux animaux en viennent inévitablement à marcher du même pas.
Les auteurs bibliques ont le sens des images : ils ont appliqué cette image du joug à l’Alliance entre Dieu et Israël. Prendre le joug était donc synonyme de s’attacher à Dieu pour marcher à son pas. Mais voilà, le peuple d’Israël se raidit sans cesse sous ce joug de l’Alliance conclue avec Dieu au Sinaï. Au lieu de le considérer comme une faveur, il y voit un fardeau. Il se plaint des difficultés de la vie au désert, et finit même par trouver bien fade la manne quotidienne. Au point que Moïse a connu des jours de découragement. Au lieu de se laisser entraîner par la force de Dieu, l’attelage de l’Alliance, en effet, est perpétuellement freiné par les réticences de ce peuple à la nuque raide.
Dernière remarque : cette phrase « Le SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » est encore valable, évidemment. Et le mot « vérité » résonne dans toute l’histoire d’Israël comme le pilier le plus sûr de son espérance. C’est l’un des grands thèmes du Deutéronome, par exemple : « Le SEIGNEUR ton Dieu est un Dieu miséricordieux : il ne t’abandonnera pas, il ne te détruira pas, il n’oubliera pas l’Alliance jurée à tes pères. » (Dt 4,31).
J’en déduis une chose que, nous Chrétiens, ne devons jamais oublier : Israël est encore et toujours le peuple élu ; comme dit Saint Paul : « Les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance. » (Ro 11,29)… « Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même. » (2 Tim 2,13).

Cantique de Daniel 3,52-56
52 Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères :
A toi, louange et gloire éternellement !
Béni soit le Nom très saint de ta gloire :
A toi, louange et gloire éternellement !
53 Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire :
A toi, louange et gloire éternellement !
54 Béni sois-tu sur le trône de ton règne :
A toi, louange et gloire éternellement !
55 Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes :
A toi, louange et gloire éternellement !
Toi qui sièges au-dessus des Keroubim :
A toi, louange et gloire éternellement !
56 Béni sois-tu au firmament, dans le ciel :
A toi, louange et gloire éternellement !

LE LIVRE DE DANIEL, UN ECRIT DE RESISTANCE
Pour présenter le livre de Daniel auquel a été emprunté ce cantique, je commence par prendre une comparaison :
Dans les années 1980, au temps de la domination soviétique sur la Tchécoslovaquie, une jeune actrice tchèque a composé et joué de nombreuses fois dans son pays une pièce sur Jeanne d’Arc qu’elle avait intitulée « La nuit de Jeanne ». A vrai dire, l’histoire de Jeanne d’Arc chassant les Anglais hors de France cinq siècles plus tôt (au quinzième siècle) n’était pas le premier souci des Tchèques. Si donc le scénario tombait entre les mains de la police, ce n’était pas trop compromettant. Mais pour qui savait lire entre les lignes, le message était clair : ce que la jeune fille de dix-neuf ans a su faire en France avec l’aide de Dieu, nous le pouvons aussi. La surface du texte parlait des Français, des Anglais et de Jeanne au quinzième siècle, mais entre les lignes on savait fort bien qu’il s’agissait des Tchèques et des armées soviétiques au vingtième.
Le livre de Daniel (écrit sous la domination grecque au deuxième siècle) est de cet ordre-là, un écrit de résistance composé pendant la terrible persécution du tyran grec Antiochus Epiphane, pour encourager ses contemporains à tenir bon jusqu’au martyre. Son auteur est comme notre jeune actrice ; il raconte l’histoire d’un certain Daniel qui aurait vécu, lui aussi, plusieurs siècles plus tôt et dont la foi indomptable avait surmonté toutes les épreuves et les persécutions. La surface du livre parle de Babylone et du roi persécuteur Nabuchodonosor au sixième siècle, mais entre les lignes, tout le monde comprend qu’il s’agit du tyran grec Antiochus Epiphane au deuxième.
L’un des épisodes rapportés par le livre de Daniel, donc, est le supplice infligé à trois jeunes gens qui ont refusé d’adorer une statue en or érigée par Nabuchodonosor : ils sont précipités dans une fournaise (pour être brûlés vifs). L’auteur force volontairement le trait, évidemment, et le supplice est ce qu’on fait de plus épouvantable ; la foi des trois jeunes gens et le miracle de leur survie n’en ressortent que mieux. « Nabucodonosor ordonna de chauffer la fournaise sept fois plus qu’à l’ordinaire. Puis il ordonna aux plus vigoureux de ses soldats de ligoter Sidrac, Misac et Abdénago et de les jeter dans la fournaise de feu ardent. Alors, on ligota ces hommes, vêtus de leurs manteaux, de leurs tuniques, de leurs bonnets et de leurs autres vêtements, et on les jeta dans la fournaise de feu ardent. » (Dn 3,19-21).
Premier miracle, les voilà donc dans la fournaise surchauffée et ce n’est pas eux qu’elle brûle, mais leurs bourreaux : « Comme l’ordre du roi était strict et la fournaise extrêmement chauffée, la flamme brûla à mort les hommes qui y portaient Sidrac, Misac et Abdénago. » (Dn 3,22).
Deuxième miracle, tout ligotés qu’ils étaient, ils marchent au milieu des flammes en chantant la gloire de Dieu. Mais surtout, le grand miracle, c’est qu’ils font un véritable examen de conscience au nom de tout leur peuple et donnent un bel exemple d’humilité ; notre auteur suggère évidemment à ses lecteurs de s’y associer.
LE CANTIQUE DES TROIS ENFANTS
« Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères, loué sois-tu, glorifié soit ton nom pour les siècles ! Oui, tu es juste en tout ce que tu as fait ! Tes sentences de vérité, tu les as exécutées par tout ce que tu nous as infligé…Car nous avons péché ; quand nous t’avons quitté, nous avons fait le mal : en tout, nous avons failli. Nous n’avons pas écouté tes commandements, nous n’avons pas observé ni accompli ce qui nous était commandé pour notre bien… À cause de ton nom, ne nous livre pas pour toujours et ne romps pas ton alliance. Ne nous retire pas ta miséricorde, à cause d’Abraham, ton ami, d’Isaac, ton serviteur,
et d’Israël que tu as consacré. Tu as dit que tu rendrais leur descendance aussi nombreuse que les astres du ciel, que le sable au rivage des mers… Agis envers nous selon ton indulgence et selon l’abondance de ta miséricorde ! Qu’ils soient confondus, ceux qui causent du tort à tes serviteurs !… Qu’ils sachent que toi, tu es le Seigneur, le seul Dieu, glorieux sur toute la terre ! » (Dn 3, 26… 45).
Vous connaissez la suite : plus on attise le feu, plus il y a de victimes parmi les bourreaux pendant que les trois martyrs se promènent au milieu d’une rosée rafraîchissante : alors, du milieu des flammes, s’élève le plus beau chant que l’humanité ait inventé et ce sont ses premiers versets que nous chantons pour la fête de la Trinité.
« Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères » : c’est le rappel de l’Alliance conclue par Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob (surnommé Israël) : le rappel des promesses de Dieu, mais aussi le rappel de l’Alliance vécue au quotidien pendant des siècles : la longue quête d’Abraham, Isaac et Jacob vers le pays et la descendance promise… la longue marche de l’Exode avec Moïse, le long apprentissage de ce peuple choisi pour témoigner au milieu du monde… Malheureusement, au long de cette marche, on a souvent trébuché et l’expression « Dieu de nos pères » est plus encore le rappel des multiples pardons de Dieu, surmontant inlassablement les infidélités de son peuple.
« Béni soit le Nom très saint de ta gloire » : le Nom de Dieu c’est Dieu lui-même, mais on a tellement de respect qu’on dit « le Nom » pour ne pas dire « Dieu » ; « Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire » : ce verset est historiquement situé ! Il ne correspond pas au contexte supposé de l’Exil à Babylone : le temple avait alors été dévasté par les troupes de Nabuchodonosor, et là-bas, on n’aurait pas pu chanter cela ! En revanche, à Jérusalem, sous le roi grec Antiochus Epiphane, qui remplace le culte du vrai Dieu par son propre culte, il est très important de continuer à proclamer, fût-ce au péril de sa vie, que Dieu seul est Dieu et que le Temple est sacré, car là réside la gloire de Dieu.
Et d’ailleurs, les expressions « Le trône de ton règne » et « Toi qui sièges au-dessus des Keroubim » sont des allusions très concrètes à l’aménagement intérieur du Temple : dans la partie la plus retirée du Temple, le « Saint des Saints », il y avait l’arche d’Alliance qui était un coffret de bois ; et sur ce coffret deux statues de chérubins (les « keroubim »). C’étaient deux animaux ailés (avec une tête d’homme et un corps et des pattes de lion) : leurs ailes déployées représentaient le trône de Dieu. Au-dessus des keroubim, invisible, mais certaine, demeurait la présence de Dieu.
Rappel des temps de certitude, où l’on savait d’évidence que Dieu était en permanence au milieu de son Temple, ce qui voulait dire au milieu de son peuple. L’auteur du livre de Daniel déploie volontairement ce chant de victoire ; en bon prophète qu’il est, il sait de toute la force de sa foi que les puissances du mal peuvent bien se déchaîner, elles ne l’emporteront pas. Dans la tourmente que traversent tant de peuples aujourd’hui, ce message nous est tout autant nécessaire.
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Complément
La phrase « Que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi » nous vient du cantique des trois jeunes martyrs du livre de Daniel (Dn 3,40).

DEUXIEME LECTURE – Première lettre de Paul aux Corinthiens 13,11-13
11 Frères, soyez dans la joie,
cherchez la perfection,
encouragez-vous,
soyez d’accord entre vous,
vivez en paix,
et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous.
12 Saluez-vous les uns les autres
par un baiser de paix.
Tous les fidèles vous saluent.
13 Que la grâce du Seigneur Jésus Christ,
l’amour de Dieu
et la communion du Saint-Esprit
soient avec vous tous.

DIEU PROPOSE À L’HUMANITÉ D’ENTRER DANS SON INTIMITÉ
Vous avez reconnu cette dernière phrase : « La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ». C’est la première phrase du célébrant à la messe. Ce qui veut dire que Saint Paul termine sa deuxième lettre aux Corinthiens par là où nous commençons nos liturgies. Et ce n’est pas un hasard si c’est le président de la célébration qui la dit, et personne d’autre. Car cette phrase, à elle seule, annonce tout le projet de Dieu, et le président de la célébration, ici, parle au nom de Dieu. Ce que Dieu propose à l’humanité, en quelques mots, c’est d’entrer dans son intimité, dans le foyer d’amour de la Trinité.
La « grâce », « l’amour », la « communion », c’est la même chose ; le Père, le Fils, l’Esprit Saint, c’est la Trinité ; « La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint », c’est bien le foyer d’amour que constitue la Trinité.
Je vous disais que c’est une proposition de Dieu : c’est le sens du subjonctif « soient avec vous ». La liturgie emploie souvent des subjonctifs : « Que Dieu vous pardonne », « Que Dieu vous bénisse », « Que Dieu vous protège et vous garde », « Le Seigneur soit avec vous » : on n’envisage évidemment pas une minute que Dieu pourrait ne pas nous pardonner, ne pas nous bénir, ne pas nous protéger et nous garder, ne pas être avec nous…
Le sens de ce subjonctif n’est pas « pourvu que » : « Pourvu qu’Il veuille bien vous bénir, vous pardonner… » En Dieu, le pardon, le don, la bénédiction ne sont pas des gestes ponctuels qu’il doit décider, c’est son être même.
Et pourtant un subjonctif, en français, signifie toujours un souhait. Seulement, ce souhait, c’est nous qu’il concerne. Ce subjonctif dit notre liberté : nous sommes toujours libres de ne pas entrer dans la bénédiction et le pardon de Dieu. On dit souvent « l’homme propose, Dieu dispose »… En réalité, c’est tout le contraire. Dieu nous propose en permanence son dessein bienveillant, son Alliance, mais nous, nous restons libres de ne pas entrer dans ce projet.
Encore un mot sur cette expression trinitaire de Paul : les expressions qui parlent aussi clairement des trois personnes divines sont complètement absentes dans l’Ancien Testament et très rares dans le Nouveau. Une fois de plus on voit les progrès de la Révélation qui atteint son sommet avec Jésus-Christ.
C’est cette révélation du mystère d’amour qui est en Dieu qui inspire les recommandations de Paul. Frères, soyez dans la joie… » : quand l’Ancien Testament parle de joie, il s’agit toujours du sentiment très fort que suscite toute expérience de libération ; on pourrait presque remplacer le mot « joie » par « exultation de la libération » ; Isaïe, par exemple, annonçant la fin d’une guerre, proclame « Ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson… car le joug qui pesait sur lui (le peuple), la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés … » (Is 9,2).
Plus tard, c’est le retour d’exil que le prophète annonce comme une grande joie : « Ceux qu’a libérés le SEIGNEUR reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient. » (Is 35,10).
FRÈRES, SOYEZ DANS LA JOIE QUE NUL NE VOUS RAVIRA
Et ces expériences de libération ne sont qu’une pâle image de la libération définitive promise à l’humanité : « Oui, voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit. Soyez plutôt dans la joie, exultez sans fin pour ce que je crée. Car je vais recréer Jérusalem, pour qu’elle soit exultation, et que son peuple devienne joie. » (Is 65,17-18).
La joie était considérée dans l’Ancien Testament comme la caractéristique du temps du salut et de la paix qui s’instaurera à la fin des temps. Quand Jésus parle de joie à ses apôtres, c’est à ce niveau-là qu’il se place et il en donne la raison : « Prenez courage, j’ai vaincu le monde. » (Jn 16,33). C’est ce qui lui permet de dire : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » (Jn 15,11) et encore : « Vous êtes maintenant dans l’affliction, mais je vous verrai à nouveau, votre coeur alors se réjouira, et cette joie, nul ne vous la ravira. » (Jn 16,22).
La deuxième recommandation de Paul, c’est : « Soyez d’accord entre vous » ; et on est frappés de son insistance sur la paix : « Vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous. Saluez-vous les uns les autres par un baiser de paix. » On a là un écho de la prière de Jésus pour ses apôtres dans l’évangile de Jean : « Qu’ils soient UN pour que le monde croie » ; Paul le dit à sa manière dans la lettre aux Romains : « Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. » (Rm 15,5-6).
Ailleurs, dans la lettre aux Ephésiens, il dit : « Je vous exhorte à vous conduire d’une manière digne de votre vocation…Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous. » (Eph 4,1… 6).
Cet accord se manifeste liturgiquement dans le baiser de paix ; car la formule « Saluez-vous les uns les autres par un baiser de paix » que l’on retrouve plusieurs fois dans des lettres de Paul vise ce geste liturgique qui existait déjà de son temps ; vers 150, Saint Justin racontait : « Quand les prières sont terminées, nous nous donnons un baiser les uns aux autres. » Nous avons heureusement retrouvé ce geste très symbolique depuis le concile Vatican II.
Et voilà ce que disait un Evêque de Rome, Saint Hippolyte, vers 215 : « Que l’évêque salue l’assemblée en disant : Que la paix du Christ soit avec vous tous. Et que tout le peuple réponde : Et avec ton esprit. Que le diacre dise à tous : Saluez-vous dans un saint baiser et que les clercs embrassent l’évêque, les laïcs hommes (embrassent) les laïcs hommes et les femmes (embrassent) les femmes ».

EVANGILE – selon Saint Jean 3,16-18
16 Dieu a tellement aimé le monde
qu’il a donné son Fils unique,
afin que quiconque croit en lui ne se perde pas,
mais obtienne la vie éternelle.
17 Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
18 Celui qui croit en lui échappe au Jugement ;
celui qui ne croit pas est déjà jugé,
du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

DIEU A TELLEMENT AIMÉ LE MONDE QU’IL A DONNÉ SON FILS UNIQUE
« Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique » ; c’est le grand passage de l’Ancien Testament au Nouveau Testament qui est dit là. Dieu aime le monde, c’est-à-dire l’humanité : on le savait déjà dans l’Ancien Testament ; c’était même la grande découverte du peuple d’Israël. La grande nouveauté du Nouveau Testament, c’est le don du Fils pour le salut de tous les hommes.
« Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » Si je comprends bien, il suffit de croire en lui pour être sauvé. Voilà la grande nouvelle de l’évangile, et de celui de Jean en particulier ; voici ce qu’il dit dans le Prologue : « Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. » (Jn 1,12). Et encore un peu plus loin au chapitre 3, Jean rapporte cette parole de Jésus : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » (Jn 3,36 // 6,47).
Et quand il dit « vie éternelle », Jésus évoque autre chose que la vie biologique, bien sûr, il parle de cette autre dimension de la vie qu’est la vie de l’Esprit en nous, celle qui nous a été insufflée au jour de notre Baptême. (Jn 5,24 ; 11,26) ; pour lui, c’est cela le salut. Etre sauvé, au sens biblique, c’est vivre en paix avec soi et avec les autres, c’est vivre en frères des hommes et en fils de Dieu. Pour cela, il suffit, nous dit Jésus, de nous tourner vers lui. Pour pouvoir être en permanence inspiré par son Esprit qui nous souffle des comportements de frères et de fils.
Pour parler à la manière de la Bible, on dira : « Il suffit de lever les yeux vers Jésus pour être sauvé. » C’est une nouvelle extraordinaire, si on veut bien la prendre au sérieux ! Il nous suffit de nous tourner vers lui, et d’accepter de le laisser transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair.
SUR LE VISAGE DU CRUCIFIÉ, L’HUMANITÉ DÉCOUVRE ENFIN LE VRAI VISAGE DU DIEU
Pourquoi ? Parce que sur le visage du crucifié, qui donne sa vie librement, l’humanité découvre enfin le vrai visage du Dieu de tendresse et de pardon, à l’opposé du Dieu dominateur et vengeur que nous imaginons parfois malgré nous. « Celui qui m’a vu a vu le Père » dit Jésus à ses disciples dans le même évangile de Jean (Jn 14,9).
La seule chose qui nous est demandée, c’est de croire en Dieu qui sauve pour être sauvés, de croire en Dieu qui libère pour être libérés. Il nous suffit de lever vers Jésus un regard de foi pour être sauvés. C’est ce regard de foi, et lui seul, qui permet à Jésus de nous sauver. Et là, on ne peut pas ne pas penser à toutes les fois dans les évangiles où Jésus relève quelqu’un en lui disant « Ta foi t’a sauvé ».1
Cette annonce de Jésus, dans son entretien avec Nicodème, Jean la médite au pied de la Croix. C’est là que lui revient en mémoire une prophétie de Zacharie qui annonçait le salut et la conversion de Jérusalem à la suite de la mort d’un homme aimé comme un « fils unique » : « Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication. Ils regarderont vers moi. Celui qu’ils ont transpercé, ils feront une lamentation sur lui, comme on se lamente sur un fils unique ; ils pleureront sur lui amèrement, comme on pleure sur un premier-né…Ce jour-là, il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure. » (Za 12,10…13,1).
Je pense que, pour Saint Jean, cette prophétie de Zacharie est une lumière très importante ; quand il médite sur le mystère du salut accompli par Jésus-Christ, c’est à elle qu’il se réfère. On la retrouve dans l’Apocalypse : « Voici qu’il vient avec les nuées, tout oeil le verra, ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ; et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre. » (Ap 1,7).
LA VIE ÉTERNELLE, C’EST CONNAÎTRE DIEU ET SON ENVOYÉ, JÉSUS-CHRIST
Et, du coup, nous comprenons mieux l’expression « fils unique » : « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique ». Déjà, au tout début de l’évangile, Jean en avait parlé : « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il il tient de son Père, comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » (Jn 1,14). Il est l’unique parce qu’il est la plénitude de la grâce et de la vérité ; il est l’unique, aussi, au sens de Zacharie, parce qu’il est l’unique source de vie éternelle ; il suffit de lever les yeux vers lui pour être sauvé ; il est l’unique, enfin, parce que c’est lui qui prend la tête de l’humanité nouvelle. Là encore je retrouve Paul : le projet de Dieu c’est que l’humanité tout entière soit réunie en Jésus et vive de sa vie qui est l’entrée dans la communion d’amour de la Trinité. C’est cela qu’il appelle le salut, ou la vie éternelle ; c’est-à-dire la vraie vie ; non pas une vie après la vie, mais une autre dimension de la vie, dès ici-bas. Ailleurs Saint Jean le dit bien : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. » (Jn 17,3) ; et connaître Dieu, c’est savoir qu’Il est miséricorde.
Et c’est cela le sens de l’expression « échapper au jugement », c’est-à-dire à la séparation : il nous suffit de croire à la miséricorde de Dieu pour y entrer. Je prends un exemple : si j’ai blessé quelqu’un, et que je crois qu’il peut me pardonner, je vais me précipiter dans ses bras et nous pourrons nous réconcilier ; mais si je ne crois pas qu’il puisse me pardonner, je vais rester avec le poids de mon remords ; comme dit le psaume 51/50 : « ma faute est devant moi sans relâche » ; c’est devant moi qu’elle est sans relâche ; mais il nous suffit de sortir de nous-mêmes et de croire au pardon de Dieu pour être pardonnés.
Il nous suffit donc de croire pour être sauvés mais nous ne serons pas sauvés malgré nous ; nous restons libres de ne pas croire, mais alors nous nous condamnons nous-mêmes : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. » Mais « Celui qui croit en lui échappe au jugement » ; c’est bien ce qu’a fait le bon larron : sa vie n’avait rien d’exemplaire mais il a levé les yeux sur celui que les hommes ont transpercé ; et en réponse, il a entendu la phrase que nous rêvons tous d’entendre « Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le Paradis ».
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Note
1 – Le mot « croire », Chouraqui le traduit par « adhérer » : il ne s’agit donc pas d’une opinion ; croire, chez Jean, a un sens très fort ; adhérer à Jésus, c’est être greffé sur lui, inséparable de lui. Ce n’est pas un hasard si c’est le même Jean qui évoque l’image de la vigne et des sarments. Saint Paul, lui, emploie l’image de la tête et des membres.
Complément
– Une fois de plus, Paul est très proche de Jean : « Si, de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton coeur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. » (Romains 10,9).

Commentaires du dimanche 28 mai

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,
dimanche 28 mai 2023
Solennité de la Pentecôte

1ère lecture
Psaume
2ème lecture
Evangile

PREMIERE LECTURE – Actes des apôtres 2, 1-11
1 Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques,
ils se trouvaient réunis tous ensemble.
2 Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent :
la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière.
3 Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu,
qui se partageaient,
et il s’en posa une sur chacun d’eux.
4 Tous furent remplis d’Esprit Saint :
ils se mirent à parler en d’autres langues,
et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
5 Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux,
venant de toutes les nations sous le ciel.
6 Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait,
ils se rassemblèrent en foule.
Ils étaient en pleine confusion
parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient.
7 Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient :
« Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ?
8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende
dans son propre dialecte, sa langue maternelle ?
9 Parthes, Mèdes et Elamites,
habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce,
de la province du Pont et de celle d’Asie,
10 de la Phrygie et de la Pamphylie,
de l’Egypte et des contrées de Libye proches de Cyrène,
Romains de passage,
11 Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes,
tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »

Première chose à retenir de ce texte : Jérusalem est la ville du don de l’Esprit ! Elle n’est pas seulement la ville où Jésus a institué l’Eucharistie, la ville où il est ressuscité, elle est aussi la ville où l’Esprit a été répandu sur l’humanité.
A l’époque du Christ, la Pentecôte juive était très importante : c’était la fête du don de la Loi, l’une des trois fêtes de l’année pour lesquelles on se rendait à Jérusalem en pèlerinage. L’énumération de toutes les nationalités réunies à Jérusalem pour cette occasion en est la preuve : « Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d’Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, de l’Egypte et de la Libye proche de Cyrène… Crétois et Arabes ».
La ville de Jérusalem grouillait donc de monde venu de partout, des milliers de Juifs pieux venus parfois de très loin : c’était l’année de la mort de Jésus, mais qui d’entre eux le savait ? J’ai dit intentionnellement « la mort » de Jésus, sans parler de sa Résurrection ; car celle-ci pour l’instant est restée confidentielle. Ces gens venus de partout n’ont probablement jamais entendu parler d’un certain Jésus de Nazareth. Cette année-là est comme toutes les autres, cette fête de Pentecôte sera comme toutes les autres. Mais déjà, ce n’est pas rien ! On vient à Jérusalem dans la ferveur, la foi, l’enthousiasme d’un pèlerinage pour renouveler l’Alliance avec Dieu.
Pour les disciples, bien sûr, cette fête de Pentecôte, cinquante jours après la Pâque de Jésus, celui qu’ils ont vu entendu, touché… après sa Résurrection… cette Pentecôte ne ressemble à aucune autre ; pour eux plus rien n’est comme avant… Ce qui ne veut pas dire qu’ils s’attendent à ce qui va se passer !
Pour bien nous faire comprendre ce qui se passe, Luc nous le raconte ici, dans des termes qu’il a de toute évidence choisis très soigneusement pour évoquer au moins trois textes de l’Ancien Testament : ces trois textes, ce sont premièrement le don de la Loi au Sinaï ; deuxièmement une parole du prophète Joël ; troisièmement l’épisode de la tour de Babel.
Commençons par le Sinaï : les langues de feu de la Pentecôte, le bruit « pareil à celui d’un violent coup de vent » suggèrent que nous sommes ici dans la ligne de ce qui s’était passé au Sinaï, quand Dieu avait donné les tables de la Loi à Moïse ; on trouve cela au livre de l’Exode : « Le troisième jour, quand vint le matin, il y eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la montagne et la voix d’un cor très puissant ; dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse fit sortir le peuple à la rencontre de Dieu hors du camp, et ils se tinrent tout en bas de la montagne. La montagne du Sinaï n’était que fumée, parce que le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; sa fumée monta comme le feu d’une fournaise, et toute la montagne trembla violemment … Moïse parlait et Dieu lui répondait par la voix du tonnerre ». (Ex 19,16-19).
(Et on racontait que lorsque Dieu avait donné la loi, il y avait des lampes de feu qui traversaient l’espace.)
En s’inscrivant dans la ligne de l’événement du Sinaï, Saint Luc veut nous faire comprendre que cette Pentecôte, cette année-là, est beaucoup plus qu’un pèlerinage traditionnel : c’est un nouveau Sinaï. Comme Dieu avait donné sa Loi à son peuple pour lui enseigner à vivre dans l’Alliance, désormais Dieu donne son propre Esprit à son peuple… Désormais la Loi de Dieu (qui est le seul moyen de vivre vraiment libres et heureux, il ne faut pas l’oublier) désormais cette Loi de Dieu est écrite non plus sur des tables de pierre mais sur des tables de chair, sur le coeur de l’homme, pour reprendre une image d’Ezéchiel.2
Deuxièmement, Luc a très certainement voulu évoquer une parole du prophète Joël : « Je répandrai mon esprit sur toute chair », dit Dieu (Jl 3, 1 ; « toute chair » c’est-à-dire tout être humain). Aux yeux de Luc, ces « Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel » comme il les appelle, symbolisent l’humanité entière pour laquelle s’accomplit enfin la prophétie de Joël. Cela veut dire que le fameux « Jour de Dieu » tant attendu est arrivé !
Troisièmement, l’épisode de Babel : vous vous souvenez de l’histoire de Babel : en la simplifiant beaucoup, on peut la raconter comme une pièce en deux actes : Acte 1, tous les hommes parlaient la même langue : ils avaient le même langage et les mêmes mots. Ils décident d’entreprendre une grande oeuvre qui mobilisera toutes leurs énergies : la construction d’une tour immense… Acte 2, Dieu intervient pour mettre le holà : il les disperse à la surface de la terre et brouille leurs langues. Désormais les hommes ne se comprendront plus… Nous nous demandons souvent ce qu’il faut en conclure ?… Si on veut bien ne pas faire de procès d’intention à Dieu, impossible d’imaginer qu’il ait agi pour autre chose que pour notre bonheur… Donc, si Dieu intervient, c’est pour épargner à l’humanité une fausse piste : la piste de la pensée unique, du projet unique ; quelque chose comme « mes petits enfants, vous recherchez l’unité, c’est bien ; mais ne vous trompez pas de chemin : l’unité n’est pas dans l’uniformité ! La véritable unité de l’amour ne peut se trouver que dans la diversité ».
Le récit de la Pentecôte chez Luc s’inscrit bien dans la ligne de Babel : à Babel, l’humanité apprend la diversité, à la Pentecôte, elle apprend l’unité dans la diversité : désormais toutes les nations qui sont sous le ciel entendent proclamer dans leurs diverses langues l’unique message : les merveilles de Dieu.
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Note
1 – La première lecture et le psaume sont communs aux fêtes de la Pentecôte des trois années liturgiques. En revanche, la deuxième lecture et l’évangile sont différents chaque année.
2 – « Je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j’enlèverai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon propre esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes…vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ». (Ez 36,26…28).

PSAUME – 103 (104), 1.24, 29-30, 31.34
1 Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme ;
SEIGNEUR mon Dieu, tu es si grand !
24 Quelle profusion dans tes oeuvres, SEIGNEUR !
La terre s’emplit de tes biens.
29 Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
30 Tu envoies ton souffle ; ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.
31 Gloire au SEIGNEUR à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses oeuvres !
34 Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le SEIGNEUR.

Il faudrait pouvoir lire ce psaume en entier ! Trente-six versets de louange pure, d’émerveillement devant les oeuvres de Dieu J’ai dit des « versets », parce que c’est le mot habituel pour les psaumes, mais j’aurais dû dire trente-six « vers » car il s’agit en réalité d’un poème superbe.
On n’est pas surpris qu’il nous soit proposé pour la fête de la Pentecôte puisque Luc, dans le livre des Actes, nous raconte que le matin de la Pentecôte, les Apôtres, remplis de l’Esprit-Saint se sont mis à proclamer dans toutes les langues les merveilles de Dieu.
Vous me direz : pour s’émerveiller devant la Création, il n’y a pas besoin d’avoir la foi ! C’est vrai, et on trouve certainement dans toutes les civilisations des poèmes magnifiques sur les beautés de la nature. En particulier on a retrouvé en Egypte sur le tombeau d’un Pharaon un poème écrit par le célèbre Pharaon Akh-en-Aton (Aménophis IV) : il s’agit d’une hymne au Dieu-Soleil : Aménophis IV a vécu vers 1350 av. J.C. , à une époque où les Hébreux étaient probablement en Egypte ; ils ont peut-être connu ce poème.
Entre le poème du Pharaon et le psaume 103/104 il y a des similitudes de style et de vocabulaire, c’est évident : le langage de l’émerveillement est le même sous toutes les latitudes ! Mais ce qui est très intéressant, ce sont les différences : elles sont la trace de la Révélation qui a été faite au peuple de l’Alliance.
La première différence, et elle est essentielle pour la foi d’Israël, Dieu seul est Dieu ; il n’y a pas d’autre Dieu que lui ; et donc le soleil n’est pas un dieu ! Nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer au sujet du récit de la Création dans la Genèse : la Bible prend grand soin de remettre le soleil et la lune à leurs places, ils ne sont pas des dieux, ils sont uniquement des luminaires, c’est tout. Et ils sont des créatures, eux aussi : un des versets du psaume le dit clairement « Toi, Dieu, tu fis la lune qui marque les temps et le soleil qui connaît l’heure de son coucher ». Je ne vais pas en parler longtemps car il s’agit de versets qui n’ont pas été retenus pour la fête de la Pentecôte, mais plusieurs versets présentent bien Dieu comme le seul maître de la Création ; le poète emploie pour lui tout un vocabulaire royal : Dieu est présenté comme un roi magnifique, majestueux et victorieux. Par exemple, le mot « grand » que nous avons entendu est un mot employé pour dire la victoire du roi à la guerre. Manière bien humaine, évidemment, pour dire la maîtrise de Dieu sur tous les éléments du ciel, de la terre et de la mer.
Deuxième particularité de la Bible : la Création n’est que bonne ; on a là un écho de ce fameux poème de la Genèse qui répète inlassablement comme un refrain « Et Dieu vit que cela était bon ! »… Le psaume 103/104 évoque tous les éléments de la Création, avec le même émerveillement : « Moi, je me réjouis dans le SEIGNEUR » et le psalmiste ajoute (un verset que nous n’entendons pas ce dimanche) : « Je veux chanter au SEIGNEUR tant que je vis, jouer pour mon Dieu tant que je dure… »
Pour autant le mal n’est pas ignoré : la fin du psaume l’évoque clairement et souhaite sa disparition : mais les hommes de l’Ancien Testament avaient compris que le mal n’est pas l’oeuvre de Dieu, puisque la Création tout entière est bonne. Et on sait qu’un jour Dieu fera disparaître tout mal de la terre : le roi victorieux des éléments vaincra finalement tout ce qui entrave le bonheur de l’homme.
Troisième particularité de la foi d’Israël : la Création n’est pas un acte du passé : comme si Dieu avait lancé la terre et les humains dans l’espace, une fois pour toutes. Elle est une relation persistante entre le Créateur et ses créatures ; quand nous disons dans le Credo « Je crois en Dieu tout-puissant, créateur du ciel et de la terre », nous n’affirmons pas seulement notre foi en un acte initial de Dieu, mais nous nous reconnaissons en relation de dépendance à son égard : le psaume ici dit très bien la permanence de l’action de Dieu : « Tous comptent sur toi… Tu caches ton visage, ils s’épouvantent ; tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle, ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre ».
Autre particularité, encore, de la foi d’Israël, autre marque de la révélation faite à ce peuple : au sommet de la Création, il y a l’homme ; créé pour être le roi de la Création, il est rempli du souffle même de Dieu ; il fallait bien une révélation pour que l’humanité ose penser une chose pareille ! Et c’est bien ce que nous célébrons à la Pentecôte : cet Esprit de Dieu qui est en nous vibre en sa présence : il entre en résonance avec lui. Et c’est pour cela que le psalmiste peut dire : « Que Dieu se réjouisse en ses oeuvres ! … Moi, je me réjouis dans le SEIGNEUR ».
Enfin, et c’est très important : on sait bien qu’en Israël toute réflexion sur la Création s’inscrit dans la perspective de l’Alliance : Israël a d’abord expérimenté l’oeuvre de libération de Dieu et seulement ensuite a médité la Création à la lumière de cette expérience. Dans ce psaume précis, on en a des traces :
D’abord le nom de Dieu employé ici est le fameux nom en quatre lettres, YHVH, que nous traduisons SEIGNEUR, qui est la révélation précisément du Dieu de l’Alliance.
Ensuite, vous avez entendu tout à l’heure l’expression « SEIGNEUR mon Dieu, tu es si grand ! » L’expression « mon Dieu » avec le possessif est toujours un rappel de l’Alliance puisque le projet de Dieu dans cette Alliance était précisément dit dans la formule « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ». Cette promesse-là, c’est dans le don de l’Esprit « à toute chair », comme dit le prophète Joël qu’elle s’accomplit. Désormais, tout homme est invité à recevoir le don de l’Esprit pour devenir vraiment fils de Dieu.
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Note
1 – La première lecture et le psaume sont communs aux fêtes de la Pentecôte des trois années liturgiques. En revanche, la deuxième lecture et l’évangile sont différents chaque année.

DEUXIEME LECTURE – Première lettre de Paul aux Corinthiens 12, 3b-7. 12-13
Frères,
3 personne n’est capable de dire :
« Jésus est Seigneur »
sinon dans l’Esprit Saint.
4 Les dons de la grâce sont variés,
mais c’est le même Esprit.
5 Les services sont variés,
mais c’est le même Seigneur.
6 Les activités sont variées,
mais c’est le même Dieu
qui agit en tout et en tous.
7 À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit
en vue du bien.
12 Prenons une comparaison :
le corps ne fait qu’un,
il a pourtant plusieurs membres ;
et tous les membres, malgré leur nombre,
ne forment qu’un seul corps.
Il en est ainsi pour le Christ.
13 C’est dans un unique Esprit, en effet,
que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres,
nous avons été baptisés pour former un seul corps.
Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit.

Paul nous donne ici une définition de l’Eglise : c’est le lieu où « chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien. » Voilà pourquoi nous sommes faits : manifester l’Esprit Saint, et non pas pour notre propre fierté, mais en vue du bien de tous. Et c’est un don gratuit qui est fait à chacun d’entre nous.
Comme tous les membres d’un même corps sont au service de ce corps, sans que personne ne se demande lequel est le plus utile, de la main ou du pied, de l’oreille ou de l’oeil, de même nous sommes tous indispensables à ce grand corps du Christ qui est en train de se former. Pour l’instant, l’oeuvre définitive ressemble plutôt à une immense mosaïque dont les pièces sont encore éparpillées, mais c’est justement l’Esprit qui fait l’unité et la cohésion de l’ensemble, et qui relie entre elles les multiples pièces répandues à la surface du globe.
Si, partout dans le monde, des communautés vivent à la manière dont parle Saint Paul, alors cela fera tache d’huile et la mosaïque s’assemblera peu à peu. Car la vie des communautés chrétiennes à la manière de Saint Paul est pour le moins révolutionnaire : d’un trait de plume, il barre toute considération de hiérarchie ou de supériorité !!! Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, toutes nos distinctions bien humaines, tout cela ne compte plus : désormais une seule chose compte : notre Baptême dans l’unique Esprit, notre participation à ce corps unique, le corps du Christ. Les vues humaines ne sont plus de mise : finies les considérations de supériorité ou d’infériorité… Tout racisme est désormais impossible.
Paul avait certainement de bonnes raisons de le rappeler à ses Chrétiens d’origines si diverses : « Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres »… dit-il. Juifs ou païens, ce sont tous les problèmes de diversités de sensibilités religieuses, sans parler de la difficulté des croyants de longue date à accepter les nouveaux venus. Mettre Juifs et païens sur le même plan au niveau religieux, quand on sait le poids que pouvait revêtir l’élection d’Israël aux yeux de Paul, c’était quand même bien audacieux ! Esclaves ou hommes libres, ce sont les diversités sociales, peut-être même raciales, certainement des clivages politiques et inévitablement pour certains des sentiments de supériorité.
Bien sûr, les problèmes de la communauté de Corinthe n’étaient pas tout à fait les nôtres… Mais sommes-nous tellement loin de cela ? Si elles ne portent plus les mêmes noms, nos diversités de toute sorte sont bien à l’origine de nombreuses difficultés dans nos communautés. Pour certains d’entre nous, s’ajoute peut-être la difficulté de vivre sereinement et de trouver chacun notre juste place dans la structure qui s’est instaurée en vingt siècles de vie d’Eglise.
Et le premier message de Paul, aujourd’hui, c’est que l’Eglise du Christ a précisément pour vocation d’être ce lieu où l’on apprend à ne plus penser en termes de supériorité, de hiérarchie, d’avancement, d’honneur… Le lieu où une nomination n’est pas un avancement ou une rétrogradation… Le lieu où une ordination ne confère pas une supériorité… Car les vues de Dieu sont tout autres : « Vous le savez, disait Jésus à ses apôtres, les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. » (Mt 20,25-26).
Si on devait dessiner l’Eglise, ce ne serait pas une pyramide, mais une foule serrée autour de Quelqu’un. (Et au mot « Quelqu’un », j’ai mis une majuscule bien sûr). Saint Paul aussi dessine, mais lui il dessine tout simplement un corps humain : tous les baptisés, petits ou grands, nous en sommes les membres. Et ceux, parmi nous, qui sont ordonnés, ont justement ce rôle d’être le signe visible de la présence invisible du Christ dans son corps. Cela ne leur confère pas une supériorité, mais une mission.
Nous ne sommes pas tous pareils pour autant : l’âge et le curriculum vitae ont quand même leur importance… mais pas celle qu’on croit. Et voilà le deuxième message de Paul : nos diversités sont des cadeaux ; ce n’est pas un hasard si il emploie plusieurs fois le mot « don » : « Les dons de la grâce sont variés »… « Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous ». Cela aussi, c’est un peu le monde à l’envers, parce que, bien souvent, ce sont nos diversités qui nous font souffrir ; on en sait quelque chose en liturgie ; Paul, au contraire, nous invite à nous en réjouir : nos diversités sont des richesses ! Et, paradoxalement, ce sont elles qui bâtiront notre unité. C’est l’un des grands messages de la Pentecôte, nous l’avons vu, en particulier, avec le récit des Actes des Apôtres où toutes les langues diverses s’unissent pour chanter le même chant, les merveilles de Dieu. L’Eglise est aussi ce lieu où l’on peut surmonter les différences de sensibilité et apprendre à vivre la réconciliation. Car l’Esprit qui nous est donné à la Pentecôte est l’Esprit d’amour, donc de pardon et de réconciliation. C’est même justement notre capacité de réconciliation et de respect mutuel qui est la marque de l’Esprit. Voilà le témoignage que le monde attend de nous. « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaîtra pour mes disciples » disait Jésus le dernier soir (Jn 13,35).
Décidément, si nous avions à imaginer un dessin représentant l’Eglise, on pourrait dessiner une mosaïque : (chaque pièce compte et il ne faut surtout pas des pièces trop grandes !) plus les pièces (ce qu’on appelle les tesselles) sont petites, variées, colorées, plus la mosaïque sera belle et nuancée !
L’unité dans la diversité, c’est un beau pari : mais nous ne pouvons le gagner que parce que l’Esprit nous est donné : l’Esprit d’Amour, l’Amour qui unit le Père et le Fils. C’était déjà la leçon de Babel : l’unité n’est pas dans l’uniformité ! La véritable unité de l’amour ne peut se trouver que dans la diversité.

EVANGILE – selon Saint Jean 20,19-23
C’était après la mort de Jésus :
19 le soir venu, en ce premier jour de la semaine,
alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples
étaient verrouillées par crainte des Juifs,
Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit :
« La paix soit avec vous ! »
20 Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
Les disciples furent remplis de joie
en voyant le Seigneur.
21 Jésus leur dit de nouveau :
« La paix soit avec vous !
De même que le Père m’a envoyé,
moi aussi, je vous envoie. »
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux
et il leur dit :
« Recevez l’Esprit Saint.
23 À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ;
à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

Pour transmettre l’Esprit Saint à ses disciples, Jésus souffle sur eux ; cela nous fait penser à la phrase célèbre du livre de la Genèse, au chapitre 2 : « Le Seigneur Dieu insuffla dans les narines de l’homme l’haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). Et le psaume 103/104 (que nous entendons également pour cette fête de Pentecôte), commente le texte de la Création en chantant : « Tu envoies ton souffle, ils sont créés. » Or, nous sommes au soir de Pâques et Jésus reprend ce geste du Créateur. On comprend pourquoi Saint Jean note : « C’était le soir du premier jour de la semaine », manière de dire c’est le premier jour de la nouvelle création ; dans le Judaïsme, on évoquait souvent la première création que Dieu avait accomplie en sept jours, comme le dit le fameux poème du chapitre 1 de la Genèse et on attendait le huitième jour, celui du Messie. A sa manière, imagée, Jean nous dit : ce fameux huitième jour est arrivé, c’est à une véritable re-création de l’homme que vous assistez.
Deuxième remarque à propos du souffle, il me semble que l’ordre choisi par Jean pour nous raconter la Pentecôte est une leçon : je reprends les trois phrases dans l’ordre : 1) « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » …2) « Il répandit sur eux son souffle et il leur dit recevez l’Esprit Saint » … 3) « Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ». La première et la troisième phrase disent une mission, elles encadrent la phrase qui dit le don de l’Esprit. Ce qui veut bien dire que l’Esprit est donné POUR la mission. Nous n’avons pas d’autre raison d’être que cette mission.
Et cette mission consiste à « remettre les péchés » ; c’était déjà celle de Jésus ; et il dit bien d’ailleurs : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Jésus, l’envoyé du Père, c’est un grand thème de Jean… A notre tour, Jésus nous envoie et Jean emploie bien le même mot ; Jésus est l’envoyé du Père et nous sommes les envoyés de Jésus, nous avons la même mission que Jésus, il nous la confie. C’est dire notre responsabilité, la confiance qui nous est faite ; or cela concerne tous les baptisés puisque l’Eglise a toujours jugé bon de confirmer tous les baptisés.
Et cette mission de Jésus, pour s’en tenir au seul évangile de Jean, c’était d’ôter le péché du monde, j’ai envie de dire « extirper » le péché du monde ; et cela en étant l’agneau de Dieu. « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » avait dit Jean-Baptiste. L’agneau, c’est celui qui reste doux et humble de coeur face à ses bourreaux (c’est celui dont parle Isaïe 52-53) ; c’est aussi l’agneau pascal, celui qui signe de sa vie la libération du peuple de Dieu. Et au-delà de la libération d’Egypte, la phrase de Jean-Baptiste vise la libération du péché, c’est-à-dire de la haine et de la violence.
Jésus lui-même parle souvent de sa mission : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui »… « Dieu a donné son Fils, son unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ».
Il me semble que toutes ces affirmations de Jésus sur sa mission éclairent la phrase difficile du texte d’aujourd’hui : « Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus ». La première partie de cette phrase nous convient tout à fait, bien sûr, mais la deuxième nous déroute. Pour commencer, je la redis un peu différemment, sans la déformer, j’espère : « Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous ne remettrez pas ses péchés, ils ne lui seront pas remis ».
Impossible de penser que notre Père du ciel pourrait ne pas nous pardonner. Déjà l’Ancien Testament avait parfaitement mis en lumière que le pardon de Dieu précède même notre repentir ; car en Dieu le pardon n’est pas un acte ponctuel, c’est son être même. Dieu n’est que don et pardon. La caractéristique de la miséricorde, c’est de se pencher encore plus près des miséreux, et miséreux, nous le sommes.
Le pouvoir donné aux disciples du Christ, et plus que le pouvoir, la mission, confiée aux disciples du Christ, c’est donc de dire cette parole du pardon de Dieu ; c’est aussi, du coup, la terrible responsabilité que nous donne la deuxième partie de la phrase : ne pas dire la parole du pardon de Dieu, laisser le monde ignorer ce pardon, c’est laisser le monde à son désespoir. Nous détenons le pouvoir de ne pas dire le pardon de Dieu et de laisser le monde l’ignorer.
A entendre cela, on a envie de se mettre au travail tout de suite !
Et le pardon de Dieu peut être annoncé de deux manières : par nos paroles et par nos gestes ; ce qui nous est demandé, c’est d’être nous-mêmes pardon. Nous sommes désormais pour le monde les témoins du pardon de Dieu.
Et c’est cela la nouvelle Création : l’Esprit de don et de pardon nous est donné. A la Pentecôte, le pouvoir de pardonner nous est insufflé ; Dieu souffle en nous les paroles du pardon. Au théâtre, il y a un souffleur pour les trous de mémoire de l’acteur… Désormais il y a en nous quelqu’un qui souffle les paroles et les gestes du pardon. L’Esprit fait de nous des agneaux de Dieu à notre tour, il nous donne ainsi le pouvoir de vaincre la spirale de la haine et de la violence. Jésus l’avait déjà dit à ses disciples : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ». Comme son Père l’a envoyé pour être l’agneau de Dieu, Jésus nous envoie à notre tour pour être des agneaux dans le monde. Pour répondre à la violence et à la haine par la non-violence et le pardon.
Jusqu’au jour où se lèvera enfin ce fameux « huitième jour » que l’Ancien Testament déjà annonçait, celui où l’humanité tout entière vivra l’amour et le pardon…

Homélie du dimanche 28 mai 2023

Dimanche 28 mai 2023
Célébration de la Pentecôte

La venue de l’Esprit-Saint
Références bibliques :
Lecture des Actes des Apôtres. 2. 1 à 11 : « Nous entendons dans nos langues proclamer les merveilles de Dieu. »
Psaume 103 : « Tu envoies ton souffle. Ils sont créés; tu renouvelles la face de la terre. »
Première lettre de saint Paul aux Corinthiens : 12. 3 à 13 : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. »
Evangile selon saint Jean : 20. 19 à 23 :  » Il répandit sur eux son souffle et il leur dit : recevez l’Esprit-Saint. »
***
UN ACHEVEMENT ET UN DEBUT
Il n’y a aucune discontinuité entre le Christ-Seigneur de la Transfiguration et l’Esprit de feu qui vient sur les apôtres au matin de la Pentecôte.
La différence est que ce jour-là, l’Esprit descendit « avec puissance ». Les Actes nous disent que depuis plusieurs jours, ils étaient réunis en prière. Nul doute qu’ensemble ils aient évoqué avec la Vierge Marie, les événements, les paroles et les gestes du Christ Jésus durant les trois années qu’ils ont passées avec lui.
Ensemble, ils échangent, approfondissent, renouvellent le message vécu au quotidien et dont, sur le moment, ils n’avaient pas saisi toute la portée.
A la lumière de la Résurrection, ils relisent tout cela. Avec leurs caractères, avec leur expérience de la vie qui était la leur avant le Christ insère sa vie divine dans la leur, de leur enfance, à l’adolescence,de la virilité.
« Le jour de la Pentecôte étant arrivé… » c’est à la fois un achèvement et un début. Une voie nouvelle s’ouvre devant eux et ils s’y étaient préparés.
Nous aussi nous ne pouvons entrer dans la Pentecôte à l’improviste. Il nous faut comme eux durant cinquante jours avoir assimilé toute la substance spirituelle de cette période pascale. Il nous faut avoir eu l’expérience du Christ ressuscité.
UNIS A LA FOI DE TOUTE L’EGLISE
‘Ils se trouvaient tous ensemble… unis dans la prière ». C’était l’Eglise naissante. Ils priaient tous ensemble et ils trouvent les conditions nécessaires à la réception du Saint-Esprit…. Il y a 50 ans que tout s’est changé par cette résurection du Seigneur.
Il nous faut, à certains moments, nous retirer et nous enclore dans la chambre haute de notre âme. Mais nous ne pouvons les vivre séparés du Corps qu’est l’Eglise.
« Les fonctions… les activités … les dons sont variés. C’est toujours le même Dieu qui agit en tous. Nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps » (Saint Paul aux Corinthiens. 12. 13) Qui veut ignorer l’autorité des apôtres ou se passer de la présence maternelle de Marie ne peut recevoir l’Esprit-Saint dans la vérité.
CHACUN D’EUX LES ENTENDAIT DANS SA LANGUE.
La Pentecôte rétablit l’unité du langage et de la compréhension. L’orgueil des hommes les avait divisé aux jours de la tour de Babel. L’humble disponibilté nous met à l’écoute de Dieu et chacun peut entendre cette unique Parole.
Le langage de l’Esprit – du moins dans son sens intérieur – est aujourd’hui encore accessible à tous les hommes, à toutes les races, à toutes les nations. Le même Esprit transmet un message universel que chaque âme reconnaît cependant comme le sien propre.
Différent selon les révélations et les Sagesses que nos limites humaines ont découvert.
Mais l’Esprit de Dieu est à l’œuvre « en tout homme qui le cherche avec droiture » selon la prière eucharistique. Mais ce langage n’est pas le nôtre. Il est  » selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer… »
Il nous faut là souligner l’importance de cette parole donnée par l’Esprit. Un danger serait de la recevoir comme si c’était notre bien propre, et la transmettre comme si elle émanait de nous. La Parole est donnée à l’Eglise pour tous les temps.
Nous n’avons donc pas à nous approprier nos charismes, ni à interpréter cette Parole hors de l’Eglise. C’est elle qui est l’assurance de la fidélité à la pensée de Dieu, lui seul est charismatique, lui seul est la Vérité. C’est à cette condition que la Parole « donnée » gardera sa valeur d’universel.
ASSOCIES AUX LITURGIES QUOTIDIENNES
Nous sommes associés à cet Esprit par les Pentecôtes déjà nombreuses auxquelles, chaque année, nous nous sommes liturgiquement associés.
Mais à nous de ne jamais cesser de vivre et de transmettre dans l’Esprit, l’exigence missionnaire du Seigneur : »Vous serez mes témoins… »
C’est dans cette perspective que nous devons entendre les textes des prières eucharistiques quotidiennes, les entendre et leur donner toute leur résonance spirituelle :
– Prière eucharistique 2 : »Que nous soyons rassemblés par l’Esprit-Saint en un seul corps. » pas seulement nous les fidèles, mais l’Eglise qui est corps du Christ.
– Prière eucharistique 3 : « C’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifie toutes choses par ton Fils Jésus-Christ notre Seigneur … avec la puissance de l’Esprit-Saint. » – « Remplis de l’Esprit-Saint, accordes-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ. »
– Prière eucharistique 4 : « Il a envoyé d’auprès de toi, comme premier don fait aux croyants, l’Esprit qui poursuit son oeuvre dans le monde et achève toute sanctification. » –
« Rassemblés par l’Esprit-Saint en un seul corps pour qu’il soient eux-mêmes dans le Christ une vivante offrande à la louage de ta Gloire. » La liturgie rénovée par Vatican II redonne à l’Esprit-Saint son œuvre de consécration. Ce n’est pas le souffle des mots prononcés par le prêtre célébrant qui donne présence au Corps et au Sang du Christ.
C’est l’Esprit-Saint lui-même à qui le prêtre demande d’être le consécrateur, le Sanctificateur.
***
Puissions-nous, par-delà la répétition de ces prières, ne jamais les entendre d’une manière indifférente. Elles devraient au contraire nous laisser dans un long silence de contemplation, d’admiration, d’adoration, selon la salutation qui ouvre chaque liturgie : »La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit-Saint soient toujours avec vous. »

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